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La cession des parties communes spéciales : un revirement de jurisprudence ! Par Eric Audineau, Avocat.
Parution : jeudi 16 février 2023
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Qui est désormais compétent pour se prononcer sur la cession d’une partie commune spéciale : l’Assemblée générale des copropriétaires ou une Assemblée spéciale ?

Les parties communes spéciales prévues par l’article 6-2 de Loi du 10 juillet 1965 sont des parties communes à certains lots seulement.

Ils s’agit donc d’une indivision limitée à ces lots dont les seuls copropriétaires concernés sont propriétaires et doivent participer à leur entretien.

Jusqu’à présent la jurisprudence considérait que tous les lots devaient participer au vote de la résolution d’Assemblée générale décidant de leur cession (car celle-ci entraine une modification des tantièmes de propriété et de charges générales, ce qui concerne tous les copropriétaires) mais que le prix de cession ne devait être réparti qu’entre lots concernés par ces parties communes spéciales (car seuls ceux-ci en sont propriétaires).

Cependant dans un arrêt en date du 1er juin 2022 (Civ. 3e, 1er juin 2022, FS-B, n° 21-16.232), la Cour de cassation a remis en cause cette jurisprudence.

En l’espèce, les copropriétaires d’un ensemble immobilier se sont prononcés favorablement sur la cession d’une partie commune spéciale. Les propriétaires d’un lot ont alors assigné le syndicat de copropriété au motif que seuls les copropriétaires de ladite partie pouvaient se prononcer sur son aliénation.

Suivant la jurisprudence précitée, l’arrêt d’appel n’a pas annulé la résolution d’Assemblée en considérant que cette cession a pour objet de créer un lot de copropriété, conditionné alors à une modification de l’état descriptif de division et du règlement de copropriété, ce qui nécessitait une appréciation de tous les copropriétaires.

Cependant, la Cour de cassation a décidé que :

« Seuls les copropriétaires des parties communes spéciales peuvent décider de l’alinéation de celles-ci ».

Dès lors, il ressort de cette décision qu’une résolution de l’Assemblée générale, associant le vote de tous les copropriétaires, visant à céder une partie commune spéciale est illégale puisqu’elle contrevient à l’alinéa 3 de l’article 6-2 de la Loi du 10 juillet 1965 au terme duquel

« seuls prennent part au vote les copropriétaires à l’usage ou à l’utilité desquels sont affectés ces parties communes ».

Concrètement, et conformément à l’article 6-2, il est donc possible, soit de spécialiser les votes au cours d’une Assemblée générale, soit de réunir une Assemblée spéciale regroupant uniquement les copropriétaires de la partie commune spéciale devant être cédée.

Toutefois, comme le soulève le professeur Nicolas Le Rudulier, une question subsiste : La cession d’une partie commune spéciale nécessite la modification du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division pour laquelle seule l’Assemblée générale est compétente. Son éventuelle opposition

« devrait alors pouvait être surmontée par la saisine du juge devant lequel pourrait être plaidé l’abus de majorité dès lors qu’aucun motif légitime ne saurait fonder cette opposition ».

Eric Audineau, Avocat Barreau de Paris Audineau & Associés audineau.fr