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[CEMAC] Mise en circulation de nouveaux billets de banque et sort réservé aux anciens. Par Bergony Nantsop Ngoupa, Doctorant.
Parution : jeudi 23 février 2023
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Dans une résolution du Comité Ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) [1] datée du 7 novembre 2022, il était décidé de la mise en circulation à partir du 15 décembre de la même année d’une nouvelle gamme de billets de banque.

Du moins, c’est l’essentiel qu’aurait retenu le citoyen lambda de cette actualité.

Aujourd’hui que cette date est passée et que ladite mise en circulation est une réalité observable par tous, il convient de s’arrêter un tant soit peu pour se demander ce qu’il adviendra des anciens billets. La question vaut tant pour les billets qui étaient en circulation (effective) que pour ceux qui ne l’étaient plus mais qui ont juridiquement et toujours cours légal sur le territoire de la communauté [2]. La réponse à cette question est donnée dans la même résolution susmentionnée qui, en droite ligne avec le principe de progressivité bien établi en matière bancaire dans la zone [3], prévoit dans un premier temps la démonétisation des billets de la gamme 1992 (1), et dans un second temps le retrait progressif de la circulation, des billets de la gamme 2002 (2).

1- La démonétisation programmée des anciens billets de banque de la gamme 1992.

Il faut entendre par démonétisation, l’action de démonétiser. C’est-à-dire faire perdre à une monnaie (son crédit ou) la valeur que lui a attribuée la loi. En l’espèce, il sera question d’ôter formellement à la gamme de billets de 1992 son « pouvoir » sur la scène économique des échanges. En conséquence, elle sera privée du cours légal et du pouvoir libératoire sur l’ensemble du territoire de la Communauté.

Cette démonétisation est prévue à compter du 1er mars 2023 suivant le calendrier et les modalités ci-après :

- Du 1er mars au 31 mai 2023 (un délai de 3 mois), les billets de la gamme 1992 seront échangeables aux guichets des banques commerciales et aux guichets de la BEAC ;

- Du 1er juin 2023 au 31 mai 2024 (un délai de 1 an), les billets de la gamme 1992 seront exclusivement échangeables aux guichets de la BEAC ;

- A la veille du 1er juin 2024, les billets de la gamme 1992 perdront totalement leur valeur en tant que monnaie, puisqu’au lendemain (c’est-à-dire à la date du 1er juin 2024) ils ne seront plus échangeables.

2- Le retrait progressif de la circulation des anciens billets de banque de la gamme 2002.

Il est prévu de « retirer progressivement de la circulation les billets de la gamme 2002 au fur et à mesure de leur retour aux guichets de la BEAC à partir du 1er janvier 2024 ».

Il faut préciser que la gamme de 1992 a été remplacée par celle de 2002. Et il est connu sur le marché que c’est cette dernière qui est toujours en circulation depuis une vingtaine d’année. L’autre ayant disparu peu à peu.

Pour l’instant, ces billets vont cohabiter avec la nouvelle gamme de 2022. Et ce, jusqu’au moins le 1er janvier 2024. Date à laquelle commencera le retrait de la gamme 2002. Il n’est pas donné un calendrier (ou chronogramme) du retrait, mais on sait qu’à compter de cette date, tout billet de la gamme 2002 qui arrivera à la BEAC se verrait maintenu ou détruit au profit de la frappe et/ou « l’envoi en circulation » d’un nouveau billet de même valeur et surtout de la nouvelle gamme.

Pour ce qui est de sa démonétisation, il est encore tôt pour l’envisager. Mais, suivant les états d’avancement du retrait, l’autorité monétaire compétant dans la zone prendra de nouvelles dispositions comme pour cette résolution du 7 novembre 2022.

Bergony Nantsop Ngoupa Doctorant en Droit à l'Université de Yaoundé 2 [->bergonynantsop@gmail.com]

[1La Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) comprend deux Unions : UEAC (Union Économique de l’Afrique Centrale) et UMAC. Institué par le Traité de la CEMAC, son Comité Ministériel (CM) a pour compétence d’examiner les grandes orientations des politiques économiques respectives des États membres de l’Union et d’en assurer la cohérence avec la politique monétaire commune. Il adopte les règlements et directives nécessaires à la mise en œuvre de l’harmonisation et l’adoption et la mise en œuvre d’une réglementation bancaire harmonisée. Il est habilité à prendre toutes dispositions qu’il juge utiles en vue de renforcer la réglementation commune en matière de législation monétaire, bancaire et financière.

[2Les États membres de l’UMAC (constituant son territoire) sont : Le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.

[3Le principe de progressivité signifie, comme l’enseigne l’éminent Professeur Alain Kenmogne Simo dans son cours de Droit et Réglementation Bancaires : « les changements dans les obligations imposées aux établissements de crédit doivent intervenir de manière progressive ».
Afin de tenir compte des contraintes de gestion des établissements, ils doivent être mis en œuvre sur une certaine durée et, au besoin, par étapes successives. Ce qui assure la continuité dans l’action. C’est ainsi que plusieurs exemples justifient l’effectivité de ce principe dans la zone : au moment où le ratio Cooke est adopté, la norme de couverture des risques était de 4%. Pour tenir compte du souci de progressivité, l’on n’est pas passé directement aux 8% ; les banques ont eu un délai pour ajuster progressivement le niveau de leurs fonds propres nets.
Il en a été de même pour l’augmentation du capital des établissements de crédit qui a été élevé successivement à 5 milliards, 7,5 milliards et 10 milliards pour les banques. Il en est de même pour la modification de la norme de division des risques.
Le règlement COBAC R-2020/01 a maintenu la norme individuelle à 45% jusqu’au 31 décembre 2020 et la fait passer à 40% à compter du 1er janvier 2021, à 35% au 1er janvier 2022 et à 25% au 1er janvier 2023.