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L’intervention de l’avocat pour valoriser et développer l’activité de l’entreprise. Par Florent Escoffier, Avocat.
Parution : mardi 17 janvier 2023
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La valorisation d’une société ne s’entend pas que de la fixation de sa valeur, mais aussi de son développement et de sa prise de valeur au fil des exercices. En la matière, l’avocat peut intervenir sur de nombreux points pour aider les dirigeants à valoriser leur travail et apporter une plus-value aux sociétés concernées.

Le développement d’une entreprise relève classiquement de la mission du créateur ou du dirigeant de la structure. À ce titre, l’avocat n’intervient en règle générale que ponctuellement et pour faire face à un besoin particulier. Pour autant, son intervention peut être beaucoup plus régulière et relever du conseil quotidien. La valorisation de la société, au sens de la valeur-ajoutée dont bénéficie le projet d’entreprise au fil des exercices, passe nécessairement par l’intervention d’un professionnel du droit.

Il existe de nombreux points sur lesquels l’intervention de l’avocat est facultative, bien que fortement recommandée. Le développement d’une entreprise et sa valorisation dépendent ainsi de trois grands axes : la sécurisation de l’activité, la protection des intérêts et la pérennisation des process.

Dans le cadre du présent article, la valorisation d’une société ne sera pas entendue au sens classique du droit des sociétés. Il ne s’agira ainsi pas de déterminer la valeur de négociation d’une société en vue d’une cession, par exemple, mais de valoriser l’activité afin de donner une meilleure image de celle-ci auprès de ses clients et lui permettre d’accroitre son développement.

1° Sécuriser la structure.

Le premier point, et c’est sans doute l’essentiel, à prendre en compte pour développer et valoriser l’activité, est sans doute la sécurisation de l’activité de l’entreprise. La rédaction des actes principaux concernant l’identité et la vie de l’entreprise doit être particulièrement soignée. Il s’agit ici de démarrer l’activité et les collaborations commerciales sur des bases saines et soignées. La sécurisation touche notamment aux actes internes de la société (constitutifs ou modificatifs), aux règles contractuelles générales (conditions générales de vente, conditions générales d’utilisation, mentions légales), et aux règles contractuelles particulières tenant aux contrats commerciaux, de sous-traitance et d’apport d’affaire.

La rédaction des actes internes de la société.

La rédaction des actes internes de la société touche à la fois aux actes constitutifs (statuts constitutifs, nominations, pacte d’associés) et modificatifs (modification de l’objet social, transfert de siège, modification du gérant, cession de titres sociaux ou d’un fonds de commerce…). Il va de soi que c’est sur l’ensemble de ces actes que va se développer l’identité et l’économie d’une entreprise.

L’intervention d’un avocat à ce stade n’est pas obligatoire mais très fortement conseillée.

L’obligation de conseil à laquelle est astreint l’avocat permet aux créateurs et dirigeants d’être parfaitement informés des conséquences juridiques, sociales et fiscales des actes qu’ils envisagent. C’est également l’occasion pour ces acteurs, extérieurs au droit, de faire le point sur leurs besoins et de s’assurer que l’opération envisagée est bien celle qui leur apportera le meilleur résultat au regard de leurs espérances.

Le respect des formalités attachées à l’adoption des actes internes de la société pousse encore une fois à se tourner vers un professionnel du droit pour accomplir ces dernières.

Combien de procès-verbaux d’assemblée générale n’ont pas été déposés au CFE suite à leur adoption ? Combien d’entrepreneurs ont vu leur dossier de constitution rejeté par le Greffe du Tribunal de commerce au motif que la création envisagée ne pouvait passer le contrôle de légalité ?

La rédaction des CGV, CGU et mentions légales.

Une fois que la structure juridique peut fonctionner sur des bases saines et respectant le formalisme légal, il est nécessaire qu’elle se développe et entre en lien avec d’autres structures juridiques. Ces relations commerciales ou de service sont toujours basées sur un socle de règle applicables. En la matière, les règles légales issues du Code civil et du Code de commerce ne peuvent suffire à régir l’ensemble de l’activité de l’entreprise au regard de ses spécificités. Il est donc nécessaire d’élaborer des règles propres à chaque structure, que sont les conditions générales de vente (CGV) et les conditions générales d’utilisation (CGU).

Les conditions générales de vente ont avant tout une valeur contractuelle, si tant est qu’elles ont été portées à la connaissance du co-contractant de l’entreprise. En la matière, de très nombreuses sociétés, en particulier parmi les TPE et PME, possèdent des CGV mais les rendent inapplicables à leurs relations commerciales en oubliant de les porter à la connaissance de leurs clients et de s’en réserver la preuve.

Les conditions générales de vente, dès lors que l’ensemble du formalisme visant à les rendre opposables est respecté, ont une valeur contractuelle. Elles doivent donc répondre à des questions simples concernant le contrat envisagé : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Avec qui ? De quelle manière ? Pour quelle contrepartie ?

Cependant, le contrat sera recherché par les parties surtout en cas de difficulté et de contentieux. Les questions citées précédemment ne suffisent donc pas à connaître la volonté réelle des parties lorsqu’apparaît une situation plus complexe. Sur qui repose le risque ? Existe-t-il une limite de responsabilité ? Quelle qualification donner aux sommes versées ? Peut-on sous-traiter ? Que se passe-t-il si le client change d’avis ?

L’entreprise peut-elle abandonner sa prestation et dans quelles conditions ? Autant de questions auxquelles la plupart des entreprises ne pensent pas lorsqu’elles élaborent elles-mêmes leurs conditions générales de vente, et qui expliquent la nécessaire présence d’un professionnel du droit au moment de leur mise en place.

Enfin, les mentions légales présentes sur les sites Internet professionnels sont obligatoires en application de la loi et leur absence peut entraîner des sanctions financières. La rédaction des mentions légales accompagne généralement la prestation de rédaction des conditions générales de vente afin de proposer une intervention de sécurisation plus complète.

La rédaction des contrats commerciaux et de sous-traitance.

De manière plus spécifique et parfois dérogatoire aux CGV et CGU, les entreprises doivent conclure des contrats commerciaux spécifiques, des contrats de sous-traitance, des contrats d’apport d’affaires, avec des partenaires issus de la même sphère économique.

Dans ce cas, le contenu du contrat est particulièrement adapté à la situation de l’entreprise et de son co-contractant. Ses clauses sont parfois solidement négociées au préalable. Pour autant, afin de sécuriser la relation contractuelle, il est nécessaire de prévoir un contrat écrit.

La qualification de ce contrat, sa validité juridique, la légalité de ses clauses et leur opposabilité sont des points particulièrement importants puisque cet acte juridique a vocation à être la référence entre les parties en cas d’apparition d’un différend.

Aussi, il est nécessaire de faire appel à un professionnel du droit puisque c’est l’ensemble de l’économie de la société qui va se baser sur ces actes. Ici encore, le rédacteur d’acte aura tout d’abord à charge de conseiller efficacement son client en fonction de ses attentes quant à la relation commerciale envisagée. Il pourra, en fonction de ces éléments, qualifier correctement l’intention des parties et, pour les opérations de grande envergure, négocier directement le contrat avec le conseil de l’entreprise partenaire.

L’ensemble de ces éléments permet à la structure économique d’exister et de s’obliger envers d’autres structures selon des bases saines et stables, lui permettant de développer une activité économique, à condition que cette activité soit suffisamment protégée.

2° Protéger les intérêts de l’entreprise.

Une entreprise évoluant seule et sans protection aura bien du mal à se développer et se valoriser si elle ne protège pas son activité et ses créations.

Anticiper la protection à l’aide du droit de la propriété intellectuelle.

En cas d’utilisation de créations artistiques ou industrielles, il est indispensable pour une entreprise de se protéger contre l’utilisation de ces créations par les tiers. En premier lieu, il sera nécessaire de consulter un avocat afin de vérifier dans quelle cadre et selon quelles limites ces créations pourront être protégées.

Si cela est nécessaire, l’avocat pourra effectuer les dépôts et déclarations nécessaires afin de protéger les créations au titre des droits d’auteur, brevets et licences nécessaires. En cas d’utilisation frauduleuse de ces éléments protégés par une entreprise tierce, une action judiciaire pourra être envisagée et des dommages et intérêts sollicités.

Le dépôt de marques, brevets ou licences en vue de la protection des créations de l’entreprise tendra à améliorer la valorisation de cette dernière. D’une part, ces protections vont asseoir son économie sur la durée en limitant les actes de concurrence directs.

D’autre part, la protection et son résultat économique entreront directement en compte lors de l’estimation de la valeur de l’entité économique.

Protéger l’entreprise des actes de parasitisme ou de concurrence déloyale.

Par ailleurs, si le principe en France demeure celui de la liberté d’entreprendre, des entreprises concurrentes ne peuvent pas utiliser n’importe quels procédés pour obtenir de nouvelles parts de marché. Les actes de parasitisme ou de concurrence déloyale peuvent être sanctionnés par les juridictions commerciales ou judiciaires en application des règles en vigueur.

Une entreprise travaillant sa valorisation devra veiller quotidiennement au respect des règles de concurrence. Les actions menées contre les actes de concurrence déloyale ou de parasitisme commercial tendront à renforcer la présence de l’acteur économique sur son marché de prédilection, outre les dommages et intérêts obtenus qui viendront renforcer le fonds de trésorerie de l’entreprise. Un professionnel a donc tout à gagner à faire appel à un avocat [1] pour faire le point sur sa protection et l’état de la concurrence dans son secteur.

Protéger les données personnelles et assurer la conformité au RGPD.

Un dernier point de protection pourrait être celui des données personnelles en application du Règlement général sur la protection des données (RGPD) faisant suite à la Loi informatique et Libertés de 1978.

D’une part, la protection des données personnelles peut renforcer le sentiment de confiance des clients de l’entreprise ou des utilisateurs de son service. La nomination d’un Délégué à la protection des données (dit Data Protection Officer, ou DPO), renforcera l’image de marque et la confiance accordée à la structure. Etant précisé qu’un avocat peut être nommé délégué à la protection des données par une entreprise.

D’autre part, et c’est en cela que la protection est intéressante économiquement, l’étude réalisée par le DPO et le respect de ses recommandations en matière de protection des données peut permettre d’éviter le piratage ou le vol de données sensibles. Les sociétés subissant un problème en lien avec la gestion des données personnelles voient immédiatement la confiance des utilisateurs s’effondrer, et ce même si la notoriété de l’entreprise ne fait aucun doute depuis plusieurs années. La protection des données personnelles est donc véritablement un point d’attention qui fait lacune dans bon nombre de TPE et PME aujourd’hui, y compris dans certaines grandes entreprises.

3° Pérenniser les process dans l’entreprise.

Une fois que l’entreprise a été créée sur des bases saines et que son évolution dans le secteur économique a été assuré avec la protection nécessaire, la valorisation de la structure passe par la pérennisation des process et le recouvrement des impayés. En la matière, nous pouvons citer trois exemples qui peuvent avoir un impact positif sur la trésorerie de l’entreprise et la gestion des équipes.

Assurer le recouvrement des créances et retrouver un fonds de roulement.

Le recouvrement des créances constitue une ressource délaissée dans de nombreuses entreprises chez les TPE et PME. Dans les grandes entreprises, un processus est généralement mis en place destiné à relancer et poursuivre de manière quasi-automatisée les impayés.

Le recouvrement des créances nécessite dans un premier temps d’avoir établi des documents contractuels protecteurs pour l’entreprise et d’avoir obtenu l’accord d’un client en bonne et due forme. Cela nécessite, en matière de livraison de biens, de prendre le soin de faire signer les bons de livraison au moment de la remise de la chose. Pour les services, cela passe par une bonne information au sujet des délais de paiement et de la date à laquelle le paiement de la prestation est due.

Lorsqu’il est régulièrement effectué, le recouvrement des créances permet à l’entreprise de retrouver un fonds de roulement nécessaire pour développer l’activité.

En outre, malgré l’aspect procédurier que cela peut apporter au moment du recouvrement, le fait de ne pas laisser des créances dormantes permet de renforcer l’image institutionnelle de l’entreprise face à ses clients.

Négocier et renégocier ses relations commerciales.

Les relations commerciales établies lors de la création ou la reprise de l’entreprise n’ont pas vocation à demeurer immuables. Celles-ci évoluent avec le temps et les besoins de chacun des partenaires. En outre, les conditions négociées en début d’activité l’ont nécessairement été au regard du statut économique de l’entreprise à ce moment précis.

Après plusieurs années d’exercice et le développement d’une activité et d’une clientèle parfois conséquente, les relations commerciales ne peuvent plus obéir aux mêmes objectifs de négociation. Les entreprises, et notamment les TPE et PME qui sont les plus vouées à évoluer rapidement, ne doivent donc pas hésiter à renégocier les termes de leurs collaborations avec des entreprises partenaires, qu’il s’agisse de clients ou de fournisseurs.

D’une manière générale, la règle veut qu’une entreprise ne reste pas sur ses acquis.

Celle-ci doit adopter une conduite dynamique pour toujours négocier le meilleur accord et les meilleures conditions.

L’avocat est ici encore le partenaire privilégié de l’entreprise pour étudier un contrat en cours et évaluer son potentiel de renégociation, ainsi que les risques pour l’entreprise en cas de rupture. Il n’est ainsi pas toujours nécessaire d’attendre les problèmes pour consulter un professionnel du droit !

Etablir un règlement intérieur et des process internes en impliquant son personnel.

Enfin, et ce sera un dernier exemple de valorisation d’une entreprise, la structure peut élaborer un règlement intérieur pour ses salariés et mettre en place des process internes visant à impliquer davantage le personnel et prendre le rythme d’une économie institutionnelle.

Le règlement intérieur et le respect d’une hiérarchie dans l’entreprise entre les différents salariés, permettra dans l’esprit de chacun, de différencier une jeune entreprise qui recherche son organisation et une entreprise plus développée obéissant à des règles établies permettant de travailler ensemble. Le comportement des salariés dans un tel cadre et l’image envoyée à la clientèle permet ainsi d’asseoir une image de marque favorable au développement de la notoriété de l’entreprise.

A ce stade encore, l’avocat peut intervenir dans la rédaction et l’adoption du règlement intérieur et être consulté lors de la mise en place des process en interne dans l’entreprise.

Florent Escoffier - Avocat en droit des affaires au barreau de Nîmes - www.ems-avocats.fr