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Généralisation du recouvrement des pensions alimentaires par l’ARIPA : une fausse bonne idée. Par Francine Summa, Avocate.
Parution : vendredi 20 janvier 2023
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Autres temps, autre mœurs : en France, à compter du 1er janvier 2023, le paiement des pensions alimentaires pour les enfants se fera systématiquement par l’ARIPA, une agence adossée à la CAF ou à la MSA ; En Grande Bretagne, la Child Support Agency (CSA) créée en 1993 est supprimée, ce service étant trop coûteux.

Si l’idée de garantir aux mères de familles le paiement des pensions pour les enfants paraît bonne, le système administratif mis en place gratuitement suppose un service diligent et utile ce qui reste à démontrer (1).

Les exceptions prévues à cette obligation : le refus des deux parents exprimé par conclusions ou dans leur convention de divorce ou parentale, étant réservé le pouvoir du juge de l’ordonner, notamment en cas de violences du père, devraient limiter ce service au recouvrement de situations sociales dégradées : pères insolvables ou à l’étranger (2).

Donc, une fausse bonne idée (3).

1- Recouvrement systématique.

Depuis le 1er janvier 2023, le recouvrement des pensions alimentaires pour les enfants est géré obligatoirement, sauf exceptions par l’ARIPA - agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires - organisme dépourvu de personnalité morale, adossé à la CAF ou à la MSA, créé pour recouvrer toutes les pensions alimentaires pour garantir leur paiement.

Issue du rapport IGAS en septembre 2016, igas.gouv.fr., a été créé par la loi de finances de la Sécurité Sociale de 2020, un service public gratuit, l’IFPA, intermédiation financière des pensions alimentaires qui devra recevoir tout titre exécutoire de paiement de pensions alimentaires pour les enfants fixé par jugement ou convention de divorce ou convention parentale. La CAF ayant également pouvoir de rendre exécutoire une convention parentale de parents non mariés.

L’année 2020 a été l’année de la création du barème des pensions alimentaires. Mis à jour le 11 juin 2020, retenant trois modes de droit de visite et d’hébergement, réduit, classique, alterné, et correspondant à 18%, 13,5%, et 9%, du revenu mensuel du débiteur. Il est à regretter l’absence de mise à jour du barème depuis 2020.

Le site de la CAF.fr propose de simuler le montant de la pension, qui est un minimum.

Il ne comprend pas les frais annexes : frais de transport, vacances, extras, frais médicaux, scolaires.

Si les parents sont d’accord, la convention parentale peut être établie et rendue exécutoire par la CAF.

Le site de la Caf.fr vante les avantages de ce recouvrement administratif :
- Eviter les tensions liées au paiement de la pension alimentaire ;
- Sécuriser son versement mensuel et réduire les risques d’impayés ;
- Recouvrer rapidement et dès le premier mois les éventuels impayés.

Un recouvrement systématique pour toutes les titres exécutoires fixant des montants de pensions alimentaires pour les enfants :
- Divorce devant un juge ;
- Divorce par consentement mutuel signée par un avocat et déposée auprès d’un notaire ;
- Convention parentale homologuée par un juge ;
- Titre exécutoire délivré par l’Aripa ;
- Accord amiable signé par un avocat et rendu exécutoire par un juge ;
- Ordonnance de protection ;
- Ordonnance d’orientation et sur mesures provisoires.

2- Les exceptions.

Les parties devront d’un commun accord refuser le recouvrement par l’ARIPA et le préciser par conclusions ou dans les conventions de divorce par consentement mutuel, les conventions parentales ou les accords notariés. Le juge pourra refuser cette demande. Le recouvrement sera obligatoire en cas de violences sur la femme ou les enfants.

3- La généralisation : une fausse bonne idée.

3-1. Dans son rapport de Septembre 2016, l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) évoque les réserves faites sur ce recouvrement en ce qu’il éloigne encore plus les parents dans leurs relations post-divorce, ainsi que dans leurs relations avec les enfants.

« J’ai payé c’est bon ».

Ce système centré sur le paiement dénature la relation parentale, réduite à un ticket de caisse. Il ne peut qu’aggraver la méfiance de la mère à l’égard du mauvais payeur.

En outre, la CAF ne prend pas en compte l’ensemble des dépenses annexes, la nature familiale spécifique de ces conventions qui régissent la vie quotidienne. La CAF n’est qu’un vérificateur du barème, barème très critiqué.

3-2. Qui comprend le barème des pensions alimentaires ?

Pourquoi le calcul de la pension ne se fait qu’à partir du revenu mensuel du débiteur, le père ?

Cela est choquant pour lui et on peut le comprendre.

Ce barème issu d’algorithmes mystérieux : le site de la Caf.fr vous fait remplir un simulateur de calcul et hop, le montant, celui qui seul intéresse la CAF, est là ! Avec toute la panoplie des demandes de prélèvements sur les comptes bancaires. C’est gratuit ! Écrit en exergue sur le site.

La gratuité existe déjà : les procédures de paiement direct sont gratuites, l’aide juridique finance les procédures dont certaines ne nécessitent pas l’assistance d’un avocat - mais ceci est vivement recommandé.

Enfin, le le rapport de l’IGAS rappelle que les impayés sont dus à des situations sociales extrêmes, de pauvreté, d’insolvabilité empêchant tout recouvrement.

Francine Summa, Avocate Médiatrice familiale.