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Congé exceptionnel pour « interruption spontanée de grossesse » au sein de la branche Syntec. Par Camille Bonhoure, Avocat.
Parution : lundi 27 mars 2023
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Le 13 décembre 2022, les partenaires sociaux de la branche Syntec [1] ont signé un accord visant à accorder aux salariées ayant subi une interruption spontanée de grossesse (plus communément appelée fausse couche) un congé exceptionnel de 2 jours.

A) Les conditions pour bénéficier du congé exceptionnel pour « interruption spontanée de grossesse » au sein de Syntec.

Face au nombre de françaises concernées par une fausse couche chaque année (environ 200 000) les partenaires sociaux au sein de la branche Syntec ont décidé de mieux accompagner leurs salariées touchées par cet évènement.

Ils ont ainsi adopté, le 13 décembre 2022, un accord visant à octroyer à la salariée ayant subi une interruption spontanée de grossesse avant 22 semaines d’aménorrhée un congé de 2 jours, non déductibles des congés payés et sans réduction de salaire.

Pour bénéficier de ce congé exceptionnel, la salariée doit adresser un certificat médical dans les 15 jours suivant l’évènement.

Le conjoint de la mère peut également bénéficier de ce congé, dans les mêmes conditions, dès lors qu’il est également salarié de la branche.

L’accord précise enfin que « cette absence peut être accolée à un arrêt de travail pour maladie éventuellement prescrit ».

Aucune condition d’ancienneté n’est fixée pour le bénéfice de ce congé exceptionnel.

B) Les interrogations qui demeurent quant aux conditions d’application de l’accord du 13 décembre 2022.

Tout d’abord, il convient de relever que ne sont pas concernées les salariées ayant vécu une interruption spontanée de grossesse tardive, soit après 22 semaines d’aménorrhée.

En effet, dans une telle hypothèse, la salariée bénéficie malgré tout de son congé maternité (et le conjoint de son congé paternité), raison pour laquelle les partenaires sociaux semblent avoir limité le congé exceptionnel aux grossesses ayant pris fin avant 22 semaines d’aménorrhée.

Ensuite, une incertitude demeure à notre sens quant à l’étendue d’application de ce texte, notamment pour les salariées ayant eu recours à une interruption volontaire (IVG) ou médicale de grossesse (IMG).

Ces interruptions, par principe « non spontanées » pourraient théoriquement être exclues du champ d’application de l’accord, si une interprétation à la lettre du texte était faite.

Pourtant, dans le préambule de l’accord, les partenaires sociaux rappellent qu’une interruption spontanée de grossesse est un « évènement qui peut avoir des conséquences aussi bien physiques que psychologiques ».

Tel peut également être le cas dans le cadre d’une IVG, et encore plus dans le cadre d’une IMG, ces deux types d’interruptions pouvant engendrer une hospitalisation en ambulatoire.

Aussi, le rôle joué par le personnel médical serait ici capital, notamment quant au contenu du certificat médical.

La simple mention d’une fin de grossesse, avant 22 semaines d’aménorrhée garantirait ainsi le respect du secret médical et de la vie privée de la salariée, tout en lui permettant de bénéficier du congé de 2 jours sans distinction de l’origine de la fin de grossesse.

C) En pratique, les salariées seront-elles incitées à demander ce congé ?

La question demeure toutefois de savoir si ce congé exceptionnel sera réellement pris par les salariées ayant subi une fausse couche.

En effet, l’impact financier d’un arrêt de travail suite à une fausse couche pourrait bientôt être limité, une proposition de loi visant à supprimer le délai de carence pour les arrêts maladie pris dans de telles situations étant en cours d’adoption.

Cet impact financier plus limité pourrait donc inciter la salariée à ne pas faire état de cette situation, particulièrement intime et ce au regard des conséquences que cela pourrait engendrer sur sa relation de travail.

Les salariées pourraient effectivement craindre d’informer leur employeur de leur situation, notamment si des mesures discriminatoires sont par la suite prises à leur encontre.

En effet, en étant informé d’une fausse couche, l’employeur pourrait en déduire un potentiel projet ultérieur de grossesse.

Or, si la femme enceinte bénéficie d’une protection relative contre le licenciement, qu’en est-il de la femme ayant subi une fausse couche ?

A priori, l’article L1225-4 du Code du travail ne fait référence qu’à la salariée « en état de grossesse médicalement constaté » et lui garantit une protection pendant « les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes », en référence au congé maternité et aux congés payés pris immédiatement après.

Aucune protection ne serait donc accordée à la salariée ayant subi une fausse couche.

La salariée devra donc prendre en considération tous ces éléments (aspect financier, vie privée, risque de mesures discriminatoires) afin d’apprécier l’intérêt de ce congé exceptionnel.

Camille Bonhoure Avocat à la Cour Selarl Frédéric Chhum Avocats www.chhum-avocats.com

[1Regroupe des syndicats professionnels spécialisés dans les professions du Numérique, de l’Ingénierie, du Conseil, de l’Événementiel et de la Formation Professionnelle.

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