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La maladie professionnelle du fonctionnaire.
Parution : mercredi 7 juin 2023
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Lorsqu’il est victime d’une maladie professionnelle, le fonctionnaire relève d’un régime spécial de sécurité sociale.
Cette fiche (mise à jour en 2023) définit les notions de maladie professionnelles applicables aux fonctionnaires qui relèvent de la maladie professionnelle stricto sensu (art. L. 822-20 du code général de la fonction publique).

Lorsqu’il est victime d’une maladie professionnelle, le fonctionnaire relevant du régime spécial peut prétendre, en fonction de sa situation :
- A un congé pour invalidité temporaire imputable au service, à plein traitement, jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre ses fonctions ou jusqu’à sa mise à la retraite (art. L822-21 du Code général de la fonction publique et suivants). La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L’autorité territoriale peut, à tout moment, vérifier si l’état de santé justifie le maintien en congé.
- Au remboursement des honoraires médicaux et frais liés à la maladie.
- A une réparation complémentaire.

Ce congé pour invalidité temporaire imputable au service n’est pas applicable au régime de réparation de l’incapacité permanente du fonctionnaire (art. L822-21 du Code général de la fonction publique et suivants).

A chaque maladie professionnelle ou à caractère professionnel, l’autorité territoriale informe le service de médecine préventive dans les plus brefs délais (art. 25 décr. n°85-603 du 10 juin 1985).

En cas de maladie professionnelle ou à caractère professionnel présentant un caractère grave ou répété, le CHSCT doit procéder à une enquête. Une formation pratique en matière d’hygiène et de sécurité doit être organisée (art. 6 et 41 décr. n°85-603 du 10 juin 1985).

Les tableaux des maladies professionnelles, prévus aux articles L461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, font l’objet d’une annexe du Code de la sécurité sociale.

A noter : depuis 2015, les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle (art. L461-1 du Code de la sécurité sociale).

A noter : Lorsqu’un fonctionnaire ou agent contractuel a été reconnu atteint d’une maladie professionnelle provoquée par l’amiante, il peut bénéficier du dispositif spécifique de cessation anticipée d’activité et d’une allocation spécifique (art. L555-1 du Code général de la fonction publique à art. L555-5 du Code général de la fonction publique et décr. n°2017-435 du 28 mars 2017).

A noter : Les affections respiratoires aiguës causées par une infection au virus SARS-CoV2 peuvent être reconnues maladies professionnelles sur la base du tableau n°100 institué par le décret n°2020-1131 du 14 septembre 2020, annexé au livre IV du Code de la sécurité sociale, dans les conditions mentionnées par ce tableau qui fixe également la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces affections.
Dans une note du 5 février 2021, la DGCL apporte des précisions sur les modalités d’instruction des demandes de reconnaissance en maladie professionnelle des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2, et notamment sur la saisine de la commission de réforme [conseil médical].

A) Le régime d’imputabilité au service.

1- La présomption d’imputabilité au service.

Précédemment, le fonctionnaire qui s’estimait victime d’une maladie contractée ou aggravée en service devait établir l’imputabilité au service de sa maladie. En effet, la présomption d’imputabilité instituée par le Code de la sécurité sociale pour les maladies figurant aux tableaux des maladies professionnelles n’était pas applicable aux fonctionnaires relevant du régime spécial (CE 27 avril 2015 n°374541).

La présomption d’imputabilité au service est désormais codifiée à l’art. L822-20 du Code général de la fonction publique. Le juge administratif a précisé que, en l’absence de dispositions contraires, ces nouvelles dispositions s’appliquent aux situations en cours à l’exclusion des situations juridiquement constituées avant le 21 janvier 2017.

Les droits des agents en matière d’accident de service et de maladies professionnelles sont constitués à la date à laquelle l’accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.

Ainsi, la situation d’un agent dont la maladie a été diagnostiquée avant le 21 janvier 2017 est régie par les dispositions antérieures et ne bénéficie pas de la présomption d’imputabilité au service introduite par l’ordonnance du 19 janvier 2017 (TA Lyon 13 mars 2019 n°1705471).

Est ainsi désormais présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale (art. L461-1 du Code de la sécurité sociale) et contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions dans les conditions précisées par le tableau.

Il existe trois types de conditions :
- les caractéristiques de la maladie ;
- le délai de prise en charge : délai entre la cessation d’exposition au risque supposé à l’origine de la maladie et la constatation de celle-ci qui ne doit pas excéder le délai maximal figurant dans le tableau. Certains tableaux prévoient également une durée minimale d’exposition au risque ;
- la liste des travaux susceptible de provoquer la maladie, qui peut être limitative.

Il y a donc un renversement de la charge de la preuve : le fonctionnaire n’a plus à prouver l’imputabilité au service de la maladie dès lors que celle-ci répond à la définition de l’art. L822-20 du Code général de la fonction publique. C’est à l’autorité territoriale de démontrer que la maladie n’est pas imputable au service si elle estime que la présomption doit être écartée.

2- L’imputabilité au service hors présomption.

L’art. L822-20 du Code général de la fonction publique prévoit deux situations dans lesquelles la présomption ne s’applique pas. Ces situations peuvent toutefois donner lieu à une reconnaissance de l’imputabilité au service (art. L822-20 du Code général de la fonction publique) :

- dans le cas d’une maladie désignée par un tableau, lorsqu’une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies Le pouvoir réglementaire peut également définir les éléments du diagnostic d’une pathologie d’origine professionnelle et notamment exiger la présence de certaines lésions associées (CE 18 juil. 2018 n°412153). Il appartient alors au fonctionnaire ou à ses ayants droit de prouver que la maladie est directement causée par l’exercice des fonctions.

- dans le cas d’une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles. Le fonctionnaire ou ses ayants droit doivent établir que la maladie est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente au moins égale à 25 % (art. 37-8 décr. n°87-602 du 30 juil. 1987). Dans cette hypothèse, le conseil médical siégeant en formation plénière est saisi. Il détermine le taux minimum d’incapacité permanente que la maladie est susceptible d’entraîner compte tenu du barème indicatif d’invalidité annexé au décret n°68-756 du 13 août 1968 pris en application de l’article L28 du Code des pensions civiles et militaires de retraite (art. 37-8 décr. n°87-602 du 30 juil. 1987).

Dans ces deux cas, la preuve doit être apportée par le fonctionnaire ou ses ayants droit pour ouvrir droit au congé pour invalidité temporaire imputable au service. A défaut, le régime de protection sera celui de la maladie ordinaire.

Le Conseil d’Etat a considéré que pour être regardée comme imputable au service, une maladie doit présenter un lien direct avec lʼexercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie, sauf si un fait personnel de lʼagent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la maladie du service (CE 13 mars 2019 n°407795).

Le lien entre la maladie et un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions doit être direct, mais non nécessairement exclusif (CE 23 sept. 2013 n°353093).

Il n’est pas non plus exigé que ce lien soit certain : une cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en refusant de reconnaître l’imputabilité d’un accident vasculaire cérébral à un accident de service dont avait été victime un agent quelques mois auparavant, au motif que les conclusions du rapport de l’expert ne reposaient que sur des probabilités et que les autres pièces médicales ne permettaient dʼétablir avec certitude un lien direct entre la rupture dʼanévrisme et lʼaccident de service ; le Conseil dʼEtat rejette ainsi lʼexigence dʼun lien certain entre la maladie et lʼaccident de service (CE 8 mars 2023 n°456390).

Dans un cas d’espèce, le Conseil d’Etat avait déjà jugé que la pathologie intestinale sous-jacente d’un agent, réapparue avec le traitement anti-inflammatoire prescrit pour soigner une hypersensibilité aux ondes électromagnétiques, maladie elle-même survenue à la suite de son affectation dans un bureau situé à proximité dʼune importante infrastructure de communications, devait être regardée comme imputable au service dès lors qu’elle présentait un lien direct avec le service. La cour devait rechercher non pas l’existence d’un lien direct et certain entre le service et la pathologie, mais seulement celle d’un lien direct (CE 31 mai 2022 n°447677).

Il appartient au juge de rechercher si le comportement d’un agent, en l’espèce une attitude systématique d’opposition, est avéré et s’il a été la cause déterminante de la dégradation de ses conditions d’exercice professionnel susceptible de constituer un fait personnel de nature à détacher la maladie du service (CE 22 oct. 2021 n°437254).

Pour apprécier lʼimputabilité au service, il est nécessaire de prendre en compte le dernier état des connaissances scientifiques, même si elles ont évolué depuis la date à laquelle lʼadministration avait pris sa décision (CE 21 nov. 2012 n°344561).

Le lien direct avec le service est établi dans le cas de la maladie de Parkinson dont souffre un agent qui a notamment exercé les fonctions de jardinier durant 23 ans, période au cours de laquelle il a été en contact avec des produits phytosanitaires dont il ressort, en l’état des connaissances scientifiques actuelles, que la toxicité accroît le risque de développer cette maladie (TA Rennes 10 mars 2023 n°2000345).

L’administration peut décider d’abroger une décision de reconnaissance d’imputabilité au service d’une maladie lorsque les conditions qui l’ont fondée ne sont plus réunies. Il en va notamment ainsi lorsque l’administration, après un réexamen de la situation de l’état de santé du fonctionnaire ou des causes de sa maladie, sur le fondement de rapports d’expertise, estime que le lien de causalité entre la maladie et le service n’est pas ou n’est plus établi (TA Bordeaux 16 mars 2022 n°2002223).

B) La procédure d’octroi d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service (Citis).

Le Citis est accordé au fonctionnaire sur sa demande (art. 37-1 décr. n°87-602 du 30 juil. 1987).

Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire ou son ayant-droit doit adresser à l’autorité territoriale une déclaration de maladie professionnelle.

Celle-ci comporte :
- un formulaire précisant les circonstances de la maladie ;
- un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions ainsi que, le cas échéant, la durée probable de l’incapacité de travail (art. 37-2 décr. n°87-602 du 30 juil. 1987).

Cette déclaration doit être effectuée, sauf circonstances particulières, dans un délai de deux ans suivant la date de la première constatation médicale de la maladie ou, le cas échéant, de la date à laquelle le fonctionnaire est informé par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle (art. 37-3 II décr. n°87-602 du 30 juil. 1987). Lorsque la maladie entraîne une incapacité temporaire de travail, le fonctionnaire adresse à l’autorité territoriale le certificat médical correspondant dans un délai de 48 heures suivant son établissement (art. 37-3 III décr. n°87-602 du 30 juil. 1987).

L’autorité territoriale dispose d’un délai de deux mois à compter de la date de réception de la déclaration pour instruire la demande. Ce délai peut être prolongé dans certaines circonstances particulières (art. 37-5 décr. n°87-602 du 30 juil. 1987).

Dans le cadre de l’instruction de la demande, l’autorité territoriale peut faire procéder :
- à une expertise médicale de l’agent par un médecin agréé lorsque l’affection résulte d’une maladie contractée en service telle que définie à l’art. L822-20 du Code général de la fonction publique.
- à une enquête administrative visant à établir la matérialité des faits et les circonstances ayant conduit à l’apparition de la maladie (art. 37-4 décr. n°87-602 du 30 juil. 1987).

Le conseil médical, siégeant en formation plénière, est consulté par l’autorité territoriale lorsque les conditions nécessaires à l’établissement d’une présomption d’imputabilité au service de la maladie ne sont pas remplies (art. 37-6 3° décr. n°87-602 du 30 juil. 1987).

Le défaut de consultation du conseil médical a pour effet de priver l’agent d’une garantie (TA Paris 22 mai 2014 n°1315019/5-2).

De même, le défaut d’information préalablement à la séance de la commission de réforme [conseil médical] de la possibilité de se faire entendre ainsi que de faire entendre le médecin et la personne de son choix a pour effet de priver l’agent d’une garantie (CAA Marseille 13 oct. 2020 n°18MA02356).

Au terme de lʼinstruction, lʼautorité territoriale se prononce sur lʼimputabilité au service et, le cas échéant, place le fonctionnaire en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la durée de lʼarrêt de travail (art. 37-9 décr. n°87-602 du 30 juil. 1987). Lorsque lʼautorité territoriale nʼa pas terminé son instruction à lʼexpiration des délais prescrits, elle place le fonctionnaire en CITIS à titre provisoire pour la durée dʼincapacité de travail indiquée sur le certificat médical (art. 37-5 décr. n°87-602 du 30 juil. 1987).

En cas de refus de reconnaissance d’imputabilité au service, la décision doit être motivée ; le fait de se référer simplement à l’avis émis par la commission [conseil médical], sans même joindre cet avis à la décision, ne constitue pas une motivation suffisante (CE 28 sept. 2007 n°280697).

Lʼobligation de motivation est en revanche remplie si la décision, sans comporter elle-même de motivation expresse, se réfère au procès-verbal de la commission de réforme [conseil médical] lui-même motivé et dont une copie est jointe à la décision (CAA Paris 17 déc. 1998 n°97PA02752).

La situation du fonctionnaire pendant le CITIS ainsi que les droits et obligations en découlant, de même que les perspectives à lʼissue dʼun tel congé, sont détaillées dans la fiche CONITIS.

Extrait d’une fiche pratique "La maladie professionnelle du fonctionnaire et la maladie contractée en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public", éditée par le service d’information juridique du Centre Interdépartemental de Gestion de la petite couronne de la région d’Ile-de-France, fiche qui se poursuit par la présentation de "la maladie résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes".

La banque d’informations statutaires pour la gestion du personnel territorial (BIP) du CIG de la petite couronne propose différentes rubriques utiles à la gestion du personnel de la fonction publique territoriale, alimentées et actualisées par des juristes et documentalistes spécialisés :
- Plus de 700 fiches pratiques sur le statut : les thèmes traités concernent notamment le recrutement, la carrière (avancements, promotion interne, positions…), la mobilité, l’inaptitude physique, la déontologie, la rémunération, les agents contractuels.
- Les fiches valeurs, indices et taux : ces fiches présentent les données chiffrées dans les domaines suivants : rémunération, prestations d’action sociale, cotisations et contributions, allocations pour perte d’emploi
- Plus de 10 0000 sources juridiques : textes normatifs mis à jour (codes, lois, décrets, arrêtés…), textes interprétatifs (circulaires, réponses ministérielles aux parlementaires…), jurisprudences significatives
- Un focus sur les éléments marquants de l’actualité statutaire (textes législatifs et réglementaires, jurisprudence…).
- "Au fil de la doc" : un journal d’actualité documentaire : revue de presse, revue de livres, signalement des documents parlementaires, comptes rendus des séances du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale.
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