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Étude comparative en droit français et marocain : les enjeux juridiques de la sous-traitance. Par Mohammed El Malki, Juriste.
Parution : lundi 20 février 2023
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Le recours à la sous-traitance peut être avantageux devant l’immense taille des projets économiques pour lesquels l’entrepreneur principal se trouve contraint à réaliser les travaux confiés par le maître d’ouvrage. Le recours à la sous-traitance est à la fois source de conflits et d’impayés.

Au Maroc, aucune loi n’existe sur la sous-traitance tandis qu’en France une loi du 31 décembre 1975 est spécifique à ce sujet. En effet, le régime de la sous-traitance au Maroc est encadré uniquement par deux articles du Décret n° 2-12-349 du 8 joumada I 1434 relatif aux marchés publics B.O. n° 6140 du 4 avril 2013 . Ces deux articles sont loin d’octroyer des garanties suffisantes.
Face à l’absence de législation adéquate en la matière, diverses problématiques se présentent. D’une part, au niveau de la responsabilité et d’autre part, au niveau des conditions de travail.

Il convient en effet de rappeler que la sous-traitance est un levier de compétitivité et de croissance des activités des entreprises. Ce contrat de sous-traitance fixera donc des rapports de force entre le sous-traitant d’une part, et l’entreprise principale d’autre part. Ipso facto, cela génère une responsabilité contractuelle qui repose sur une obligation de résultat.

Au Maroc, face à l’absence de loi qui règlemente cette relation contractuelle dans son ensemble, les clauses contractuelles établies entre les parties sont soumises à l’interprétation des juges.

En revanche, l’alinéa 7 de l’article 158 du Décret n° 2-12-349 du 8 joumada I 1434 relatif aux marchés publics, B.O. n° 6140 du 4 avril 2013 dispose que le maître d’ouvrage ne reconnaît aucun lien juridique avec les sous-traitants. Cette disposition est fortement critiquée dans la mesure où elle laisse un champ d’appréciation au juge lors de la naissance d’un litige. En pratique, bien qu’ils ne soient pas liés contractuellement, le maître d’ouvrage peut également engager la responsabilité d’un sous-traitant à condition qu’il justifie que ce dernier a commis une faute lui causant un préjudice.

Dans une telle hypothèse, il reviendra alors au maître d’ouvrage de justifier des manquements du sous-traitant et du préjudice subi, sans pouvoir se contenter d’invoquer la seule non-réalisation des travaux.

En effet, la responsabilité des sous-traitants sera recherchée par le maître d’ouvrage lorsque l’entrepreneur principal est insolvable.
Il convient de noter également que l’action directe dont est susceptible de disposer en droit français le sous-traitant contre le maître d’ouvrage dans le cadre de l’exécution d’un contrat conformément aux termes et dispositions de la loi du 31 décembre 1975 , n’existe pas en droit marocain.

Par ailleurs, il est force de constater que ce décret ne respecte pas le contenu de la Convention internationale n°94 relative aux conditions de travail dans les contrats généraux issu de l’Organisation internationale de Travail en 1949 que le Maroc a ratifié le 20 septembre 1956. Il en ressort de cette convention une obligation à l’égard des États ratificateurs d’intégrer dans le dispositif juridique des marchés publics des conditions applicables aux entreprises principales et aux sous-entreprises, visant à assurer que les salaires, la durée du travail et les primes ne soient pas inférieurs à ceux prévus par la loi ou les conventions collectives pour le même travail ou pour des travaux de même valeur. Cette convention impose également un affichage dans des endroits exposés des sites de travail afin que les ouvriers soient informés sur les conditions de travail.

En revanche, en ce qui concerne la garantie de paiement des salaires, elle autorise des retenues supérieures à celles prévues par le Code du travail en cas d’insolvabilité des sous-traitants qui ne remplissent pas les conditions commerciales et sociales requises.

Devant ce déficit de règles, la mise en place d’un cadre juridique clair et précis est indispensable. Tant compte tenu de la prévention des conflits entre les entreprises donneuses d’ordres et les entreprises sous-traitantes, que de la protection des travailleurs en garantissant leur sécurité, leur santé et leurs droits et enfin, du renforcement de la position du Maroc sur les marchés internationaux. Point qui conduirait à encourager l’investissement étranger dans le pays.

Mohammed El Malki, Juriste d'entreprise Entreprise Circet