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Pourquoi dit-on qu’un avocat coûte cher ? Par Diane Marchau, Avocat.
Parution : jeudi 12 janvier 2023
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L’avocat qui s’en met plein les poches est une image d’Epinal dans l’esprit des justiciables... Mais que recouvre vraiment l’honoraire ? Réponse sous forme d’interview.

N’y allons pas par quatre chemins, pourquoi un avocat ça coûte si cher ?

Alors je vais également répondre droit au but : un avocat assis dans son bureau à ne rien faire, perd en moyenne 100 euros par heure.

Expliquez-nous ?

C’est simple, je prends pour exemple ma structure : nous sommes un cabinet à taille humaine.

Nous louons un local, nous employons deux secrétaires, un collaborateur et un coursier (très courant dans notre barreau qui est encore relativement « petit » [1]).

Nous avons ensuite des frais encore plus invisibles mais qui sont essentiels pour recevoir un client : ainsi nous employons une personne qui fait le ménage, nous avons une fontaine d’eau et il faut provisionner pour l’entretien ponctuel (rafraichissement des peintures ou du mobilier).

Il faut ensuite pouvoir traiter le dossier de notre client.

Pour cela, nous avons besoin d’un matériel informatique, a minima un ordinateur et une imprimante.

Enfin, comme toute profession libérale, nous supportons des charges sociales. Vous avez déjà entendu parler de l’URSSAF j’imagine… Nous cotisons également pour notre retraite par le biais de notre Caisse, la CNBF [2].

Et, je ne parle pas de la cotisation annuelle à notre Ordre.

Tout cela additionné permet de comprendre que le simple fait d’exercer notre métier a un coût : nous perdons environ 100 euros par heure passée au cabinet.

Donc tout cela pour dire que vous perdez 100 euros chaque heure qui passe…Pourtant vous facturez l’heure bien davantage non ?

Alors oui. Cependant, il ne faut pas croire que cela nous permet une marge rentable pour autant, car il y a un autre facteur qui entre en jeu… la durée de traitement du dossier.

Par exemple, notre cabinet facture 300 euros l’heure de travail. Mais pour autant nous n’allons pas demander à notre client, quand son dossier est terminé, le total des heures passées sur son dossier, autrement il ne pourrait même pas sortir la somme correspondante la plupart du temps…

Ainsi, nous forfaitisons, comme la plupart des cabinets.

Une procédure pour représenter un client devant le Tribunal judiciaire par exemple est tarifée entre 2 500 et 4 000 euros chez nous, selon la complexité de l’affaire.

Or pour un tel dossier, nous allons recevoir le client en consultation au moins une heure, trier les pièces de son dossier, le constituer, examiner les pistes possibles et lui faire parvenir un compte-rendu de notre avis, ce qui peut varier entre 3-4 et des dizaines d’heures !
Ensuite, nous allons l’avoir au téléphone à plusieurs reprises - c’est du temps de travail - répondre à ses - parfois trop nombreux - mails, ce qui fait encore un gros quota d’heures.
Puis il y a les actes que nous rédigerons devant le tribunal, encore plusieurs heures, sans parler des audiences auxquelles nous irons, et enfin la plaidoirie finale.

Bref, une procédure devant le Tribunal judiciaire dure ainsi au moins un an, souvent beaucoup plus, et peut facilement demander une cinquantaine d’heures de travail, parfois même une centaine.

Mais nous n’allons pas demander pour autant 30 000 euros à notre client !
Seulement, nous avons besoin de pouvoir trouver un équilibre qui permette à notre cabinet, outil de notre client, de tourner.

Mais est-ce vraiment au client de supporter toutes vos charges ? Après tout le consommateur qui fait ses courses au supermarché ne paye pas la société de ménage, ou le directeur d’enseigne en achetant ses saucisses « knakis » …

Tout d’abord, il faut comprendre que nous ne sommes pas un produit de première nécessité (nous ne sommes pas des « knakis » !) mais nous devenons un produit essentiel dès lors qu’il survient dans votre quotidien un problème dont vous ne souhaitez pas vous charger vous-même ou ne pouvez pas vous charger vous-même et qui risque fort d’avoir une incidence sur votre confort de vie.

Dans pareil cas, vous choisissez de confier la résolution de ce problème à une personne qui a été spécifiquement formée pour cela, puisqu’un avocat effectue entre 6 à 8 années d’études.

Il dispose d’une expertise, validée par un diplôme. Cette expertise lui permet d’analyser votre problème et de vous donner les solutions possibles pour le résoudre.

Son diplôme vous permet de pouvoir avoir pleine confiance en sa stratégie, contrairement aux conseils que vous auriez glanés auprès de votre petite nièce en fac de droit ou de votre voisin qui tire le tarot.

Il est aussi le seul à pouvoir vous représenter au Tribunal à l’occasion des procédures où la représentation est obligatoire.

Surtout, à la différence de votre nièce et de votre voisin, l’avocat est assuré pour ses prestations, de sorte que vous pourrez toujours rechercher sa responsabilité s’il ne fait pas son travail correctement.

Assuré, c’est-à-dire ?

Nous, avocats, sommes une profession règlementée. En ce sens, nous ne pouvons pas faire n’importe quoi. Nous avons des règles à respecter et auxquelles nous ne pouvons pas manquer.

Ainsi, pour exercer notre métier, nous devons souscrire une assurance civile professionnelle à l’instar d’un maçon par exemple.

Si un maçon édifie un mur chez vous qui s’écroule le jour suivant parce qu’il a fait n’importe quoi, vous pourrez obtenir une indemnisation auprès de son assureur.

De même, si vous avez une procédure en cours au tribunal ou une affaire en négociation qui échoue parce que votre avocat n’a pas fait ce qu’il fallait (conclure à temps, répondre à la partie adverse dans un délai donné, vérifier les clauses d’un contrat et j’en passe), alors son assureur vous indemnisera au prorata de vos chances de succès ainsi perdues.

En gros, le client paye cette garantie ?

Mais oui ! Notre expertise peut sembler chère mais elle est certaine.

Merci. Un dernier mot ?

Je dirais simplement que prendre un avocat doit s’envisager comme un investissement. C’est un choix qui peut vous permettre de faire de grosses économies de par une stratégie et des conseils pertinents.

En outre, il existe plusieurs moyens d’obtenir une prise en charge ou un remboursement des honoraires de l’avocat. Mais c’est encore un autre sujet !

Diane Marchau Avocat au Barreau de Saint-Denis de la Réunion

[1Le barreau de Saint-Denis de la Réunion comprend environ 260 avocats.

[2La Caisse nationale des barreaux français

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