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Dommages-intérêts : Objet des demandes et pouvoir du juge. Par Lily Ravon, Avocate.
Parution : vendredi 27 janvier 2023
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Le choix des demandes soumises au juge est primordial car ce sont elles qui circonscriront l’objet du litige et le juge n’a pas le pouvoir de les modifier.

Que faire si la piscine dont vous avez confié la réalisation à une société spécialisée a été finalisée sans escaliers pour y accéder ?

C’est la situation dans laquelle se trouvait un particulier qui a choisi de saisir le juge d’une demande de dommages-intérêts pour compenser l’absence de cet escalier.

Le litige étant allé jusqu’en appel, la cour d’appel a condamné la société spécialisée à une réduction du prix de la prestation en conséquence de l’inexécution partielle du contrat.

Et c’est là que se situe tout le nœud du problème en ce que la cour d’appel a modifié l’objet du litige en décidant d’une réduction du prix alors même que le particulier déçu n’en avait jamais fait la demande, celui-ci ne demandant en effet que le versement de dommages-intérêts pour le préjudice subi.

Or, l’article 5 du Code de procédure civile dispose que : « Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ».

Ainsi, le juge :
- doit se prononcer sur toutes les demandes faites. S’il « oublie » de statuer sur une demande, on dit qu’il statue « infra petita », ce que l’article 5 du Code de procédure civile lui interdit de faire ;
- ne peut pas statuer sur une demande qui n’a pas été faite. S’il statue sur une demande qui n’a pas été faite, on dit qu’il statue « extra petita ».

En l’espèce, nous nous trouvons dans ce second cas puisque le juge s’est prononcé sur une demande qui n’avait pas été faite par le demandeur.

C’est donc naturellement que la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en indiquant que :

« En statuant ainsi, alors que M. [H] demandait non la réduction du prix mais des dommages et intérêts en réparation des conséquences de l’inexécution du contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Cet arrêt, même s’il n’est pas si surprenant, permet de rappeler la répartition des rôles attribués aux parties et au juge : les parties déterminent librement les contours du litige et le juge ne peut s’en écarter.

Le choix des demandes soumises au juge est donc primordial car ce sont elles qui circonscriront l’objet du litige, le juge n’ayant pas le pouvoir de les modifier.

Pour précision, si le juge statue « extra petita », c’est lui-même, à tout le moins la même juridiction, qui est compétent pour revoir les condamnations conformément aux demandes dont il a été saisi (Civ. 3e, 11 janv. 1989, Bull. civ. III, no 12).

En application des articles 463 et 464 du Code de procédure civile,

« la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. Le juge est saisi par simple requête de l’une des parties […] ».

Références de l’arrêt : Cass. civ. 3e, 7 septembre 2022, n°21-20.576.

Lily Ravon, avocate au barreau de Paris en contentieux des affaires