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Reclassement : attention à ce que mentionne l’avis d’inaptitude du médecin du travail. Par Cécile Villié, Avocat.
Parution : mardi 28 février 2023
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Seul l’avis d’inaptitude mentionnant que l’état de santé de l’intéressé fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, et non dans l’entreprise, dispense l’employeur de chercher un emploi de reclassement.
Cass. soc., 8 fév. 2023, n°21-11.356.

Une salariée avait été déclarée inapte à son poste suivant avis du médecin du travail du 11 juillet 2017 en ces termes : « Inapte. L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise ».

Le 20 juillet 2017, la salariée est licenciée pour inaptitude (d’origine non-professionnelle) et impossibilité de reclassement.

Elle conteste la rupture de son contrat de travail.

La cour d’appel, par un arrêt du 1er décembre 2020, juge le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse au motif que l’employeur n’était pas dispensé de rechercher un reclassement dans une autre entreprise du groupe et avait ainsi manqué à son obligation de reclassement.

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur et confirme l’arrêt de la cour d’appel.

Ainsi, elle fait une stricte application des articles L1226-2 et L1226-2-1 du Code du travail applicable à l’inaptitude d’origine non professionnelle [1].

En effet, selon ces articles, lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, que cette inaptitude soit d’origine professionnelle ou non, l’employeur est tenu d’une obligation de reclassement :
- Après avis du comité social et économique, s’il existe dans l’entreprise,
- En tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur la capacité du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise,
- Et aussi comparable que possible au poste précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles qu’aménagements, adaptations ou transformations de postes existants.

Toutefois l’employeur est dispensé de rechercher un reclassement dans deux hypothèses, à savoir lorsque l’avis d’inaptitude mentionne expressément que :
- « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou ;
- « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

La recherche de reclassement doit s’étendre à l’ensemble des activités de l’entreprise et le cas échéant aux entreprises du groupe auquel elle appartient, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

En l’espèce, le médecin du travail avait précisé que l’obstacle à tout reclassement dans un emploi concernait le cadre de l’entreprise. Ainsi, il n’avait pas exactement mentionné que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », d’autant plus que l’entreprise à laquelle appartenait la salariée faisait partie d’un groupe.

En l’absence de recherche de reclassement, le licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient de rappeler qu’en l’espèce, l’inaptitude concernant la salariée était d’origine non professionnelle.

Le manquement à l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude d’origine professionnelle emporte des conséquences plus fortes pour l’employeur.

En effet, il ressort de l’article L1226-15 du Code du travail que dans cette hypothèse le salarié peut obtenir une indemnité correspondant au montant, non pas d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (barème « Macron ») mais d’un licenciement nul. En conséquence, cette indemnité, ne peut être inférieure à 6 mois de salaire.

Cécile Villié, Avocat - droit du travail Barreau de Paris www.villie-avocat.com [->contact@villie-avocat.com]

[1L1226-10 et L1226-12 pour l’inaptitude d’origine professionnelle.