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[Maroc] La sécurité juridique et l’harmonisation du droit des contrats commerciaux internationaux. Par Hicham Sebbata.
Parution : mercredi 18 janvier 2023
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Il ne peut y avoir de sécurité juridique des contrats commerciaux internationaux sans l’harmonisation du droit commercial marocain avec les conventions internationales et les principes généraux en la matière. Les différences entre les législations nationales produisent une incertitude préjudiciable aux parties aux contrats commerciaux sur le plan juridique et judiciaire. Les solutions apportées par le droit international privé pour remédier au conflit de lois ne sont pas suffisantes. Le commerce international nécessite un cadre normatif universel.

Introduction.

Le débat, aujourd’hui n’est pas de savoir s’il doit y avoir une harmonisation du droit du commerce international, mais plutôt comment cela doit être fait.

La montée de la globalisation a été décisive pour le commerce international. Elle a déclenché l’intégration des marchés, du commerce et de la finance. De plus, elle a impacté les politiques, la technologie et les pratiques managériales, ce qui a augmenté le flux d’information, le niveau de la production mondiale et la consommation des biens et des services. Ceux-là, à leur tour, ont augmenté le nombre d’échanges économiques internationales. Cette prolifération du commerce international a créé de nouveaux défis au droit international.

L’émergence d’une économie globalisée et libéralisée a intensifié le besoin de liens forts et d’interconnexions entre les pays. L’Afrique n’a pas pu profiter de cette révolution malgré l’abondance de ses ressources naturelles. Les échanges commerciaux internationaux et les investissements directs à l’étranger dans le continent stagnent à cause de l’insécurité juridique due à la diversité des systèmes juridiques. Plusieurs lois nationales ne sont pas cohérentes, héritées de la période coloniale. Les cadres juridiques nationaux de plusieurs pays africains sont archaïques et n’aident pas au développement du commerce international. Cela est accentué par une corruption systémique qui ravage les institutions judiciaires de certains pays africains.

Les pays africains se sont rendu compte que le seul moyen de libérer le potentiel économique du continent est de s’affranchir des obstacles juridiques au commerce international. Afin d’accomplir cela il faut moderniser les lois commerciales nationales et surtout les harmoniser. D’ailleurs en comparaison avec les autres continents, l’Afrique a échoué à harmoniser son droit commercial. Il y a toujours des juristes qui contestent toute action d’intégration juridique, en affirmant que cela n’a pas d’intérêt ou plutôt c’est une menace à la souveraineté des pays, mais ces voies commencent à se réduire et même à s’éteindre. Construire un cadre normatif unifié pour répondre aux besoins du commerce international est une nécessité, ses avantages pour toutes les économies est un fait, alors que les inconvénients sont exagérés.

L’objectif du droit international privé est de trouver solution aux litiges des relations juridiques internationales qui découlent de systèmes juridiques différents. Puisque chaque pays a son propre système juridique, une relation juridique, qui émerge d’un contrat d’affaire international, met en jeu au moins deux systèmes juridiques. Le droit international privé offre des règles pour décider en la matière, de référer le litige au régime juridique national adéquat. En effet, chaque pays a ses propres règles du droit international privé.

Elles adressent trois aspects : la juridiction compétente lorsque les parties ressortent de deux pays différents, l’exécution d’un jugement par une juridiction étrangère dans les pays des parties en litige, et la loi applicable au fond du litige de relation juridique, en l’occurrence, le contrat commercial international. Cependant, plusieurs traités et conventions ont été conclus pour dépasser les complexités des diverses règles nationales du droit international privé, répondre aux besoins des échanges commerciaux et former un cadre normatif unifié, que nous pourrions appeler le droit du commerce international.

Les opérations du commerce international se font principalement par des contrats commerciaux internationaux. Ces contrats sont complexes et mettent en jeu des sommes colossales. En effet, la plupart des ordres juridiques étatiques reconnaissent l’autonomie contractuelle de ces opérateurs internationaux. Cependant, ce principe a du mal à s’accommoder et palier les risques relatifs à la divergence des ordres juridiques étatiques.

Il n’est pas suffisant pour faire face aux conflits de lois et il ne procure pas l’encadrement juridique nécessaire à l’administration des opérations du commerce international.

Les marchands internationaux ont toujours eu un code unifié pour leurs échanges commerciaux. Les marchands internationaux ont toujours eu un ordre juridique universel en forme de pratiques et de coutumes, ce que les juristes vont appeler par la suite, la loi des marchands ou plutôt la Lex Mercatoria. Cette dernière est un ensemble de règles non écrites d’origine variable, regroupées pour leur adéquation aux besoins du commerce international, un genre de code universel des marchands.

Il est d’ailleurs assez souvent utilisé dans les tribunaux arbitraux. Même après l’émergence en force des systèmes juridiques étatiques modernes en 19e siècle, des conventions et des principes internationaux ont vu le jour pour perpétuer ces coutumes et usages commerciaux, sous une forme moderne.

Les sources nationales et internationale du droit des contrats commerciaux internationaux.

Les sources, au niveau national, sont principalement la législation et la jurisprudence, à un certain degré. La doctrine est presque inexistante dans ce registre. Le côté international intéressait surtout les Français résidants au Maroc, lors du protectorat, qui entretenaient des contrats d’affaires avec des parties étrangères. La même chose à dire sur les usages, pour la simple raison que le Maroc a pris son indépendance récemment, et juste après, il a opté pour une politique économique socialiste protectrice du marché économique national. Autre, les sources internationales sont les conventions, les traités et les principes généraux. Ces textes législatifs contiennent des règles matérielles.

L’application de ces derniers prend deux formes, non-contraignantes à travers des normes à adopter librement par les états où contraignantes à travers des conventions à appliquer obligatoirement après la ratification. Elles sont généralement produites par des organismes internationaux qui servent d’instance de coordination et de négociation entre les États.

Il existe plusieurs instances internationales du droit commercial international. Il est judicieux de commencer par citer la CNUDCI, Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, l’organe juridique des nations unies dans le domaine du droit du commerce international, avec l’objectif d’harmoniser et unifier la loi des échanges commerciaux internationaux. Puis, il y a l’Unidroit, Institut International pour l’Unification du Droit Privé, son objectif est d’harmoniser le droit privé international dans le monde à travers des règles uniformes, des conventions et des guides. L’OHADA, Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, est l’organe d’harmonisation du droit des affaires en Afrique pour garantir la sécurité juridique aux investisseurs et aux sociétés dans les états membres. Autre, la Conférence de la Haye de droit international privé a développé différentes conventions qui répondent aux besoins internationaux comme la coopération juridique et contentieuse internationale et les principes sur le choix de la loi applicable aux contrats commerciaux internationaux. Enfin, la CCI, Chambre Commerciale Internationale, est une institution principale dans le domaine du commerce en général, avec des branches dans la plupart des pays. La CCI joue un rôle dans la promotion et l’organisation du commerce international et l’arbitrage international. Il existe d’autres organismes, mais la liste citée au-dessus regroupe ceux qui importent le plus au sujet de ce mémoire.

Plusieurs conventions et principes universels ont vu le jour dans le but de construire un cadre normatif unifié du droit commercial international. Le texte législatif qui a réalisé un succès phénoménal et qui a marqué l’histoire de l’harmonisation du droit des contrats commerciaux internationaux est la CVIM, convention des nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, dite la convention de Vienne. Celle-ci offre un cadre normatif unifié de la vente internationale, obligatoirement applicable après la ratification.

Le contrat de vente est le contrat d’affaire le plus sollicité dans le commerce international.

Ce texte de loi uniforme a changé la nature de la structure juridique interétatique des échanges commerciaux internationaux. Un autre exploit est celui des principes de la conférence de la Haye sur le choix de la loi applicable aux contrats commerciaux internationaux. C’est le premier instrument non contraignant dit “soft-law” élaboré par la conférence de la Haye sur le droit international privé. Il est conçu pour promouvoir et faire respecter l’autonomie de la volonté des parties aux contrats d’affaires internationaux. La formulation de ces principes a été motivée par le postulat que le respect de la volonté des parties améliorerait la sécurité juridique de ces contrats. Enfin, il y a la loi type sur l’arbitrage commercial international de la commission des Nations Unis pour le droit commercial international. Ce texte législatif est la référence en la matière, il est conçu pour assister les états à reformer et moderniser leurs lois procédurales d’arbitrage afin de répondre aux besoins de l’arbitrage commercial international. Bien évidemment, il existe d’autres actes uniformes et principes universels, mais ceux cités au-dessus sont les principaux instruments.

Le contrat commercial international est de prime abord un contrat commercial. Il est essentiel de décortiquer cette appellation afin d’en apporter une définition précise. Le contrat de manière générale est un accord de volonté dans le but de créer des effets de droits. Il est principalement régi par le Dahir portant code des obligations et contrats. Les contrats peuvent être innomés ou nommés. Les derniers réfèrent au contrat dont le législateur a dédié des régimes spéciaux. Maintenant, en ce qui concerne la notion de contrat commercial, il n’existe pas une catégorie précise. Cette notion fait allusion à tout contrat conclu par un commerçant dans le besoin de son commerce. Dans ce cas, le contrat commercial est un acte commercial au moins pour l’une des parties. En conséquence, il tombe dans le champ d‘application du Code de commerce aussi. Certains contrats commerciaux sont nommés comme l’exemple du contrat d’agence commercial, régi par le Code de commerce. Toutefois, les contrats commerciaux au Maroc relèvent essentiellement de la liberté contractuelle sur la base de l’article 230 du Dahir portant le Code des obligations et des contrats. En pratique, les contrats commerciaux font référence aux contrats de vente, de prestation de services, de sous-traitance, d’agent commercial, de distribution, etc. Cette distinction ne représente aucune contrariété pour la portée de ce mémoire, au contraire de l’internationalité du contrat.

Le contrat commercial international contient un élément d’extranéité ce qui l’expose à un traitement particulier. Un contrat qui a un élément d’extranéité veut tout simplement dire que le contrat a un élément ou plus qui le lie avec un système juridique étranger. Le contrat a un lien de rattachement avec plus d’un système législatif étatique. En conséquence, un conflit résulte entre les systèmes concernés, donnant lieu à un conflit de lois et d’un conflit de juridictions. La première concerne la loi applicable au contrat et la deuxième concerne la juridiction compétente des litiges issus du contrat. Cela dit, la qualification du contrat international est souvent laissée à l’appréciation du juge qui se réfère à des règles internes.

Le triptyque composant l’impératif de sécurité juridique est : règle accessible, stable et prévisible. La notion de sécurité juridique soulève des difficultés vis-à-vis de sa définition, tant que son contenu demeure fuyant. Cependant, nous allons nous contenter d’une définition à la fois simpliste et utile. Cette dernière fait allusion à une certaine prévisibilité des décisions judiciaires. Il y a une corrélation positive entre la prévisibilité des décisions judiciaires et la sécurité juridique. Toutefois, cette illustration est limitative, car elle se limite aux décisions judiciaires, or la sécurité juridique est plus générale. Selon H. Batiffol,

« La sécurité ne se confond pas avec la simple protection de l’individu et de sa liberté. Elle exprime plus précisément l’aspiration à un système de règles certaines, parce qu’une telle certitude répond au besoin décisif de prévisibilité : il faut que chacun puisse prévoir les conséquences de ses actes, et déterminer par suite ce qu’il peut ou doit faire ou ne pas faire ; il faut qu’un chacun puisse aussi prévoir ce qu’autrui a le droit de faire ou ne pas faire ».

Enfin, il est possible de parler d’une certaine prévisibilité générale qui engloberait l’interprétation et les effets des règles de sources étatiques, conventionnelles ou contractuelles.

La sécurité juridique est un vecteur de la compétitivité d’un pays. Les commerçants, qui veulent étendre leurs opérations à l’international, ne font pas seulement des études de marché et des planifications économiques, ils font aussi des évaluations juridiques du pays en question et de la qualité de ses institutions juridico-judiciaires.

En effet, la sécurité juridique est un élément essentiel dans la compétitivité d’un pays. Les conséquences de cette dernière sont souvent sous-estimées dans les indicateurs et les rapports émis par les organisations internationales. Un pays avec une grande sécurité juridique attire plus d’investissements et plus de commerçants de l’étranger. À l’issue de la libéralisation des marchés nationaux, les commerçants ont l’embarras du choix, ils peuvent émettre des transactions économiques avec le pays de leurs choix, ce qui pousse les pays à entrer en compétition. L’un des instruments les plus stratégiques pour faire face à cette rude concurrence est la sécurité juridique.

La sécurité juridique des contrats commerciaux internationaux aide à promouvoir le commerce international. Les échanges commerciaux internationaux ont besoin de sécurité juridique, de l’efficacité des transactions et de la réduction des coûts. Tout régime juridique qui favorise ces aspects tend à favoriser les transactions internationales et par effet de suite le commerce international. La sécurité juridique, le point principal des contrats de commerce international, est réalisée de deux manières, le respect de la volonté des parties et l’existence d’un cadre juridique international simple et prévisible.

Cependant, l’état actuel du statut de l’autonomie de la volonté dans le choix de la loi applicable n’est pas dûment respecté dans tous les états. De plus, les cadres normatifs unifiés peinent à accueillir certains pays.

Manifestement, les problématiques, qui se posent, sont :

Est-ce que les contrats commerciaux internationaux jouissent d’une sécurité juridique suffisante en droit marocain afin de promouvoir le commerce international ?

Pourquoi le droit interne n’est pas compatible avec les exigences du commerce international ?

Quel est l’intérêt d’harmoniser le droit des contrats commerciaux internationaux ?

Cette étude procède selon un plan classique en deux parties. La première émet un diagnostic pour évaluer l’état des lieux, le régime juridique en place et ses effets. Cela est nécessaire pour l’identification des problèmes potentiels. Il est parvenu que l’insécurité juridique des contrats commerciaux internationaux au Maroc est inhérente à la divergence du droit interne avec les droits nationaux étrangers (Partie I). Pour ne pas tomber dans un certain pessimisme académique centré sur la critique. La deuxième partie élabore une feuille de route pour remédier aux problèmes soulevés dans la première partie. Cette solution se résume à l’harmonisation du droit marocain des contrats commerciaux internationaux pour améliorer la sécurité juridique et en conséquence promouvoir le commerce international (Partie II).

Sommaire.

Partie I : Insécurité juridique inhérente à la divergence du droit interne des contrats commerciaux internationaux

Titre I : Loi applicable, prééminence de la loi nationale
Chapitre I : Règles internes de la loi applicable
Chapitre II : Exceptions d’éviction de la loi étrangère imprévisibles

Titre II : Le droit externe devant l’institution juridique interne
Chapitre I : Application relative de la loi étrangère
Chapitre II : Réticence des juridictions internes au contentieux international

Partie II : Nécessité d’harmoniser le droit marocain des contrats commerciaux internationaux pour améliorer la sécurité juridique

Titre I : Les moyens d’unification du droit marocain
Chapitre I : Adoption des normes internationales
Chapitre II : Adhésion aux instances internationales

Titre II : L’intégration juridique de l’arbitrage international
Chapitre I : Potentiel limité de l’arbitrage international au Maroc
Chapitre II : Unification du régime juridique de l’arbitrage international

Pour lire l’article dans son intégralité, c’est ici :

Sebbata Hicham, Consultant Recherche en droit international à l'université Mohammed V