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Covid-19, recel successoral et faux testaments olographes. Par Jean-Philippe Barthomet, Criminologue.
Parution : jeudi 5 janvier 2023
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La forte croissance du taux de mortalité, liée à la pandémie sanitaire mondiale, s’est traduite par une hausse importante de faux testaments olographes, déposés chez les notaires et contestés en justice par les héritiers légitimes.

1.- Le cadre juridique du testament olographe.

Le testament olographe constitue la manifestation de dernières volontés la plus simple d’exécution, la moins onéreuse, ainsi que la moins formelle, puisque cette modalité testamentaire ne nécessite d’aucun formalisme particulier pour être valable.

L’article 970 du Code civil prévoit que le testament olographe doit être rédigé en entier, daté et signé de la main du testateur.

L’éventuel dépôt chez le notaire, ainsi que l’inscription dans le Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés (FCDDV), n’est pas requise préalablement au décès.

Ces formalités peuvent être remplis a posteriori par le notaire chargé de la succession.

Le fait d’établir un testament olographe n’est pas compliqué, mais l’article 970 du Code civil ne permet pas l’intervention d’une tierce personne dans sa rédaction.

Ainsi, une date modifiée par un tiers, un mot ajouté, un montant raturé ou altéré, ainsi que toute autre altération du graphisme du testateur sur le testament olographe rend celui-ci non-valide, d’un point de vue juridique.

2.- Introduction du testament olographe dans la succession.

Le testament olographe est souvent présenté au notaire après le décès du testateur. Il est fréquemment retrouvé parmi les affaires du défunt, puis communiqué à l’office notarial par un proche.

Mais parfois, plusieurs testaments olographes sont communiqués au notaire après le décès, si bien que seul le dernier en date est valable et annule tous les précédents.

Il est tout aussi fréquent qu’une personne âgée rédige plusieurs testaments olographes, profitant à plusieurs proches, dans le but d’être plus entouré en fin de vie.

Dans tous les cas, la décision revient au notaire chargé de la succession, dans le respect du Code civil et du droit de succession.

Si le testament olographe est contesté par les héritiers, le recours à la juridiction civile reste envisageable. Le partage sera mis en suspens dans ce cas précis, pendant la durée de la procédure judiciaire.

Les héritiers contestataires ont le droit de désigner un expert en écritures et en documents pour authentifier un testament olographe douteux, dans le cadre d’une expertise privée, ainsi que de demander une expertise judiciaire en justice.

Dans l’expertise judiciaire, l’expert est désigné par la juridiction, et les travaux d’expertise se déroulent sous l’égide du magistrat chargé du contrôle des expertises.

Le magistrat peut autoriser soit la remise du testament olographe litigieux à l’expert désigné, soit l’examen de celui-ci dans l’office notarial, avec la participation des parties et dans le respect du principe contradictoire du droit.

3.- Les modalités faussaires les plus fréquentes.

Le testament olographe peut être manipulé suivant plusieurs procédés, en fonction du but recherché par le faussaire :

- Modification de la date. Dans la mesure où seul le dernier testament olographe en date est valide et annule les antérieurs, la date manuscrite constitue l’un des éléments les plus falsifiés en France. Les deux derniers chiffres de l’année doivent faire l’objet d’un examen approfondi, permettant d’identifier toute trace de grattage, de gommage physique ou chimique, de surcharge d’encre ou d’éléments étrangers à un graphisme spontané et naturel.

- Altération de noms et de prénoms. Les membres d’une famille partagent souvent un même nom de famille, le prénom étant la seule différence par rapport à l’état-civil de chacun d’entre eux. Il est fréquent de retrouver des prénoms frauduleusement modifiés pour favoriser l’un des héritiers.

- Modification de chiffres et de montants. Les montants économiques et les taux de partage sont fréquemment manipulés, dans le but de privilégier un héritier, suivant les procédés exposés précédemment.

- Falsification de signatures. Lorsqu’un brouillon de testament est retrouvé dans les affaires du défunt, il est fréquent que celui-ci ne porte pas la signature du testateur. Certains individus n’hésitent pas à ajouter une fausse signature, conscients que le corps du testament est authentique et qu’il n’éveillera pas les soupçons des autres héritiers.

- Contrefaçon intégrale. Il est connu que l’âge avancé est souvent synonyme de problèmes de santé chez l’être humain, de troubles musculaires, de maladie d’Alzheimer ou de Parkinson. Certains faussaires amateurs en profitent pour fabriquer des testaments olographes à l’écriture tremblotante, parfois même illisible, tout en se disant qu’ils ne seront pas expertisés par un spécialiste en raison de la dégradation évidente du graphisme.

- Composition numérique. Avec l’avancée des nouvelles technologies, les notaires reçoivent de plus en plus de testaments olographes numériquement manipulés. Dans ce cas précis, l’examen optique par un expert en documents est très conseillé, dans le but d’identifier la présence de traces de toner, à la place de l’encre d’un stylo-plume ou à bille.

- Raturages. Le procédé le plus simple pour altérer un testament olographe consiste à raturer un élément que l’on souhaite faire disparaître : un nom, un montant, un pourcentage, un bien, etc. Les technologies actuelles, dans le domaine de la criminalistique documentaire, permettent de rendre visibles les mentions raturées, invisibles à l’œil nu, sans destruction physique du document.

4.- Comment reconnaître un faux testament olographe ?

Plusieurs indices peuvent alerter un œil peu averti de la présence d’une manipulation graphique sur un testament olographe.

La plus simple d’exécution est l’examen du dos du testament à la lumière rasante, à l’aide d’une lampe torche ou d’un téléphone portable.

Cette technique révèle fréquemment l’absence de relief, de pression scripturale au niveau de la signature, permettant d’envisager la présence d’un élément imprimé à la place d’un tracé manuscrit.

Mais aussi la présence de taches suspectes aux endroits importants, telle la date, les montants, les chiffres ou la signature. Ces taches sont souvent visibles sous lumière transmise. Il suffit d’éclairer le testament olographe par-derrière, à l’aide également d’une lampe torche ou d’un téléphone portable.

Les surcharges d’encre, ainsi que les raturages à ces endroits, méritent un examen plus approfondi, car elles masquent généralement d’autres éléments importants.

Les appareils photo intégrés dans les téléphones portables actuelles permettent aussi un examen du graphisme sous fort grossissement. Cet examen révèle souvent la présence de traces étrangères à l’écriture.

Pour les autres modalités faussaires, l’intervention d’un expert en écritures et documents est requise, ainsi que l’utilisation d’instruments techniques et informatiques spécifiques.

Chaque modalité faussaire nécessite d’un protocole d’examens différent, normalement réalisé en laboratoire.

Jean-Philippe Barthomet Criminologue Expert en écritures et documents https://criminalistique.fr