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Comment résoudre le sort d’une succession internationale ? Par Aude Lelouvier, Avocat.
Parution : mardi 28 février 2023
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Il arrive parfois qu’à la suite du décès du défunt, sa succession présente un élément d’extranéité qui conduit à considérer que sa succession présente un caractère international. Cela peut être l’hypothèse où le défunt est de nationalité étrangère, ou bien il est domicilié à l’étranger, ou encore il possède du patrimoine à l’étranger, par exemple un bien immobilier.
Si vous êtes face à cette situation, une question va se poser : quelle est la loi applicable à la succession du défunt ?

En principe, si la succession est ouverte à compter du 17 août 2015, le Règlement européen n°650/2012 du 4 juillet 2012 a vocation à s’appliquer. En effet ce texte régit les successions à cause de mort et s’applique de manière universelle c’est-à-dire quelle que soit la loi désignée applicable dès lors qu’une autorité d’un État membre reconnaît sa compétence.

Afin de déterminer la loi applicable à la succession, il est nécessaire de vérifier au préalable que le défunt n’a pas opéré un choix de loi de son vivant. En effet, l’article 22 du Règlement permet au de cujus d’opérer un choix de loi en faveur de sa loi nationale.

Par conséquent, s’il peut opérer un choix de loi, son choix est limité. En outre, s’il a effectué un choix de loi en faveur de sa loi nationale, alors sa loi nationale a vocation à s’appliquer.

En revanche, si le défunt n’a opéré aucun choix de loi, l’article 21 retient comme loi applicable à la succession du défunt, sa loi de dernière résidence habituelle au moment du décès. Si la loi désignée est celle d’un État membre, alors cette loi est applicable.

Cependant, s’il s’agit de la loi d’un État tiers, le Règlement retient le jeu du mécanisme du renvoi qui permet alors de consulter les dispositions applicables en droit international privé successoral pour déterminer à quelle loi elles renvoient.

En tout état de cause, une fois la loi applicable désignée, celle-ci doit s’appliquer à tous les biens du défunt y compris ceux situés à l’étranger. Néanmoins, la compétence du notaire ne peut se cantonner qu’aux biens situés sur son territoire.

Prenons un exemple dans lequel le de cujus, de nationalité algérienne, est décédé en 2020 en France dont le patrimoine se compose d’un bien immobilier en France, et un second en Algérie. Dans cette hypothèse, en l’absence de choix de loi, la loi française est applicable à sa succession puisque la France était son lieu de résidence habituelle au moment du décès. La loi française a donc vocation à régir l’intégralité de la succession, laquelle devra être réglée conformément aux règles de droit français.

Néanmoins, si la dévolution est applicable à tous les biens du défunt, même celui situé en Algérie, le notaire ne peut reconnaître sa compétence que pour les biens situés en France. Ainsi, pour l’immeuble situé en France, le notaire peut rédiger le certificat de propriété et procéder aux publications nécessaire. En revanche, pour le bien immeuble situé en Algérie, les héritiers vont être contraint de prendre attache avec un notaire algérien qui sera seul compétent pour en régler le sort. De plus, dans la mesure où l’Algérie n’est pas un État membre de l’Union européenne, le notaire algérien appliquera sa propre règle de droit international privé successoral qui retient comme loi applicable, la loi nationale du défunt, c’est-à-dire la loi algérienne.

En bref, il sera donc nécessaire de saisir deux notaires différents. S’agissant du notaire français, il devra simplement indiquer dans l’acte de notoriété que la loi française est applicable conformément aux dispositions du Règlement « successions » et renvoyer les héritiers à prendre attache avec un notaire algérien pour régler le sort de l’immeuble situé en Algérie.

A titre indicatif, il sera également nécessaire, une fois la dévolution algérienne établie par le notaire algérien, de la communiquer au notaire français pour qu’il puisse indiquer dans la déclaration de succession la quote-part de l’immeuble algérien revenant à chaque héritier.

Ainsi se déroulent aujourd’hui les successions internationales… Qu’en est-il lorsque la succession a été ouverte avant le 17 août 2015 ? Avant cette date, aucun texte international n’avait vocation à s’appliquer. Dès lors, il faut se référer aux règles de droit international privé françaises…

En droit international privé français, les successions internationales font l’objet d’un morcellement successoral c’est-à-dire que les successions se divisent en deux catégories : d’une part, les successions mobilières, et d’autre part, les successions immobilières. Ainsi, la jurisprudence de la Cour de cassation a établi une règle de conflit spécifique pour chaque type de succession. S’agissant des successions mobilières, celles-ci sont régies par la loi du dernier domicile du défunt. S’agissant des successions immobilières, celles-ci sont régies par la loi du lieu de situation de l’immeuble. Toutefois, il est possible, par le mécanisme du renvoi, d’appliquer la loi française à l’ensemble de la succession, si les règles de conflit du droit étranger renvoient à la loi française.

Prenons un exemple. En l’espèce, le défunt est décédé en 2012 alors qu’il résidait en France et était de nationalité française, mais possédait un bien immeuble situé en Pologne. Dans la mesure où celui-ci est décédé en 2012, il est obligatoire d’appliquer les règles du droit international privé français.

Conformément à ces règles, il apparaît que la loi française a vocation à régir sa succession mobilière puisque le défunt résidait en France. En revanche, la compétence de la loi polonaise est retenu à l’égard de sa succession immobilière puisque le défunt possédait un immeuble en Pologne.

Il convient donc de vérifier si, par le biais du mécanisme du renvoi, la loi polonaise opère un renvoi vers la loi française. Pour ce faire, il est nécessaire d’analyser le contenu du droit international privé polonais en matière successorale. Or, le droit polonais retient que la loi applicable en matière successorale est la loi nationale du défunt. En l’espèce, la loi nationale du défunt est la loi française. Par conséquent, la loi polonaise opère bien un renvoi à la loi française. Le renvoi va donc jouer et permettre l’application de la loi française à l’ensemble de la succession !

Si vous rencontrez des difficultés dans le règlement de votre succession, quelle soit interne ou internationale, dirigez vous vers un cabinet d’Avocat spécialisé en la matière pour être conseillé au mieux !

Aude Lelouvier Avocat au Barreau de Toulouse Docteur en droit international privé [->www.lelouvier-avocat.fr]