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Espèces marines protégées : mise à la consultation du public de deux projets d’arrêtés. Par Ellena Brunetti, Juriste.
Parution : mardi 28 février 2023
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Dans le cadre de la révision actuellement en cours de la Directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) - dont l’objectif affiché est le maintien ou la restauration du bon fonctionnement des écosystèmes marins, afin de parvenir à un bon état écologique du milieu marin - et dans le but de se conformer à ses obligations internationales avec lesquelles cette Directive s’articule (dont la Directive Habitats [1]), l’Etat français a depuis quelques années entrepris un vaste chantier de toilettage des dispositions prévoyant la protection des espèces marines qu’il abrite sur son territoire métropolitain.

1. Mise à la consultation du public avant adoption de deux arrêtés établissant respectivement la liste des invertébrés et végétaux marins protégés.

Sont actuellement soumis à la consultation du public [2] :

- Un nouvel arrêté national fixant la liste des invertébrés de la faune marine protégés sur l’ensemble du territoire national et les modalités de leur protection [3], et qui a vocation à abroger l’arrêté du 20 décembre 2004 fixant la liste des animaux de la faune marine protégés sur l’ensemble du territoire ;

- Un nouvel arrêté fixant la liste des espèces végétales marines protégées sur l’ensemble du territoire national et les modalités de leur protection [4]. Cet arrêté abrogera l’arrêté du 19 juillet 1988 relatif à la liste des espèces végétales marines protégées.

Les contributions relatives à chacun de ces projets peuvent ainsi être adressées par le public, respectivement jusqu’au 8 et 13 mars 2023.

L’ajout des espèces concernées au rang de celles bénéficiant du régime de protection prévue à l’article L411-1 du Code de l’environnement leur permettra ainsi de bénéficier d’un régime d’interdictions qui concernent aussi bien les individus (notamment la destruction ou la perturbation des individus pour la faune, ou encore, la coupe, la mutilation, l’arrachage, l’altération, ou la cueillette pour la flore) que leurs habitats.

Cette inscription témoigne d’une considération accrue portée aux invertébrés, qui jusqu’alors souffrait d’une sous-représentation dans les listes de protection, alors même que celle-ci est en partie tributaire de la disponibilité de données suffisantes sur ces espèces.

Néanmoins, le nombre croissant d’espèces dont l’inscription est prévue - respectivement 49 espèces d’invertébrés de la faune marine contre 6 espèces à l’heure actuelle, ainsi que 36 espèces végétales marines contre 2 espèces auparavant - ne constitue en réalité qu’une traduction juridique du constat alarmant de dégradation de nos écosystèmes marins, et de l’état de conservation de leurs habitants.

2. Une actualisation des listes d’espèces protégées prenant en compte la liste rouge des espèces menacées.

A cet égard, la liste rouge nationale des espèces menacées a constitué un élément permettant d’abonder la réflexion ayant conduit à l’établissement de la liste des espèces protégées dans ces deux arrêtés. Pour rappel, en fonction de critères basés sur différents facteurs biologiques associés au risque d’extinction (taille de population, taux de déclin, aire de répartition géographique, degré de peuplement et de fragmentation de la répartition), cette liste répartit les espèces parmi neuf catégories de menaces, à savoir (par ordre croissant de menace) :
- non évaluée (NE) ;
- données insuffisantes (DD) ;
- préoccupation mineure (LC) ;
- quasi menacée (NT) ;
- vulnérable (VU) ;
- en danger (EN) ;
- en danger critique (CR) ;
- éteinte à l’état sauvage (EW) ;
- éteinte (EX).

Ainsi, une espèce est qualifiée de « menacée d’extinction » lorsqu’elle se voit attribuer l’un des trois statuts CR, EN ou VU.

3. Rappel sur le panorama d’espèces marines protégées en France.

Une fois adoptés, ces arrêtés viendront ainsi compléter le catalogue des espèces marines bénéficiant d’une protection juridique, qui comprend à l’heure actuelle au sein des vertébrés, les mammifères, dont l’arrêté a été révisé en 2020 [5] et les tortues marines, dont la protection a également fait l’objet d’un toilettage fin 2022.

En effet, la révision de l’arrêté relatif aux mammifères marins a notamment conduit à l’ajout du Lamantin d’Amazonie (Trichechus inunguis) au rang d’espèce protégée.

Quant aux tortues marines, l’arrêté fixant la liste des tortues marines protégées sur le territoire national et les modalités de leur protection a récemment été revu et mis à jour dans sa structure et sa rédaction [6]. Si la liste des espèces protégées de tortues marines demeure inchangée, des modifications notables apportées aux modalités de leur protection, doivent néanmoins être relevées, notamment :

- le toilettage de la présentation de l’arrêté, de manière à ce que celle-ci soit similaire à celle de l’arrêté précité portant sur les mammifères marins. Cet alignement concerne plus particulièrement la consécration d’une obligation à la charge des engins de pêche de déclaration des captures accidentelles ;

- l’apport de précisions sur la nature des interdictions portant sur les individus (concernant la perturbation, mention explicite de la pollution lumineuse comme facteur de perturbation, et s’agissant de l’enlèvement, mention explicite des prélèvements biologiques en tant qu’enlèvement intentionnel) ; Pour mémoire, afin d’encadrer les activités touristiques d’observation de cétacés (dont l’activité de nage commerciale avec les dauphins et baleines) l’arrêté relatif aux mammifères marins a quant à lui érigé au rang de perturbations interdites, l’approche des animaux à une distance de moins de 100 mètres dans les aires marines protégées ;

- la consécration de la protection juridique des habitats d’espèces, complémentaire de la protection des individus, et la mention des types d’habitats concernés (habitats de reproduction dont les habitats pouponnières, les habitats d’interponte, de croissance, d’alimentation et d’hivernage, de repos et de prélassement solaire, de nettoyage, ainsi que les corridors migratoires) ;

- l’extension du champ d’application territorial du texte des seules eaux sous souveraineté comprenant les eaux territoriales (12 miles marins à partir des côtes) à la zone économique exclusive (jusqu’à 200 miles marins).

Ellena Brunetti Juriste "espèces protégées", et ancienne avocate en droit de l'environnement, droit douanier et fiscalité environnementale et énergétique

[1Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

[2Selon la procédure prévue à l’article L123-19-1 du Code de l’environnement.

[5Arrêté du 1er juillet 2011 fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national et les modalités de leur protection (NOR : DEVL1110724A, JORF n°0171 du 26 juillet 2011), toiletté en 2020 par l’arrêté du 3 septembre 2020 portant modification de l’arrêté du 1er juillet 2011 fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national et les modalités de leur protection (NOR : TREL2005786A, JORF n°0240 du 2 octobre 2020).

[6Arrêté du 10 novembre 2022 fixant la liste des tortues marines protégées sur le territoire national et les modalités de leur protection, NOR : TREL2220334, JORF n°0282 du 6 décembre 2022.