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Licenciement et maternité : la protection de la salariée. Par Avi Bitton et Justine Roure, Avocats.
Parution : mardi 31 janvier 2023
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Comment la salariée enceinte ou jeune mère est protégée contre le licenciement ?
Quelles sont les sanctions contre l’entreprise en cas de licenciement fondé sur une discrimination liée à la maternité ?

L’article L1224-4 du Code du travail prévoit une protection de la salariée enceinte ou en période de congé maternité à deux degrés, selon la période visée.

En outre, la salariée bénéficie également d’une protection particulière au retour de son congé maternité.

En toute hypothèse, en dehors des périodes de protection prescrites par la loi, tout licenciement fondé sur l’état de grossesse de la salariée constitue une mesure discriminatoire qui encourt la nullité [1].

I. Protection de la salariée enceinte.

Pendant toute la grossesse et jusqu’à son départ, réel ou virtuel, en congé maternité, la salariée bénéficie d’une protection dite « relative » contre un éventuel licenciement [2].

Ainsi, la salariée ne peut être licenciée que dans deux hypothèses, à savoir :
- en cas de faute grave non liée à l’état de grossesse ;
- en cas d’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption. Dans ce cas, la lettre de licenciement devra rigoureusement préciser les raisons qui rendent impossible le maintien du contrat de travail. De plus, les circonstances évoquées doivent être « indépendantes du comportement de la salariée ».

Toutefois, cette protection ne joue que si l’employeur a connaissance de l’état de grossesse de la salariée.

Ainsi, il est fortement conseillé, pour la salariée enceinte, d’adresser à son employeur un certificat médical attestant de son état de grossesse et de la date présumée de son accouchement, que celle-ci lui remettra contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception [3].

Il est à noter que ce courrier peut également être adressé dans les 15 jours suivant la notification de son licenciement. Dans ce cas, le licenciement sera nul de plein droit, quand bien même l’employeur ignorait, lors du licenciement, l’état de grossesse de la salariée [4].

Il en va de même si la salariée n’est pas encore enceinte lors de la notification du licenciement, mais que sa grossesse débute dans les 15 jours suivant cette notification [5].

Ces dispositions protectrices ne s’appliquent toutefois pas dans les deux exceptions visées ci-avant, ni pendant la période d’essai de la salariée.

Elles ne font pas, non plus, obstacle à l’échéance du contrat de travail durée déterminée [6].

II. Protection de la salariée pendant le congé maternité.

Pendant la durée du congé maternité, la salariée bénéficie d’une protection « absolue », cette protection s’étendant aux congés payés pris immédiatement après, et s’appliquant même si le congé est pris partiellement.

Cette protection interdit à l’employeur de licencier la salariée, même en cas de faute grave ou d’impossibilité à maintenir le contrat de travail.

III. Protection de la salariée au retour de congé maternité.

Après son congé maternité, et après la période de congés payés pris immédiatement après celui-ci qui est couvert par la protection absolue, la salariée bénéficie d’une protection « relative ».

Ainsi, pendant 10 semaines suivant le terme de son congé maternité ou des congés pris immédiatement après, l’employeur ne pourra licencier la salariée qu’en cas de faute grave ou d’impossibilité à maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la maternité.

IV. Sanctions du non-respect, par l’employeur, de la protection.

Sanctions civiles.

Tout licenciement prononcé au mépris des règles de protection de la salariée encourt la nullité [7].

La nullité du licenciement permet à la salariée :

- Soit de solliciter sa réintégration.

Dans cette hypothèse, la réintégration devra se faire dans son emploi, ou, à défaut, dans un emploi équivalent [8].

La salariée pourra également prétendre au versement d’une indemnité équivalente à la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, et ce, sans déduction d’éventuels revenus de remplacement dont elle aurait bénéficié pendant la période visée [9].

- Soit de bénéficier d’une indemnité pour licenciement nul ne pouvant être inférieure aux salaires des 6 derniers mois [10].

La salariée bénéficiera également du versement de :
- L’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, si celle-ci n’a pas été versée ;
- L’indemnité compensatrice de préavis ;
- L’indemnité compensatrice de congés payés (étant précisé que les congés payés seront calculés sur la période couverte par la nullité, cette période étant assimilée à une période effectivement travaillée).

Sanctions pénales.

Outre ces sanctions civiles, l’employeur s’expose à des sanctions pénales.

Ainsi, s’il méconnaît les règles de protection, il encourt une peine d’amende pouvant être majorée en cas de récidive [11].

Quant au licenciement qui serait fondé sur l’état de grossesse de la salariée, l’employeur qui se rend coupable du délit de discrimination encourt une peine d’emprisonnement de 3 ans (maximum) et de 45.000 euros d’amende [12].

La salariée peut déposer plainte auprès de l’Inspection du travail ou du Procureur de la République.

V. Risque de réputation pour l’entreprise.

L’entreprise s’expose aussi à des risque de réputation en cas de médiatisation de l’affaire par la salariée ou son avocat.

En effet, les entreprises, en particulier les grandes entreprises, investissent dans leur communication pour promouvoir les valeurs d’égalité entre hommes et femmes et de non-discrimination.

Dès lors, les entreprises craignent une mauvaise réputation dans ces domaines, qui peuvent nuire à leur recrutement de salariés, ou encore compromettre leur candidatures dans des appels d’offres.

Avi Bitton et Justine Roure, Avocats au Barreau de Paris Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Art. L1132-1 du Code du travail.

[2Art. L1225-4 du Code du travail.

[3Art. R1225-1 du Code du travail.

[4Article L1225-5 du Code du travail.

[5Cass. Soc., 2 juillet 2014, n°13-12.496.

[6Art. L1225-6 du Code du travail et Cass. Soc., 10 novembre 1993, n°89-45.472.

[7Art. L1225-4 du Code du travail.

[8Cass. Soc., 30 avril 2003, n°00-44.811, n°1381 FP-P+B+R.

[9Cass. Soc., 29 janvier 2020, n°18-21.862, n°116 FS-P+B.

[10Art. L1235-3-1 du Code du travail.

[11Art. R1227-5 du Code du travail.

[12Art. 225-1 et 225-2 du Code pénal.