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Accidents de parapente : responsabilité des auteurs et indemnisation des victimes. Par Avi Bitton, Avocat et Anna Forestier, Juriste.
Parution : vendredi 17 février 2023
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Les accidents de parapente sont en hausse en France, en 2021 près de 500 accidents ont été recensés [1].
Qui est responsable en cas d’accident ?
Quels préjudices peuvent être indemnisés ?
Comment obtenir réparation de ses préjudices ?

1. Qui est responsable ?

L’auteur du dommage peut engager sa responsabilité civile, ainsi que sa responsabilité pénale.

1.1. Responsabilité civile.

Le régime est différent si vous êtes le seul à l’origine du dommage ou si le comportement d’une autre personne a entraîné la réalisation du dommage.

a) Vous êtes le seul à l’origine du dommage.

Si vous avez souscrit une assurance garantie des accidents de la vie, il faut vérifier les clauses du contrat afin de déterminer si l’accident de parapente est inclus.

Dans une affaire, l’assurance des garanties des accidents de la vie a permis d’indemniser le retentissement économique définitif, après consolidation, sur l’activité professionnelle future de la victime, entrainant une perte de revenus ou un changement d’emploi [2].

Si vous pratiquez le parapente avec une fédération, par exemple la Fédération Nationale de Vol Libre (FNVL), il faut regarder les clauses de la licence également.

En outre, conformément à l’article L321-4 du Code du sport :

« Les associations et les fédérations sportives sont tenues d’informer leurs adhérents de l’intérêt que présente la souscription d’un contrat d’assurance de personnes couvrant les dommages corporels auxquels leur pratique sportive peut les exposer ».

Dans une affaire, il a été jugé que :

« L’EURL Pégase, organisation de parapente, a manqué à son obligation d’information concernant la souscription d’un contrat d’assurance couvrant les dommages corporels auxquels leur pratique sportive pouvait exposer. Mme Y a perdu du fait de cette faute la chance d’être indemnisée en raison de la survenance d’un risque susceptible de se réaliser à l’occasion d’un vol en parapente » [3].

Ainsi, votre association, club, ou fédération a commis une faute si elle ne vous a pas informé de l’utilité de souscrire un contrat d’assurance couvrant les dommages corporels.

b) Le comportement d’une autre personne a entrainé la réalisation du dommage.

C’est l’assurance de la personne responsable qui devra prendre en charge l’indemnisation des préjudices.
En effet, selon l’article 1240 du Code civil :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé la réparer ».

L’auteur du dommage peut tenter d’opposer à la victime son acceptation des risques.

Cependant, la jurisprudence considère qu’on ne peut pas opposer l’acceptation des risques face à une « faute caractérisée par une violation des règles du jeu » [4]. Toutefois, « il ne convient pas de retenir la faute civile lorsque le geste dommageable était dû à une maladresse qui ne révélait aucune agressivité ou malveillance de son action » [5].

Le juge devra donc apprécier, en fonction du comportement de l’auteur du dommage, si son acceptation des risques peut être opposée à la victime ou non.

Afin d’être indemnisé rapidement de votre préjudice, vous pouvez demander à votre avocat de saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI). Il est important de la saisir dans les 3 ans suivant l’infraction, ou, s’il y a des poursuites pénales, dans l’année suivant le rendu de la décision pénale définitive.

Nous vous conseillons d’aller lire notre article sur le fonctionnement de la CIVI [6].

Pour obtenir une indemnisation raisonnable, il vous est conseillé de faire appel à un avocat intervenant en matière de réparation du préjudice corporel. Cet avocat vous assistera en vue des expertises médicales, il chiffrera vos différents préjudices et fera une demande au juge civil d’un certain montant au titre de votre indemnisation.

1.2. Responsabilité pénale.

Généralement, le comportement à l’origine des blessures est non intentionnel. Il s’agit donc de "violences involontaires" dites aussi "coups et blessures involontaires".
Ainsi, l’article 121-3 du Code pénal prévoit une gradation de la faute exigée en fonction de la nature du lien de causalité entre la faute commise et le dommage subi :
- Si une personne a directement causé le dommage, il suffira qu’elle ait commis une imprudence, une négligence ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement pour que sa responsabilité pénale soit engagée.
- Si une personne a contribué à la réalisation du dommage, pour que sa responsabilité soit engagée, elle devra avoir commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou par le règlement pour que sa responsabilité pénale soit engagée.

Pour estimer avec certitude si la faute est reliée au dommage par un lien de causalité direct, cette dernière doit avoir été « essentielle et déterminante dans la réalisation du dommage » (Crim., 29 octobre 2002). Cependant, il n’est pas nécessaire que la faute retenue soit la cause exclusive, directe et immédiate du dommage (Crim, 14 février 1996).

2. Quels préjudices peuvent être indemnisés ?

Le préjudice est la traduction juridique du dommage, caractérisé par l’atteinte, c’est ce que l’atteinte a entraîné. Il existe différentes catégories de préjudices, dont le degré de gravité sera évalué par le juge civil afin de déterminer le montant de l’indemnisation.

2.1. Préjudices patrimoniaux.

- Temporaires : les frais médicaux, les pertes de gains professionnels éprouvés par la victime, les frais d’assistance d’une tierce personne.
- Permanents : les dépenses futures de santé, les pertes de gains professionnels futurs, le préjudice d’incidence professionnel, les frais de logement, de véhicule (adaptés au handicap), d’assistance d’une tierce personne, le préjudice scolaire/de formation.

2.2. Préjudices extra-patrimoniaux.
- Le déficit fonctionnel : douleur permanente et perte de qualité de vie.
- Le préjudice esthétique.
- Le préjudice pour les souffrances éprouvées.
- Le préjudice sexuel.
- Le préjudice d’agrément : impossibilité de pratiquer régulièrement une activité de loisirs.
- Le préjudice d’établissement : perte de possibilité de réaliser un projet de vie familiale normale.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris, et Anna Forestier, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Source : fédération française de vol libre - FFVL.

[2Cour d’Appel de Chambéry, 29 avril 2021/ n°19/01128.

[3Cour d’Appel de Grenoble, 11 janvier 2022/n°21/01259.

[42ème, 20 nov. 2003, n°02-13.653 / Ass. plén., 29 juin 2007, n°06-18.141.

[52ème civ, 4 novembre 2010, n°09-65.947.