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Rupture conventionnelle dans la fonction publique : cadre légal et indemnité de départ. Par M. Kebir, Avocat.
Parution : jeudi 12 janvier 2023
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Peu ou prou connue du grand public, la rupture conventionnelle de la relation de travail est envisageable dans la fonction publique. Le formalisme et la teneur de l’accord sont encadrés par un cadre strict.
Depuis le 1er janvier 2020 [1], fonctionnaires et contractuels ont loisir de convenir, avec l’employeur public, des conditions dans lesquelles leurs fonctions prennent fin.

A titre liminaire, il importe de rappeler que l’outil juridique de rupture conventionnelle est introduit par loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, applicable au secteur privé.

C’est dire que la rupture conventionnelle est rattachée au contrat de travail à durée indéterminée conclu entre un employeur privé et son salarié. Sommairement, cette fin apaisée des engagements contractuels est ainsi définie : « La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties ».

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties [2].

Lancée à titre expérimental, la réforme est entrée en vigueur le 1er janvier 2020 pour une durée de 6 ans (jusqu’ au 31 décembre 2025) pour les fonctionnaires. Sans limite de durée toutefois concernant les agents contractuels.

Consistant en un accord mutuel, le dispositif détermine ainsi les conditions de la rupture, consentie par les parties - fonctionnaire / agent contractuel et l’administration, outre la fixation de l’indemnité de fin de missions.

Cadre juridique de référence.

Instituée par l’article 72 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, d’abord à titre expérimental, le dispositif juridique s’y rapportant est fixée par :
- Décrets du 31 décembre 2019 : Décret n°2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique, Décret n°2019-1596 du 31 décembre 2019 relatif à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositifs indemnitaires d’accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles,
- Arrêté du 6 février 2020 fixant les modèles de convention de rupture conventionnelle prévus par le décret n°2019- 1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique.

Sont concernés, à la fois, les agents titulaires, agents contractuels sous contrat de travail à durée indéterminée.

En outre, cette rupture négociée est envisageable dans les trois versants de la fonction publique : fonction publique d’État, territoriale et hospitalière.

Comparée à la procédure de droit privé (Voir notre publication Rupture conventionnelle : négociation et points de vigilance) : appliquée aux salariés, la rupture conventionnelle propre à la fonction publique suit, en substance, les étapes ci-après :
- Une demande formulée par l’agent, via une lettre recommandée avec accusé de réception ;
- A réception, l’administration organise un entretien avec l’agent, dans les dix jours francs ;
- Durant cet échange, sont abordés les motifs à l’appui de la demande, la date de cessation définitive des fonctions, le montant de l’indemnité de rupture et les conséquences de celle-ci.

Lors de cet entrevue, protection de taille, l’agent peut se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix (voir infra).

Partant, la convention de la rupture conventionnelle est signée par les deux parties dans un délai de 15 jours francs, suivants le dernier entretien [3]. Est reconnue, à chaque partie, un droit de rétractation, exercé dans un délai de 15 jours francs, qui court dans la foulée de la signature de ladite convention.

Le but assigné à cette cette fin contributive de la relation de travail est de : « Favoriser la mobilité et accompagner les transitions professionnelles des agents publics » [4].

Agents concernés.

Le dispositif de rupture conventionnelle s’applique aux fonctionnaires, à l’exception des fonctionnaires stagiaires ; des fonctionnaires ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite fixé à l’article L161-17-2 du Code de la sécurité sociale et justifiant d’une durée d’assurance, tous régimes de retraite de base confondus, égale à la durée de services et bonifications exigée pour obtenir la liquidation d’une pension de retraite au pourcentage maximal ; des fonctionnaires détachés en qualité d’agent contractuel [5].

En outre, ce dispositif est constitutif d’un cas supplémentaire de cessation définitive de fonctions qui entraîne la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire. Également, celle-ci réservée aux seuls agents contractuels de droit public en contrat à durée indéterminée.

Dit autrement, aux termes de l’article 72 de la loi n°2019-828 du 06 août 2019, l’option de la rupture conventionnelle ne se borne pas, exclusivement, aux fonctionnaires et agents contractuels en position d’activité.

En conséquence, peuvent en bénéficier les agents en disponibilité, en congé parental ou en congés non rémunérés pour raisons familiales ou personnelles (pour les contractuels).

La procédure.

Les étapes de la procédure s’appliquent, indifféremment, aux fonctionnaires et agents contractuels, en application des dispositions des articles 3 et suivants du décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 précité.

D’abord, en vertu de de ces dispositions, à l’initiative de l’agent ou de l’employeur dont il dépend, la demande peut être formalisée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en mains propres contre signature.

Ensuite, à l’instar de la procédure afférente au droit privé, un entretien préalable inhérent à la demande de rupture conventionnelle est organisé entre les deux parties. A cette effet, la date est fixée au moins dix jours francs et au plus un mois après la réception de la lettre de demande de rupture. La possibilité de prolonger les échanges en plusieurs entretiens n’est pas exclue.

Toujours est-il que l’agent peut être assisté par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix lors. Pour ce faire, il lui appartient d’en informer, en amont, l’autorité territoriale. Dès lors, sont évoqués lors de ou ces entretiens préalables les motifs de la demande ; la date de la cessation définitive des fonctions ; le montant envisagé de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ; les effets de la rupture sur la situation économique.

Contenu de la convention de rupture.

Il résulte des dispositions susmentionnées que la convention signée par les deux parties détermine :
- Le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle [6] ;
- La date de la cessation définitive des fonctions du fonctionnaire (Date devant intervenir au plus tôt un jour après la fin du délai de rétractation). La convention de rupture conventionnelle est établie selon le modèle défini par un arrêté du ministre chargé de la fonction publique [7].

Sur ce point, notons que la signature de la convention a lieu au moins quinze jours francs après le dernier entretien, à une date arrêtée par l’employeur, de sorte que chaque partie en reçoive un exemplaire.

Droit de rétractation.

Protection découlant du consentement libre et éclairé, chacune des deux parties dispose d’un droit de rétractation [8], garantie consacrée en matière contractuelle [9].

En cela, le délai imparti est de quinze jours francs, lequel commence à courir un jour franc après la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle.

A l’effet d’exprimer l’option de rétractation, il importe, pour la partie la manifeste, de procéder par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en mains propres contre signature. En l’absence de rétractation de l’une des parties dans le délai ainsi fixé, le fonctionnaire est radié des cadres à la date de cessation définitive de fonctions convenue dans la convention de rupture, et le contrat de l’agent contractuel prend fin à la date convenue dans la convention de rupture [10].

L’indemnité de rupture conventionnelle.

Les modalités de calcul de l’indemnité de rupture sont fixées par le même décret de référence en date du 31 décembre 2019 [11].

L’on distingue le montant plancher et le montant plafond.

D’une part, le montant de l’indemnité plancher : « Ne peut pas être inférieur aux montants suivants :
- un quart de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
- deux cinquièmes de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans et jusqu’à quinze ans ;
- un demi mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de quinze ans et jusqu’à vingt ans ;
- trois cinquièmes de mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de vingt ans et jusqu’à vingt-quatre ans
 » [12].

D’autre part, le montant de l’indemnité plafond : « Ne peut ainsi excéder une somme équivalente à un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l’agent par année d’ancienneté, dans la limite de vingt-quatre ans d’ancienneté » [13].

Par ailleurs, en sus de ces deux montants, l’employeur public et l’agent peuvent, librement, négocier un montant d’indemnité spécifique propre à la situation de l’agent.

Le calcul de la somme translationnelle est fonction de la rémunération de référence, dont les critères sont précisés par l’article 3 du décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019 :

« I. - La rémunération brute de référence pour la détermination de la rémunération mentionnée aux articles 2 et 3 est la rémunération brute annuelle perçue par l’agent au cours de l’année civile précédant celle de la date d’effet de la rupture conventionnelle.
En outre, sont exclues de cette rémunération de référence :
1° Les primes et indemnités qui ont le caractère de remboursement de frais ;
2° Les majorations et indexations relatives à une affection outre-mer ;
3° L’indemnité de résidence à l’étranger ;
4° Les primes et indemnités liées au changement de résidence, à la primo-affectation, à la mobilité géographique et aux restructurations ;
5° Les indemnités d’enseignement ou de jury ainsi que les autres indemnités non directement liées à l’emploi.
II. - Pour les agents bénéficiant d’un logement pour nécessité absolue de service, le montant des primes et indemnités pris en compte pour la détermination de la rémunération mentionnée aux articles 2 et 3 est celui qu’ils auraient perçu, s’ils n’avaient pas bénéficié d’un logement pour nécessité absolue de service.
III. - Pour l’application des articles 2 et 3, l’appréciation de l’ancienneté tient compte des durées de services effectifs accomplis dans la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière.
IV. - Les agents ayant signé un engagement à servir l’État à l’issue d’une période de formation doivent avoir accompli la totalité de la durée de service prévue par cet engagement pour bénéficier de la rupture conventionnelle
 ».

A cet égard, le calcul repose sur l’ensemble des services accomplis au sein de toutes les fonctions publiques et non point pas, uniquement, de ceux effectués au sein de la collectivité employeur.

Ce qui renvoie à la notion de “service effectif”, création prétorienne, au sujet de laquelle le décret n°2019- 1596 ne donne aucune précision. C’est le juge administratif qui en précise les contours : « à défaut de disposition expresse en sens contraire, la notion de services effectifs inclut ceux qui ont été accomplis comme non- titulaire » [14].

Dans le même sens, un arrêt du Conseil d’État, du 23 décembre 2010, précise que : « En absence de disposition expresse contraire, les services effectifs mentionnés à l’article 3 du décret précité, s’agissant d’apprécier la durée de services accomplis dans un emploi d’assistant spécialisé d’enseignement artistique, doivent être regardés comme incluant ceux qui ont été accomplis en qualité de non titulaire » [15].

Effets de la rupture.

Conséquence immédiate, la rupture conventionnelle a pour effet juridique la radiation de la fonction publique ou la fin du contrat de travail.

Concrètement, en l’absence de rétractation de l’une des deux parties dans le délai de quinze jours francs, consécutivement à la signature de la convention de rupture conventionnelle, le fonctionnaire est radié des cadres à la date de la cessation définitive de fonctions convenue dans la convention de rupture. De même que le contrat de l’agent contractuel prend fin à la date fixée.

En outre, les allocations chômage, conformément à l’article 2§3 de l’annexe du décret n°2019-797 du 26 juillet 2019 relatif à l’assurance chômage, est allouée aux agents concernés.

En conclusion, l’issue concertée et pacifiée de la relation de travail, dans la fonction publique, pourrait concrétiser la volonté commune de séparation. Lorsque, de surcroit, les parties estiment que le sens et la substance des engagements réciproques ne sont guère agrémentés par la motivation et l’enthousiasme qui animent la trajectoire professionnelle.

Me. Kebir Avocat à la Cour - Barreau de Paris Médiateur agréé, certifié CNMA Cabinet Kebir Avocat E-mail: [->contact@kebir-avocat-paris.fr] Site internet: www.kebir-avocat-paris.fr LinkedIn : www.linkedin.com/in/maître-kebir-7a28a9207

[1Entrée en vigueur du décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique.

[2Article L1237-11 Code du travail.

[3Plusieurs entretiens préparatoires à la rupture peuvent être envisagés.

[4Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

[5Article 72 de la loi du 06 août 2019 pour les fonctionnaires et à l’article 49 ter du décret n°88-145 du 15 février 1988 pour les contractuels.

[6Limites fixées par le décret n° 2019- 1596 du 31/12/2019

[7Arrêté du 6 février 2020 fixant les modèles de convention de rupture conventionnelle prévus par le décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique.

[8Article 6 Décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019.

[9Article 1122 Code civil.

[10Article 7 Décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 précité.

[11Décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019.

[12Article 2 du décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019.

[13Article 1 du décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019.

[14CE. 28 décembre 2005, n°271255.

[15CE. 23 décembre 2010, n° 325144.

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