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La nouvelle rubrique du bulletin de paie : le montant net social. Par Loudenie Bosse, Juriste.
Parution : mercredi 15 février 2023
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A partir de juillet 2023 sur les bulletins de paie, le montant net versé sera remplacé par le net social, mais ces deux montants ne sont pas équivalents. Explications ci-après.

I. Le bulletin de paie traditionnel.

Le bulletin de paie aussi appelé fiche de paie est une pièce justificative du paiement du salaire que l’employeur doit remettre à toutes les personnes salariées ou travaillant pour lui. Les mentions devant figurer sur le bulletin de paie ou y être annexées sont déterminées par décret.

A. Les mentions obligatoires et interdites.

L’article R3243-1 du Code du travail prévoit les mentions obligatoires. Il doit comporter le nom et l’adresse de l’employeur ainsi que, le cas échéant, la désignation de l’établissement dont dépend le salarié. Il doit également comporter la référence de l’organisme auquel l’employeur verse les cotisations de sécurité sociale, le numéro sous lequel ces cotisations sont versées et, pour les employeurs inscrits au répertoire national des entreprises et des établissements prévu à l’article 1er du décret n° 73-314 du 14 mars 1973, le numéro de la nomenclature des activités économiques (code de l’activité principale exercée) caractérisant l’activité de l’entreprise.

S’il y a lieu, l’intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié ou, à défaut, la référence au Code du travail pour les dispositions relatives à la durée des congés payés du salarié et à la durée des délais de préavis en cas de cessation de la relation de travail doivent être inscrit sur le bulletin de paie.

En outre, cet article exige que le nom et l’emploi du salarié ainsi que sa position dans la classification conventionnelle qui lui est applicable soient affichés sur la fiche de paie, ainsi que la position du salarié, qui est définie par le niveau ou le coefficient hiérarchique qui lui est attribué.

Doivent figurer sur la fiche de paie la période et le nombre d’heures de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant, s’il y a lieu, les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause et en mentionnant le ou les taux appliqués aux heures correspondantes, dont la nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire des salariés dont la rémunération est déterminée sur la base d’un forfait hebdomadaire ou mensuel en heures, d’un forfait annuel en heures ou en jours ; et l’indication de la nature de la base de calcul du salaire lorsque, par exception, cette base de calcul n’est pas la durée du travail.

Enfin, doivent y figurer la nature et le montant des accessoires de salaire soumis aux cotisations salariales et patronales mentionnées aux articles R3243-2 et R3243-3 ; le montant de la rémunération brute du salarié ; la nature et le montant de tous les ajouts et retenues réalisés sur la rémunération brute ; le montant de la somme effectivement reçue par le salarié ; la date de paiement de cette somme ; et les dates de congé et le montant de l’indemnité correspondante, lorsqu’une période de congé annuel est comprise dans la période de paie considérée.

Des décrets sont venus apporter des précisions et fixer les libellés, l’ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie. Ainsi, le bulletin de paie doit faire apparaitre le montant net à payer avant impôt sur le revenu et le montant de l’impôt sur le revenu prélevé à la source. En pratique, la ligne faisant apparaitre l’impôt sur le revenu comprend le montant de base imposable servant de base au calcul du prélèvement à la source, le cumul annuel des montants nets imposables servant de base au calcul du prélèvement à la source, le montant de l’impôt sur le revenu prélevé à la source, le cumul annuel des montants de l’impôt sur le revenu prélevé à la source, le montant net des heures complémentaires et/ou supplémentaire exonérées et le cumul annuel des montants d’heures complémentaire et/ou supplémentaire exonérées. D’autres mentions figurent sur le bulletin de paie, telles que la mention de la rubrique dédiée au bulletin de paie sur le site service-public.fr, la mention indiquant la conservation sans limitation de durée du bulletin de paie et le nombre d’heures indemnisées en cas d’activité partielle.

A contrario, en application de l’article R3243-4 du Code du travail,

« il est interdit de faire mention sur le bulletin de paie de l’exercice du droit de grève ou de l’activité de représentation des salariés.
La nature et le montant de la rémunération de l’activité de représentation figurent sur une fiche annexée au bulletin de paie qui a le même régime juridique que celui-ci et que l’employeur établit et fournit au salarié
 ».

B. La contestation du bulletin de paie.

Dans le cas où le bulletin de paie contient des erreurs, le salarié peut le contester.

L’article L3245-1 du Code du travail dispose que la prescription des salaires est de trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. Le bulletin de paie étant rattaché au salaire, c’est la prescription des salaires qui lui est appliqué. Dès lors, après la remise de la fiche de paie, le salarié dispose d’un délai de trois ans pour contester sa fiche de paie.

L’employeur a l’obligation de remettre au salarié une fiche de paie lors du paiement de son salaire. L’article L3243-2 du Code du travail prévoit qu’« Il ne peut exiger aucune formalité de signature ou d’émargement autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien au montant net figurant sur ce bulletin ». Le bulletin de paie peut être remis en main propre, par voie postale, ou sous forme électronique, sauf opposition du salarié. Si le salarié ne s’oppose pas à ce que son bulletin lui soit remis sous forme électronique, l’employeur doit lui indiquer les conditions dans lesquelles il peut accéder à son bulletin de paie. Il doit également lui garantir l’intégrité, la disponibilité, la confidentialité du document et doit en conserver un double, sous forme papier ou électronique pendant une durée de 5 ans.

A noter : le salarié peut s’opposer à tout moment à la transmission dématérialisée de son bulletin de paie, dès lors qu’il en informe son employeur.

Dans le cas où l’employeur ne remet pas le bulletin de paie au salarié, il s’expose à une amende dont le montant peut atteindre 450 euros par bulletin de paie non remis, en plus des dommages et intérêts pour le préjudice causé au salarié.

Il arrive qu’il y ait des erreurs sur les bulletins de paie et si le salarié est attentif, il est en droit de contester sa fiche de paie. Ainsi, lorsque l’employeur n’applique pas le bon taux de cotisations et contributions sociales, n’applique pas l’indemnisation et l’absence de délai de carence prévues dans la convention collective applicable à son entreprise, ne prend pas en compte la bonne date d’entrée dans l’entreprise du salarié, dès lors, le bulletin de paie est irrégulier et le salarié peut le contester. Par ailleurs, lorsque l’employeur ne mentionne pas des heures de travail effectués et des heures supplémentaires effectuées par le salarié, il commet un délit de travail dissimulé.

A partir de juillet 2023, le bulletin de paie devra être plus lisible, avec des libellés hiérarchisés, une séparation des cotisations sociales obligatoires commune aux salariés et des cotisations à des régimes facultatifs. Ces évolutions du bulletin de paie s’inscrivent dans une démarche de simplification, notamment pour les allocataires, bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ou encore de la prime d’activité.

II. Le bulletin de paie moderne.

Le bulletin de paie moderne reprend les mentions obligatoires, ne peut toujours pas comporter les mentions interdites qui figurent à l’article R3243-4 du Code du travail mais il comporte une nouvelle rubrique, des libellés plus lisibles et hiérarchisés ainsi qu’une séparation entre les cotisations et contributions sociales obligatoires et celles qui sont facultatives.

A. La nouvelle rubrique du bulletin de paie : le montant net social.

1) Le montant net social.

En son II, l’article 1 de l’arrêté relatif aux libellés, l’ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie dispose que la valeur associée à la mention « Montant net social » est égale à la différence entre d’une part, la totalité des montants correspondant aux sommes, ainsi qu’aux avantages et accessoires en nature ou en argent qui y sont associés, dus en contrepartie ou à l’occasion d’un travail, d’une activité ou de l’exercice d’un mandat ou d’une fonction élective, ainsi qu’aux sommes destinées à compenser la perte de revenu d’activité, versées sous quelque forme que ce soit et quelle qu’en soit la dénomination, à l’exception des indemnités prévues à l’article L313-1 du Code de la sécurité sociale lorsque l’employeur est subrogé de plein droit à l’assuré dans les conditions prévues au R. 323-11 du même code, ainsi que du financement prévu au III de l’article L911-7 et du versement mentionné au I de l’article L911-7-1 du même code ; et d’autre part, le montant total des cotisations et contributions sociales d’origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié. En d’autres termes, le montant net social est constitué de l’ensemble des sommes brutes correspondant aux rémunérations et revenus de remplacement versés par l’employeur au salarié (salaires, primes, heures supplémentaires, avantages en nature, indemnités de rupture, etc., mais hors IJSS) ; déduit des cotisations et contributions sociales. C’est le montant que les bénéficiaires du RSA ou de la prime d’activité doivent déclarer pour calculer leurs prestations.

Selon le Ministère du travail, afficher le montant correspondant aux revenus que les bénéficiaires du RSA ou de la prime d’activité doivent déclarer permet de simplifier les démarches de ces bénéficiaires et de faciliter le remplissage des déclarations de ressources.

Concrètement, le service paie de l’employeur doit additionner l’ensemble des éléments de rémunérations brutes versés par l’employeur, puis soustraire l’ensemble des cotisations et contributions sociales obligatoires à la charge du salarié, dont celle due au titre de la complémentaire santé. Enfin, la troisième étape consiste à additionner les exonérations et allègements de cotisations dont a bénéficié le salarié ainsi que les cotisations et contributions sociales facultatives à la charge de l’employeur, à l’exception des cotisations facultatives dues au titre de la complémentaire santé.

2) Les éléments exclus du montant net social.

N’entrent pas dans le calcul du montant net social les remboursements de frais professionnels (au réel ou forfaitaires) dans la limite de chacun de leurs plafonds d’exonération puisque les remboursements qui ne respectent pas les conditions pour être regardés comme tels sont des éléments de revenu ; les avantages en nature exemptés socialement et fiscalement liés aux activités sociales (nourriture, avantages tarifaires, activités sociales et culturelles des CSE) ; la part patronale pour le financement des garanties collectives à la complémentaire santé obligatoire (couverture des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dits « frais de santé ») prévue au III de l’article L911-7 du Code de la sécurité sociale, ainsi que le versement santé prévu à l’article L911-7-1 du même code ; l’intéressement et la participation placés sur des plans d’épargne ; les abondements de l’employeur aux plans d’épargne et les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS), y compris pour les cas de subrogation de l’employeur (ces indemnités seront intégrées par les caisses primaires d’assurance maladie dans le montant net social des assurés).

3) La différence entre le montant net social et le montant net versé.

Le montant net versé se détermine, lorsque le revenu est imposable, à partir de la rémunération nette fiscale. Pour l’obtenir, il faut déduire de la rémunération nette fiscale le montant des contributions sociales non déductibles (fraction de CSG non déductible - CRDS), le montant de la contribution de l’employeur au financement de la garantie « frais de santé » de son salarié.

Lorsque le revenu est non imposable, le montant net versé se détermine à partir du revenu brut. Il faut déduire du montant brut non plafonné les cotisations sociales et les contributions sociales. Enfin, en présence d’un salaire comportant à la fois des composantes imposables et non imposables, le montant net versé est déterminé à partir de la rémunération nette fiscale.

A partir de juillet 2023, le montant net versé sera remplacé par le net social, alors même que ces deux montants ne sont pas équivalents. Le mode de calcul n’est pas le même. En effet, le montant net social n’est ni défini en fonction de l’assiette fiscale, ni de l’assiette sociale, c’est l’ensemble des ressources du salarié qui est pris en compte, quel que soit leur traitement social ou fiscal. Le calcul du montant net social inclut les indemnités de rupture, les heures supplémentaires exonérées et le financement de la protection sociale complémentaire.

B. Le réaménagement des rubriques cotisations et contributions.

1) Distinction entre cotisations et contributions sociales obligatoires et facultatives.

Les cotisations et contributions sociales obligatoires sont celles imposées par des dispositions législatives. En application de l’article L911-7 du Code de la sécurité sociale, seule la couverture des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dits « frais de santé » est obligatoire. En d’autres termes, lorsque la couverture est rendue obligatoire par une convention ou une décision unilatérale, elle n’entre pas dans la rubrique « Cotisations et contributions sociales obligatoire » mais dans la rubrique « Cotisations et contributions sociales facultatives ».

De ce fait, lorsque la couverture des risques de protection sociale complémentaire n’est pas imposée par des dispositions législatives, elle est facultative.

Selon le Ministère du travail, la rubrique « Cotisation et contributions sociales obligatoires » est une rubrique commune à tous les salariés, permettant ainsi de garantir la lisibilité entre les bulletins de paie. C’est ce qui explique l’impossibilité d’indiquer plus de détails que ce que prévoit le modèle issu de l’arrêté susvisé.

A contrario, il est possible de mettre plus de détails dans la rubrique « Cotisations et contributions sociales facultatives ».

2) L’ordre des rubriques.

Dans une foire aux questions du 7 février 2023, le Ministère du travail précise qu’il n’est pas possible de modifier l’ordre ou le libellé des rubriques, mais si une modification est nécessaire pour un gain de place, il est possible de raccourcir certains libellés. Même lorsqu’il existe des spécificités à certains secteurs d’activités et/ou de salariés, il n’est pas possible d’ajouter des lignes supplémentaires pour certaines contributions, pour ne pas porter atteinte à l’harmonisation recherchée par l’évolution du bulletin de paie. Pour prendre en compte les spécificités, il faut regrouper certaines contributions particulières dans les rubriques « autres » prévues à cet effet et dont le détail pourra être indiqué au verso du bulletin de paie ou sur un document annexe.

3) Le calendrier.

Les dispositions de l’arrêté sont applicables aux rémunérations versées à compter du 1er juillet 2023, dit autrement, tous les bulletins de paie devront, à partir du mois de juillet de cette année, comporter le montant net social. Le Ministère du travail précise que les entreprises sont libres d’appliquer le modèle par anticipation, avant le 1er juillet 2023 et qu’à partir de 2024, ils devront déclarer le « montant net social » de leurs salariés aux administrations, comme c’est déjà le cas pour le « montant net imposable ».

Néanmoins, par dérogation à l’article 1er de l’arrêté du 25 février 2016, les employeurs ont jusqu’au 1er janvier 2025 pour se conformer au modèle de bulletin de paie exigé par l’arrêté. En effet, d’ici 2025, ils peuvent utiliser un modèle adapté, tout en intégrant, bien évidemment, le montant net social entre les rubriques « Total des cotisations et contributions » et « Net à payer avant impôt sur le revenu ».

Loudenie Bosse Juriste en droit social, spécialisée en protection sociale
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