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Accidents d’escalade : indemnisation des victimes. Par Avi Bitton, Avocat et Morgane Cadoret, Juriste.
Parution : lundi 27 février 2023
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En cas de chute ou accident d’escalade : qui est responsable ? quels préjudices peuvent être indemnisés ? comment obtenir réparation de ses préjudices ?

Entre 2018 et 2019, près de 300 accidents d’escalade ont été répertoriés (accidentologie et prévention saison 2018-2019, Fédération française de la montagne et de l’escalade [1]).

Vous êtes victime d’un accident d’escalade : qui est responsable ? quels préjudices peuvent être indemnisés ? comment obtenir réparation de ses préjudices ?

1. Qui est responsable ?

Le responsable de l’accident peut aussi bien engager sa responsabilité civile que sa responsabilité pénale.

1.1. Responsabilité civile.

Le régime de la responsabilité civile sera différent si vous êtes le seul à l’origine du dommage ou si le comportement d’un tiers a entrainé la réalisation dommage que vous subissez

a) Vous êtes le seul à l’origine du dommage.

En cas d’accident causé par votre seul fait, vous pouvez procéder à plusieurs vérifications : si vous avez souscrit une assurance garantie des accidents de la vie, vous devez vérifier si l’accident d’escalade est inclus dans les clauses du contrat. En effet, la garantie des accidents de la vie peut venir couvrir les accidents survenus dans le cadre de loisirs. Tout dépendra du régime et des clauses de votre contrat d’assurance.

De plus, en vertu de l’article L321-4 du Code du sport :

« les associations et les fédérations sportives sont tenues d’informer leurs adhérents de l’intérêt que présente la souscription d’un contrat d’assurance de personnes couvrant les dommages corporels auxquels leur pratique sportive peut les exposer ».

Ains, si vous êtes licencié dans un club de la Fédération française de montagne et de l’escalade (la FFME), vous devez en principe avoir été informé de la souscription et/ou du renouvellement à une responsabilité civile obligatoire et à une assurance garantie de personne [2]. La FFME met effectivement à la disposition de ses licenciés un pack d’assurances, mis à jour chaque saison [3].

b) Le comportement d’un tiers a entrainé la réalisation du dommage.

Lorsque un tiers a entrainé la réalisation du dommage, son assurance devra prendre en charge l’indemnisation des préjudices.

Selon l’article 1240 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

L’auteur peut tenter d’opposer à la victime son acceptation des risques ou sa faute, venant amoindrir son implication dans la réalisation du dommage.

A noter que l’acceptation des risques par la victime lors de la pratique de certains sports est de l’appréciation souveraine des juges du fonds. Il a pu être jugé qu’

« une course de montagne comporte normalement un certain nombre de risques et qu’il importe, en cas d’accident, de distinguer la simple réalisation de ces risques par le fait des circonstances tenant aux difficultés de l’escalade, aux conditions atmosphériques, et l’accident dû à la faute de l’organisateur ou du guide » [4].

Dans le domaine de l’escalade, la FFME peut conclure des conventions d’usage avec les propriétaires de sites naturels d’escalade. La fédération assume ainsi la garde juridique de ces sites. Dans ce cas, la fédération a une responsabilité délictuelle du fait des choses sur le site et depuis un arrêt de principe de 2010, le gardien de la chose ne peut plus opposer à la victime son acceptation des risques pour s’exonérer de sa responsabilité [5].

Ainsi, vous pouvez vous renseigner si le site naturel sur lequel vous avez subi votre préjudice faisait l’objet d’une convention d’usage de la FFME.

En outre, la Cour de cassation, en 2011, a précisé l’étendue de l’obligation contractuelle de sécurité des associations sportives. Alors qu’il exerçait librement et sans formation de l’escalade, un homme a fait une chute, le rendant paraplégique.

Alors que la Cour d’appel avait jugé que l’obligation de sécurité du moniteur n’existait que pendant une formation et non lorsque la personne exerçait librement l’escalade dans une salle et sur un mur mis à la disposition de tous les sportifs membres du club ou assimilés, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a consacré une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité [6].

Afin d’être indemnisé rapidement de votre préjudice, vous pouvez demander à votre avocat de saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI). Il est important de la saisir dans les 3 ans suivant l’infraction, ou, s’il y a des poursuites pénales, dans l’année suivant le rendu de la décision pénale définitive.

Nous vous conseillons de lire l’article sur le fonctionnement de la CIVI [7].

Pour obtenir une indemnisation raisonnable, il vous est conseillé de faire appel à un avocat intervenant en matière de réparation du préjudice corporel. Cet avocat vous assistera en vue des expertises médicales, il chiffrera vos différents préjudices à votre avantage et demandera au juge de retenir cette indemnisation favorable.

1.2. Responsabilité pénale.

Le caractère accidentel des chutes en escalade induit généralement un comportement non intentionnel à l’origine des blessures.

L’article 121-3 prévoit une gradation de la faute exigée en fonction de la nature du lien de causalité entre la faute commise et le dommage subi :

- Si une personne a directement causé le dommage, il suffira qu’elle ait commis une imprudence, une négligence ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement pour que sa responsabilité pénale soit engagée ;

- Si une personne a contribué à la réalisation du dommage, pour que sa responsabilité soit engagée, elle devra avoir commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou par le règlement pour que sa responsabilité pénale soit engagée.

Pour illustration, a été condamné pour homicide involontaire le responsable d’un groupe en stage d’escalade en raison d’une « accumulation de maladresses, d’imprudences et de négligences » [8].

Pour estimer avec certitude si la faute est reliée au dommage par un lien de causalité direct, cette dernière doit avoir été « essentielle et déterminante dans la réalisation du dommage » [9]. Cependant, il n’est pas nécessaire que la faute retenue soit la cause exclusive, directe et immédiate du dommage [10].

2. Quels préjudices peuvent être indemnisés ?

Le préjudice est la traduction juridique du dommage, ce qui a été engendré par l’atteinte subie par la victime. Les préjudices se divisent en plusieurs catégories, dont le degré de gravité sera évalué par le juge civil afin de déterminer le montant de l’indemnisation.

2.1. Préjudices patrimoniaux.

- Temporaires : les frais médicaux, les pertes de gains professionnels éprouvés par la victime, les frais d’assistance d’une tierce personne ;
- Permanents : les dépenses futures de santé, les pertes de gains professionnels futurs, le préjudice d’incidence professionnel, les frais de logement, de véhicule (adaptés au handicap), d’assistance d’une tierce personne, le préjudice scolaire/de formation.

2.2. Préjudices extrapatrimoniaux.

- Le déficit fonctionnel : douleur permanente et perte de qualité de vie ;
- Le préjudice esthétique ;
- Le préjudice pour les souffrances éprouvées ;
- Le préjudice sexuel ;
- Le préjudice d’agrément : impossibilité de pratiquer régulièrement une activité de loisirs ;
- Le préjudice d’établissement : perte de possibilité de réaliser un projet de vie familiale normale.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris, et Morgane Cadoret, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[4Chambéry, 26 juin 1958, Gaz. Pal. 1958. 2. 266.

[5Civ. 2e, 4 nov. 2010, n° 09-65.947.

[6Civ. 1re, 15 décembre 2011, n° 10-23.528 et 10-24.545.

[8CA Aix-en-Provence, 13e ch., 16 janv. 1998, n° 44 D/13/98.

[9Crim., 29 octobre 2002.

[10Crim, 14 février 1996.