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[Série] "Tout savoir sur la SAS" : les sources de financement (partie 4). Par Ludovic Landivaux, Avocat.
Parution : jeudi 2 février 2023
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Pour le quatrième volet de notre série « Tout savoir sur la SAS », nous examinons les différents modes de financement auxquels une SAS peut recourir au moment de sa création, puis, par la suite, pour les besoins de sa croissance.

Si vous n’avez qu’une minute, voici le résumé de l’article :
- Le financement d’une SAS désigne l’ensemble des moyens qu’elle peut mobiliser pour financer sa création et le lancement de son projet, puis son développement et son fonctionnement mais aussi pour faire face aux éventuelles difficultés rencontrées.
- La SAS dispose ainsi de plusieurs moyens regroupés en deux catégories principales : les fonds propres ou quasi-propres et les fonds externes.
- La SAS est principalement financée par les apports de ses actionnaires, les avances en compte courant d’actionnaires, les emprunts (bancaires) et le réinvestissement qu’elle fait de ses bénéfices (auto-financement).
- La société par actions peut aussi se financer grâce à l’émission de valeurs mobilières [1] permettant notamment, sous conditions, l’ouverture de son capital à des investisseurs extérieurs.
- D’autres modes de financement innovants ont également émergé notamment le financement participatif autrement appelé « crowfunding ».

Il existe deux sources principales de financement pour la SAS :
- Les fonds provenant des actionnaires de la société (fonds propres ou quasi-fonds propres) (1) ;
- Ceux provenant d’intervenants extérieurs à la société, principalement les organismes financiers ou investisseurs (2).

1. Financement par fonds propres ou quasi-propres.

Les besoins de la société peuvent être financés par les apports des actionnaires composant ainsi le capital social ou par des avances en compte courants qui constituent des dettes de la société vis-à-vis des actionnaires apporteurs.

a) Les fonds propres.

Les fonds propres correspondent aux sommes versées par les actionnaires eux-mêmes, ils sont issus des apports en capital ou de subventions d’investissement.

Le capital social.

Le capital social correspond à la somme de la valeur des apports des actionnaires lors de la création de la société (voir le volet n°1 de notre série sur les apports).

Conformément au principe de l’intangibilité du capital social, ces fonds ne peuvent être récupérés par les actionnaires qui n’ont pas le droit d’en demander le remboursement, tant que la société n’est pas dissoute.

L’augmentation des fonds propres.

Après la création de la SAS, il existe plusieurs moyens d’augmenter ses fonds propres.

- Augmentation du capital social.

L’augmentation du capital poursuit un objectif de renforcement des fonds propres de la société.

L’augmentation de capital peut résulter soit d’apports nouveaux en numéraire ou en nature, soit d’une incorporation de réserves, soit d’une incorporation des comptes courants (cf. infra).

En contrepartie de ces nouveaux apports, réalisés en cours de vie sociale, la société va émettre de nouvelles actions et le capital se trouvera augmenté à hauteur du montant des apports souscrits.

Précisons que la SAS ne peut pas émettre de nouvelles actions en numéraire si son capital n’est pas préalablement entièrement libéré.

L’assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider d’une augmentation de capital (cf article L227-9 al 2 du Code de commerce qui liste les décisions ne pouvant être prises que collectivement).

En effet, toute augmentation du capital social entraîne nécessairement une modification des statuts de l’entreprise.

Pour le reste, les règles applicables à l’apport en nature ou numéraire lors de la création de la société gouvernent ce mode d’augmentation de capital (voir le volet n°1 de notre série sur les apports).

- L’incorporation de réserves.

La société peut avoir besoin de consolider son assise financière et décider ainsi d’incorporer au capital tout ou partie de ses réserves ; nous donnerons plus d’explications sur cette notion de « réserves » dans un prochain épisode de notre série portant également sur les dividendes.

La décision d’incorporer des réserves appartient à la collectivité des associés dans les conditions de quorum et de majorité des assemblées générales ordinaires (Article L225-130 du Code de commerce).

La capitalisation peut porter sur les réserves ordinaires, légales (théoriquement possible mais à charge pour la société de les reconstituer), ou statutaires.
A la suite de l’incorporation, le capital se trouve augmenté au profit de l’ensemble des actionnaires, en proportion des actions qu’ils détiennent.

Les subventions d’investissement.

La société peut également obtenir certaines subventions apportant ainsi un soutien au financement d’investissements et contribuant ainsi à son développement.

Sur le plan comptable, les subventions seront ainsi inscrites en capitaux propres au passif du bilan.

L’avantage de ces subventions c’est qu’elles sont, en principe, consenties sans obligation de remboursement.

L’attribution de ces subventions est souvent conditionnée à des obligations pour la société (localisation, emploi…).

Les possibilités de subventions sont trop variées et changeantes pour en faire ici la synthèse.

Mais c’est une opportunité de financement que tout dirigeant de SAS doit avoir en tête.

b) Les quasi-fonds propres.

Le compte courant d’associés.

- Principe du compte courant d’associés.

Les actionnaires ou associés participent au financement de la société par leurs apports.

Mais ils peuvent compléter ce financement en lui consentant des prêts.

Les comptes courants d’associés sont ainsi de simples prêts qui présentent la caractéristique d’être consentis non par des établissements bancaires mais par les actionnaires eux-mêmes, ce que la loi permet.

L’avance en compte courant permet ainsi à la société d’alimenter sa trésorerie, selon ses besoins et les possibilités de ses actionnaires.

Sur le plan juridique, les avances en compte courant sont régies par le droit commun des obligations, lequel permet une grande liberté contractuelle.

Il est toutefois préconisé de prévoir les conditions d’une telle avance dans une convention d’avance en compte courant, signée entre chaque actionnaire apporteur et la société.

Notamment, lorsque le compte courant est rémunéré par un intérêt, il s’agit d’une convention réglementée soumise au régime de l’article L227-10 du Code de commerce (régime d’approbation ultérieure par les actionnaires), à moins que la convention ne puisse être qualifiée de convention libre, car courante et conclue à des conditions normales (Articles L227-10 et L227-11 du Code de commerce).

Un compte courant d’actionnaire ne peut en revanche pas être débiteur (Article L223-21 du Code de commerce), c’est-à-dire que la société ne peut pas prêter d’argent à ses associés personnes physiques.

- Remboursement du compte courant.

Les actionnaires ou associés sont en droit de demander à tout moment le remboursement de leur créance, sauf si cette demande est abusive, en cas de difficultés financières caractérisées de la société (Cour de cassation, chambre commerciale, 24 mai 2018 n°17-10.119).

Cela étant, les modalités du remboursement peuvent être aménagées statutairement ou par convention.

Il est notamment possible, par exemple, de prévoir un terme (« convention de blocage »), un délai de préavis, ou de stipuler que le remboursement ne peut intervenir qu’après une décision du conseil d’administration prenant en compte la trésorerie disponible et les besoins de la société (Cass.com. 9 oct. 2007. 06 -19. 060, RJDA 1/2008).

En outre, l’actionnaire ou l’associé peut renoncer à son droit au remboursement, à condition que cette renonciation procède d’une volonté précise et non équivoque v. par ex. Cass.com 3 fév. 2015 n°13-28.272).

A défaut de prévisions statutaires ou contractuelles, la société peut, le cas échéant, solliciter des aménagements pour le remboursement du compte courant sur la base de l’article 1343-5 du Code civil et demander au juge de lui accorder un délai de grâce, à la condition de démontrer la gravité de la situation financière de la société.

- Analyse financière des comptes courants.

Les comptes courants d’associés constituent des dettes de la société et figurent à ce titre en bas du bilan au titre du passif externe.

En cas de difficulté de l’entreprise, les titulaires de comptes courants entrent dans la catégorie des créanciers chirographaires, c’est-à-dire ne disposant aucune garantie particulière (privilège, nantissement, hypothèque) leur permettant d’être payés avant les autres créanciers.

- Incorporation des comptes courants.

Pour renforcer les capitaux propres de la société, il toujours est possible d’utiliser les comptes courants d’actionnaires en les incorporant au capital dans le cadre d’une augmentation de capital (Article L225-146 du Code de commerce).

2. Les financements externes.

a) Emprunt bancaire.

Cette méthode de financement implique le recours à un prêt auprès d’un organisme bancaire avec obligation de remboursement selon un échéancier défini.

L’organisme préteur est rémunéré par le versement d’intérêts et s’accompagne d’une manière générale de garanties qui sont le plus souvent demandées aux dirigeants et / ou actionnaires.

Les emprunts figurent au passif du bilan de l’entreprise.

b) Financement participatif.

L’ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 sur le financement participatif a prévu la possibilité pour les SAS de proposer leurs titres par l’intermédiaire d’une plateforme de financement participatif (cf article L227-2 2° du Code de commerce, renvoyant à l’article L411-2 du Code monétaire et financier) :

« L’offre de titres financiers et d’instruments admis à des fins de financement participatif proposée par un prestataire de services de financement participatif au sens du règlement (UE) 2020/1503, y compris pour ses activités mentionnées à l’article L547-4, pour autant qu’elle n’excède pas le seuil fixé à l’article 1er, paragraphe 2, point c, dudit règlement ».

Cette possibilité suppose que la société respecte un certain nombre de contraintes mentionnées à l’article L227-2-1 du Code de commerce notamment la compétence exclusive de la collectivité des associés :

« I. - Par dérogation aux articles L227-1 et L227-9, lorsqu’une société par actions simplifiée procède à une offre mentionnée au 2° de l’article L411-2 du Code monétaire et financier portant sur ses titres de capital :
2° Les articles L225-96 à L225-98 sont applicables ;
3° Le troisième alinéa de l’article L225-105 est applicable ;
4° La convocation des associés est faite dans les formes et délais fixés par décret en Conseil d’Etat. Toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée. Toutefois, l’action en nullité n’est pas recevable lorsque tous les actionnaires étaient présents ou représentés
 ».

c) Prise de participation par des investisseurs extérieurs.

- Par augmentation de capital.

La société peut décider de procéder à une augmentation de capital en réservant les prises de participation à des investisseurs extérieurs à la société, c’est-à-dire à de nouveaux actionnaires.

Ces investisseurs apportent ainsi des capitaux propres à la société (capital social) et deviennent actionnaires en contrepartie de leur participation.

L’entrée dans le capital peut intervenir par l’émission d’actions diverses (ordinaires, de préférences ou d’actions donnant accès à terme au capital (Article L228-91 du Code de commerce)

Ces prises de participation sont fréquentes dans les entreprises innovantes ou startups à fort potentiel avec l’objectif, pour l’investisseur, de réaliser une plus-value lors de la revente de ses titres.

- Par l’émission d’obligations.

L’article L213-5 du Code monétaire et financier définit les obligations comme : « des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale ».

L’obligation est une forme d’emprunt par la société, elle représente une dette pour la société.

L’émission d’obligation est autorisée dans les sociétés par actions.

L’obligation n’est pas un titre représentatif d’une quote-part du capital, dès lors l’intervention de l’assemblée générale n’est pas obligatoirement requise et les statuts peuvent confier cette décision à un organe de gouvernance.

Ainsi, cette initiative peut revenir aux dirigeants de la société (président pour la SAS ou conseil d’administration) sauf si les statuts réservent ce pouvoir à l’assemblée générale ou si celle-ci décide de l’exercer (Article L228-40 du Code de commerce).

L’article L228-39 du Code de commerce pose deux conditions principales pour l’émission d’obligations :
- Le capital doit être intégralement libéré ;
- La société doit avoir plus de deux bilans approuvés. A défaut, l’émission exige une vérification préalable du passif et de l’actif par un expert indépendant intervenant à la manière d’un commissaire aux apports (Article L228-39 du Code de commerce).

La sanction du non-respect de ces conditions est la nullité des obligations émises.

L’obligataire n’est pas un associé mais un simple créancier de la société.

Il ne dispose pas de droits politiques individuels et ne participe pas aux assemblées.

Cela étant, l’obligataire fait partie de la collectivité des porteurs d’une même catégorie d’obligations (masse d’obligataires) qui dispose de la personnalité morale et de droits politiques limités (Article L228-55 du Code de commerce).

La société doit consulter la masse lorsqu’elle envisage un changement de structure telle une fusion ou restructuration, par exemple, la masse disposant alors d’un droit d’opposition.

La masse des obligataires désigne notamment son représentant qui assistera aux assemblées des actionnaires en tant que simple observateur.

L’obligataire reçoit un intérêt pendant toute la durée de l’emprunt et obtient, à son échéance, le remboursement de la somme prêtée.

Il existe d’autres types d’obligations qui peuvent être également utilisées par la SAS :
- L’obligation convertible en action : elle permet à son titulaire de convertir, son obligation en action selon une parité et des délais prévus au contrat d’émission. Le titulaire devient ainsi actionnaire.
- L’obligation à bon de souscription d’action : elle présente deux titres financiers : une obligation ordinaire ainsi qu’un bon de souscription d’action. Le bon est émis avec l’obligation, mais il est détachable de celle-ci et peut être l’objet d’une cession distincte. L’obligation à bon de souscription d’action se décline aussi en obligation à bon de souscription d’actions remboursables (= la société émettrice peut rembourser les bons).
- Les obligations remboursables en actions : cette obligation permet à son titulaire d’être remboursé non pas en numéraire mais en actions uniquement à échéance du prêt. Le titulaire devient ainsi actionnaire. Le contrat d’émission fixe la durée de l’obligation et sa parité de conversation (nombre d’actions auxquelles la souscription donnera droit au moment du remboursement).

d) Autres sources de financement.

S’agissant des SAS, l’article L227-2 du Code de commerce interdit de : « procéder à une offre au public de titres financiers ou à l’admission aux négociations sur un marché réglementé de ses actions ».

Ce texte ajoute que la SAS peut néanmoins procéder aux offres mentionnées :

« 1° Au point i du paragraphe 4 de l’article 1er du règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017 ;
2° A l’article L411-2 du Code monétaire et financier ;
3° Aux 2° et 3° de l’article L411-2-1 du même code
 ».

Il s’agit principalement d’offres réservées à des investisseurs qualifiés, c’est à dire disposant de compétences et de moyens pour appréhender les risques inhérents aux opérations financières (Article L411-2 du Code monétaire et financier ; article 2 du règlement (UE) n°2017/1129 du 14 juin 2017) ou à un cercle restreint d’investisseurs (moins de 150) (Articles L411-2 et D411-4 du Code monétaire et financier).

Ludovic Landivaux, avocat associé Avec la participation de Lauriane Sabathier et Benjamin Vidal, avocats Centaure Avocats

[1Article L212-1 du Code monétaire et financier.