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[République du Congo] Acquisition et protection du droit de propriété foncière. Par Mon-espoir Mfini, Juriste.
Parution : jeudi 12 janvier 2023
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Révolution copernicienne, le droit foncier congolais faisait peau neuve en 2018, par le biais notamment de la loi n°21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition des terres et terrains. Celle-ci devait être complétée par plus d’un texte, afin de rajeunir la législation en la matière, et de venir au secours de l’Etat, en fixant les règles d’occupation, d’acquisition et de protection des terres, dans l’optique de battre en brèche toutes les vicissitudes observées jusqu’à cette date.

Cette loi est en ce sens une œuvre novatrice et protectrice des intérêts des uns et des autres sur la terre. Nous nous permettons d’analyser par la présente les procédés d’acquisition et de protection du droit de propriété en République du Congo, sous le prisme notamment du droit en vigueur.

A l’heure des grandes réalisations, les questions foncières sont devenues d’une brûlante actualité dans les pays civilistes à domanialité souple, notamment en République du Congo. Elles interpellent tout congolais sans exception. Ainsi, devient-il impératif d’avoir un aperçu, mieux d’évaluer les procédés d’acquisition du droit de propriété (I) et de protection de ce droit (II). C’est seulement après avoir consacré cette analyse que la mise en place d’une politique foncière pourra être envisagée dans l’optique d’une réforme.

I- Les procédés d’acquisition du droit de propriété.

Le droit congolais d’acquisition des terres est fondé principalement sur deux sources ; l’une constitutionnelle, à savoir l’article 23 de la constitution de 2015, et l’autre tirée de la loi n°21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition des terres et terrains, complétée par six textes réglementaires.

En droit, aux termes de l’article 17 de la loi n°21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition des terres et terrain,

« la propriété foncière est le droit de jouir et de disposer des espaces de terres ou de terrains, de la manière la plus absolue, pourvu qu’il n’en soit pas fait un usage prohibé par les lois et règlements ».

Aux termes de l’article 18, al. 1er de la même loi, « Le droit de propriété foncière est reconnu aux personnes physiques et morales de droit privé ».

Aux termes de l’article 20 de la loi n°21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition des terres et terrain,

« la propriété du sol couvre : les droits réels y afférents ; les droits résultant du transfert de propriété entre vifs, en cas de succession, d’accession ou d’incorporation et de prescription ; la constitution des sûretés réelles ».

Aux termes du 1er alinéa de l’article 21 de la loi susmentionnée,

« La propriété foncière s’acquiert et se transmet par l’effet des obligations, par l’effet de la reconnaissance des terres coutumières, par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, par accession ou incorporation et par prescription ».

En fait, il ressort de la combinaison de ces dispositions que toute personne physique ou morale de droit privé peut acquérir un droit de propriété en République du Congo.

Aussi, la législation congolaise instaure-t-elle un mécanisme de reconnaissance des terres coutumières, qui peuvent faire l’objet d’acquisition définitive lorsque le détenteur se voit reconnaître par l’État le droit de propriété sur sa terre coutumière, au moyen d’un arrêté de reconnaissance des terres coutumières.

C’est dire que la reconnaissance par l’État de la propriété des terres coutumière est un des procédés d’acquisition du droit de propriété en République du Congo, car, celui qui se dit propriétaire d’une terre coutumière n’ayant pas fait l’objet d’une reconnaissance préalable par l’État, ne l’est pas ; il en est simplement un occupant sans en être propriétaire. La propriété en ce sens, vient de ce que la terre coutumière qu’on occupe fait l’objet d’une reconnaissance par l’État par le biais d’un arrêté ministériel de reconnaissance. Concrètement, la procédure de reconnaissance des terres coutumières par l’État constitue un préalable à la jouissance et à l’acquisition du droit de propriété de ces terres. Ce procédé constitue un nouveau mécanisme de reconnaissance des terres coutumière. Ainsi, le détenteur des terres coutumières en devient propriétaire de plein droit, dès que celle-ci est reconnue par l’État au moyen de l’arrêté de reconnaissance des terres coutumières. Mais, une difficulté peut se présenter lorsqu’il est question de reconnaître des terres coutumières ; c’est la superposition des droits fonciers coutumiers.

Cela est très courant en République du Congo. A cet effet, dans le cadre d’une réformer foncière, il serait non seulement opportun de donner compétence au tribunal de grande instance compétent en fonction du lieu de la terre, mais, de mettre sur pied un tribunal coutumier statuant en premier ressort, en amant du tribunal de grande instance. Ici il sied de noter que le tribunal coutumier qui va être reconnu par l’État, va faire office de tribunal d’instance en matière foncière coutumière. Aussi, de la combinaison de ces dispositions, plus particulièrement de ce que prévoit l’article 21, l’acquisition du droit de propriété peut découler d’une succession d’une donation entre vif ou testamentaire, par accession ou incorporation et par prescription.

Outre ces procédés, nous pouvons aussi noter la possession continue, réelle et paisible, publique et non équivoque d’une terre sur laquelle on ne dispose que d’un titre précaire. A juste titre, il convient de relever que l’occupation et l’acquisition des terres du domaine rural en République du Congo est réservée aux personnes physiques et morale de nationalité congolaise. L’acquisition du droit de propriété sur ces terres se fait par une reconnaissance de l’État. En dehors de cette reconnaissance, le possesseur n’en n’est pas propriétaire mais simple occupant. Par ailleurs, il importe de préciser que sur le fondement de l’article 42 de la loi sous commentaire, que les terres du domaine rural, les terres ou terrains en zones urbaines ou périurbaine déclarés non constructibles sont interdites d’occupation ou d’acquisition. Ces zones impropres à la construction sont la propriété exclusive et inaliénable de l’État. Cependant, la loi reconnait la possibilité à l’État de réaliser ou d’autoriser des aménagements publics ou des mises en valeurs privées dans ces zones. C’est dire qu’on ne peut acquérir des droits sur des terres et terrains situées dans ces zones. Ceci est sans grande importance dans le cadre de notre analyse intéressant les procédés d’acquisition du droit de propriété au Congo. Mais, il est néanmoins important de rappeler cette considération, tant est-il que ces zones sont souvent illégalement occupées au grand regard de l’État et font parfois l’objet d’acquisition du droit de propriété en complicité avec l’État. Une réforme sérieuse ne serait omettre cette considération. Après avoir analysé les procédés d’acquisition du droit de propriété en République du Congo, on devra s’intéresser aux procédés de protection de ce droit de propriété.

II- Les procédés de protection du droit de propriété.

Les procédés de protection du droit de propriété relèvent à n’en pas douter des plus épineuses questions du droit foncier congolais. La réforme intervenue en 2018 confirme que la détermination du législateur de protéger les droits de propriété sur les terres est tout sauf un long fleuve tranquille. Néanmoins, le législateur a consacré avec la nouvelle loi des procédés de protection du droit de propriété foncière. Pour nous en convaincre, il suffit de passer au peigne fin ladite loi.

En droit, aux termes de l’article 24 de la loi n°21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition des terres et terrains,

« La propriété foncière régulièrement acquise est soumise aux formalités d’immatriculation obligatoire et de mise à jour conformément à la procédure prévue par la loi en vigueur. L’immatriculation consiste à établir un titre foncier et à l’inscrire dans le registre de la propriété foncière ».

Aux termes de l’article 29, al. 1er de la loi susvisée, « tout titre de propriété autre que le titre foncier est un titre précaire ».

Aux termes de l’article 30 de la loi sous commentaire, « toute personne qui occupe des terres ou terrains sans titre foncier est un occupant foncier précaire ».

En fait, il ressort de la combinaison de ces dispositions que toute personne ayant acquis un droit de propriété sur une terre coutumière ou non coutumière, est tenue de se voir délivrer sur cette terre un titre foncier, matérialisant son droit de propriété sur la terre. La loi rend, donc, obligatoire l’immatriculation des terres coutumières à l’issue de la reconnaissance par l’État, et des terres nos coutumières sur lesquelles on a acquis un droit de propriété. Il s’agit là d’une avancée notable dans la gestion du foncier congolais, car les terres et terrains ne feront plus l’objet de transactions s’ils n’ont pas été circonscrits par l’État. C’est ici la manifestation la plus aboutie de la protection du droit de propriété foncière en droit foncier congolais. L’immatriculation des terres, mieux des terrains, constitue un procédé de protection du droit de propriété. Avec la création du titre foncier portant sur les terres coutumières, les propriétaires terriens, peuvent, désormais, jouir, de plein droit, de la qualité de propriétaire foncier sans être inquiété, puisqu’ils auraient protégé leurs droits de propriété. Aussi, la création du titre foncier sur les terres coutumières a apporté une solution définitive au problème des ventes multiples d’une même tenure foncière à plusieurs personnes. Cette avancée ne concerne pas que les terres coutumières, mais aussi, toutes les autres terres susceptibles d’acquisition.

Le titre foncier en ce qu’il est un procédé de protection du droit propriété, permet de mettre un terme au phénomène de superposition des ventes qui constituait l’une des principales causes de l’insécurité foncière. Dès lors, les terres ne peuvent être attribuées aux indivisaires ou cédées aux acquéreurs que par la technique du morcellement du titre foncier ; chaque morcellement donnant lieu à la création d’un nouveau titre foncier sur la superficie morcelée. Seulement, pour inciter les propriétaires terriens à immatriculer volontairement leur terres coutumières, l’État doit tenir compte de la précarité dans laquelle sombre plus d’un congolais, en réévaluant le coût de l’immatriculation, mieux du titre foncier.

Après avoir acquis un droit de propriété sur une terre, l’acquéreur ou son représentant est tenu de se présenter, dans les 90 jour qui suivent son acquisition, au service du cadastre du lieu de situation de la propriété pour requérir l’établissement et la certification des documents cadastraux y afférents, notamment l’acte de vente officiel, le procès-verbal de l’enquête parcellaire de traçabilité, à son profit, afin de permettre aux services du cadastre de procéder à la mise à jour de l’état de section, du registre descriptif, de la matrice cadastrale, du plan cadastral du lieu de situation de la propriété et du registre national de la propriété foncière. Tout cela dans le but de protéger son droit de propriété.

En fin, l’occupant foncier précaire qui a acquis le droit de propriété sur une terre qu’il a possédé pendant 30 ans de façon continue, réelle, paisible, publique et sans équivoque, est astreint à l’immatriculation obligatoire, dans les délais prescrits par la loi et règlement en vigueur. Celui-ci est dès lors assujetti à l’impôt foncier.

De ce qui précède, il convient de noter que l’immatriculation constitue le procédé par excellence de protection de son droit de propriété sur une terre. Cependant, l’État devrait prendre en compte la situation précaire dans laquelle se trouve plus d’un congolais, pour rendre moins onéreuse cette immatriculation.

Aussi, l’Etat devrait inciter les acquéreurs à immatriculer leurs terres, au moyen notamment des campagnes de sensibilisation.

Mon-espoir Mfini Juriste en droit des affaires et droits africains
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