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Harcèlement moral au travail : preuve et moyens d’action. Par M. Kebir, Avocat.
Parution : jeudi 2 mars 2023
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La prévention des risques professionnels concerne notamment, le harcèlement moral, au titre de l’obligation générale de sécurité et la protection de la santé mentale et physique du salarié, à la charge de l’employeur.

Ce qui se traduit, concrètement, par la planification de la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, « l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral », au sens de l’article L4121- 2 Code du travail.

La jurisprudence s’y rapportant est, à la fois, abondante, mouvante, renforçant sans cesse, les contours de l’obligation de sécurité laquelle est combinée avec la faute inexcusable de l’employeur. Élargissant, notablement, les cas caractérisant l’infraction de harcèlement.

Le harcèlement moral au travail, aux termes de l’article L1152-1 Code du travail, est constitué par des agissements répétés envers un salarié, « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

En clair, en plus de la persistance des actes, ne pouvant résulter d’un seul comportement, le harcèlement moral peut être caractérisé, indépendamment de l’intention de son auteur.

Le délit du harcèlement.

Le Code pénal, en son article 222-33-2, rappelle la qualification du harcèlement moral, un délit :

« Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende » [1].

Ainsi, la qualification juridique du harcèlement moral implique des agissements répétés, pas forcément rapprochés ni d’une durée importante, mais qui ont pour effet de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En substance, dans le cadre des relations de travail :
- La victime peut être un salarié sous contrat CDI, CDD, stagiaire ou alternant ;
- L’auteur peut être tout représentant de l’employeur, un collaborateur - d’un même niveau ou inférieur ou même un tiers à l’entreprise [2].

Concrètement, en ce cas, les attitudes prohibées, aux termes de l’article L1152-1 Code du travail susindiqué, ont souvent trait aux conditions de travail. Par dessus tout, l’impact, direct ou indirect, sur le salarié s’explique par l’un de ces cas :
- méconnaissance de ses droits essentiels ;
- l’atteinte à sa dignité ;
- altération de sa « santé physique ou mentale » ;
- incidences sur sa carrière et avenir professionnel.

En cela, la Jurisprudence est particulièrement foisonnante.

Quelques illustrations :
- Violence : Le fait pour un dirigeant d’entreprise d’agresser verbalement et physiquement une salariée après son congé maternité a est constitutif de harcèlement moral [3].
- Les injures adressées au salarié consécutivement à son comportement désagréable et agressif envers de nombreux collègues ne sont pas constitutives de harcèlement moral : « Les injures, que la salariée invoquait comme faisant présumer un harcèlement moral ne permettaient pas de retenir l’existence de celui-ci dès lors que ces faits résultaient de son seul comportement, désagréable et agressif envers de nombreux collègues, et qu’ils étaient à l’origine du climat de tension dans l’entreprise » [4].
- Les brimades : Le harcèlement moral est constitué du fait, pour un employeur, de critiquer de façon humiliante et régulière le travail d’un salarié en présence d’autres salariés [5].
- La succession de procédures de licenciement caractérisait un acharnement de l’employeur à l’égard d’une salariée protégée, la société avait évincé celle-ci en lui diminuant ses responsabilités. L’employeur avait, par cette attitude discriminatoire et de harcèlement, manqué à ses obligations [6].
- Peuvent constituer un harcèlement moral les modification de l’emploi du temps du salarié, « sans qu’il soit établi que cette modification était nécessaire ou correspondait à un usage de l’établissement » [7].
- Caractérise l’existence d’un harcèlement, la diminution importante des responsabilités et un déclassement du salarié ainsi que la divulgation par l’employeur de données relevant du secret médical et de l’intimité de la vie privée du salarié [8].
- Défaillances et dysfonctionnements managériaux (voir infra) : L’encadrement inadéquat est susceptible de constituer un harcèlement si l’une des conditions de l’article L1152-1 Code du travail est matérialisée par des faits : Dès lors que ces faits « se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail… » [9].

Bien souvent, l’altération des conditions de travail et décisions de l’employeur peuvent concourir à la caractérisation de l’infraction du harcèlement :

« Constituent des faits caractéristiques de harcèlement moral, de par leur conjonction et leur répétition, le retrait sans motif à une salariée de son téléphone portable à usage professionnel, l’instauration d’une obligation nouvelle et sans justification de se présenter tous les matins dans le bureau de sa supérieure hiérarchique et l’attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, faits générateurs d’un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail » [10].

De même, la non-respect, par l’employeur, des prescriptions du médecin du travail pourrait conduire à des situations de harcèlement. En ce sens que, « le harcèlement moral est caractérisé dès lors que l’employeur impose à un salarié de manière répétée, au mépris des prescriptions du médecin du travail, d’effectuer des tâches de manutention lourde qui avaient provoqué de nombreux arrêts de travail puis, au vu des avis médicaux successifs, lui avait proposé des postes d’un niveau inférieur » [11].

S’agissant de la répétition et la temporalité des faits, bien que les faits constitutifs de harcèlement moral puissent se dérouler sur une brève période [12], il a été jugé que ne peut s’analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral une décision de l’employeur de rétrograder un salarié, peu important que, répondant aux protestations réitérées de celui-ci, il ait maintenu par divers actes sa décision [13].

Au fond, le salarié doit démontrer la matérialité des actes de harcèlement moral dont il prétend avoir été la victime au travers de la démonstration d’éléments de faits précis et concordants.

La preuve du harcèlement moral.

Eu égard aux dispositions de l’article L1154-1 Code du travail, issu de la Loi du 8 août 2016 [14] : « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ».

Au vu de ces éléments, précise l’article précité, il incombe à la partie défenderesse (l’employeur) « de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ». Partant, le juge forme sa conviction « après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

En substance, la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse point, exclusivement, sur le salarié. Matériellement, celui-ci rapporte la preuve (les preuves) laissant présumer l’existence du harcèlement moral. D’où il suit qu’il s’agit d’une présomption simple.

En outre, c’est à l’employeur de démontrer que les faits rapportés, par le salarié, ne sont pas constitutifs de l’infraction de harcèlement moral. A défaut de quoi, il engage sa responsabilité sur le terrain de l’obligation légale de sécurité de résultat (voir infra).

Le harcèlement managérial.

Au fond, l’obligation de sécurité de résultat et la protection de la santé physique et mentale du salarié est combinée avec la prohibition du harcèlement au travail (Voir notre publication Obligation de sécurité de l’employeur et harcèlement moral au travail). De sorte que la responsabilité de l’employeur s’en trouve engagée, en cas de harcèlement commis par un manager, lui-même soumis à un lien de subordination. Dès lors, les méthodes de gestion d’un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral :

« Les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique ne peuvent caractériser un harcèlement moral que si elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » [15].

Toujours est- il que, sur ce registre, est aussi admis que la pression sur les objectifs et le « flicage » peuvent caractériser un harcèlement moral : « Les salariés ne peuvent pas être déboutés de leurs demandes au titre d’un harcèlement moral au motif que celles-ci portaient sur des considérations trop générales sur les méthodes de gestion de l’employeur alors que plusieurs salariés témoignaient, d’une part, de pressions en matière d’objectifs, imposées aux directeurs de projets, aux responsables de projets, aux chargés de terrain, aux superviseurs et aux téléconseillers par une organisation très hiérarchisée du directeur de site et qui se traduisaient par une surveillance des prestations décrite comme du « flicage » et, d’autre part, d’une analyse de leurs prestations qu’ils ressentaient comme une souffrance au travail » [16].

Accident du travail / maladie professionnelle et harcèlement.

En matière des risques professionnels, l’infraction de harcèlement est caractérisée quand bien même le salarié ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre son état de santé et le harcèlement subi. Ici, au visa des articles L1154-1 et L1152-1 Code du travail, en matière de harcèlement moral : « Le salarié n’est tenu que d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel qui ne pouvait rejeter la demande du salarié au seul motif de l’absence de relation entre l’état de santé et la dégradation des conditions de travail, a violé les textes susvisés » [17].

Or, « le harcèlement moral ne peut être constitutif d’un accident du travail si le salarié ne rapporte pas la preuve de ce que l’arrêt de travail qui lui avait été prescrit a été causé par une brutale altération de ses facultés mentales en relation avec les faits de harcèlement invoqués » [18].

Sur ce point, en application des dispositions de l’article L451-1 du Code de la sécurité sociale, « la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles ne fait pas obstacle à l’attribution de dommages-intérêts au salarié ». Ceci « en réparation du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont il a été victime antérieurement à la prise en charge de son affection par la sécurité sociale » [19].

Obligation de sécurité et harcèlement.

En matière de harcèlement moral, l’absence de faute de l’employeur ne peut l’exonérer de sa responsabilité. En ce ce sens que :

« L’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, et l’absence de faute de sa part ne peut s’exonérer de sa responsabilité ; il doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés » [20].

A ce titre, l’existence des mesures prises immédiatement et propres à le faire cesser la souffrance du salarié devra être prouvé [21].

De même que la responsabilité de l’employeur est engagée pour manquement à son obligation de sécurité au motif de son inaction en dépit de plusieurs alertes et réclamations exprimées par un salarié, signalant la dégradation de ses conditions de travail : « L’accident du travail avait pour origine un stress d’origine professionnelle et que l’employeur, conscient des nouvelles responsabilités confiées à la salariée, n’avait pas pris toutes les mesures de prévention et de sécurité nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de celle-ci, ce dont il résultait que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat » [22].

Il convient de préciser que l’indemnisation pour manquement à l’obligation de prévention est susceptible de s’appliquer aux cas de harcèlement moral. Autrement dit, quand bien même « l’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle ; l’absence de tels agissements ne s’oppose pas à ce que la responsabilité de l’employeur soit engagée sur le fondement d’un manquement à son obligation de sécurité » [23].

Dit autrement, l’absence de situation de harcèlement moral n’empêche pas de caractériser un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur [24].

Pour rappel, l’auteur - toute personne dans l’entreprise [25], qui fait subir ces agissements répétés, attentatoires à la santé et la dignité du salarié, commet une infraction pénale [26].

Du point de vue de la prévention, tel qu’indiqué plus haut, incombe à l’employeur une obligation générale de sécurité et de prévention - protection de la santé du salarié [27].

En somme, l’employeur doit faire la démonstration qu’il a pris toutes les mesures de prévention et, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer une mesure de harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser [28].

Prévention du harcèlement au travail.

L’obligation de sécurité de résultat et de protection de la santé du salarié recouvre, à la fois, la prévention et la réaction au harcèlement.

Au fond, sur le fondement des articles L1152-4 et L4121-1 et L4121-2 Code du travail régissant la prévention de la santé mentale et les risques psychosociaux (RPS), l’employeur droit anticiper les risques : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » [29].

Concrètement, la prévention s’articule autour de neuf principes institués par les dispositions de l’article L4121-2 Code du travail, notamment :

« 1° Éviter les risques ;
2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L1152-1 et L1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L1142-2-1
 ».

En clair, il résulte des textes précités que les mesures nécessaires s’entendent de deux manières. L’entreprise doit :
- Mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité des salariés,
- Empêcher la réalisation du risque.

De telle manière que l’inaction de l’organisation est fautive : l’employeur est responsable des agissements de harcèlement de ses salariés : « Sauf s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention et, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer une mesure de harcèlement moral et a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser » [30].

En cela, parmi les mesures efficientes de prévention :
- Sensibiliser aux risques
- Former les collaborateurs à déceler les situations de harcèlement et réagir promptement. La formation fait partie des actions de prévention visées à l’article L4121-1 Code du travail
- Promouvoir les outils relationnels prônant l’humain : écoute active, intelligence émotionnelle, dialogue contributif, espaces de discussions...

En la matière, le CSE (Conseil économique et social) dispose de prérogatives propres (voir infra). Celui-ci peut :
- Être informé sur ces faits [31] ; et susciter toute initiative utile et proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral. Le refus de l’employeur est motivé [32] ;
- Exercer son droit d’alerte.

Par ailleurs, conformément aux articles L4622-2 et L4624-3 du même Code, le médecin du travail conseille les parties concernées sur les mesures nécessaires afin de prévenir le harcèlement sexuel ou moral.

En effet, tout salarié (victime ou témoin) qui dénonce des faits de harcèlement bénéficie d’une protection [33].

Toujours est- il que s’il est informé de harcèlement moral au sein de l’entreprise, l’employeur est tenu d’agir et doit immédiatement mener ou faire une enquête, sous peine de manquer à son obligation de prévention [34].

Harcèlement moral et rôle du CSE.

En matière de santé, de sécurité et des conditions de travail, en vertu de l’article L2312-5 du code précité le CSE contribue à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise. Aussi réalise-t-il des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel.

Concentrant les anciennes IRP (Instances représentatives du personnel), le CSE, sur le terrain de la prévention, a toute latitude de susciter des initiatives qu’il estime utiles, et proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral. Le refus y afférent de l’employeur doit être motivé [35].

De même, le CSE, selon l’article L2312-8, 3° Code du travail, est susceptible d’être informé et consulté sur les questions de harcèlement moral dans le cadre de ses compétences, intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise ( conditions de travail…).

S’agissant du droit d’alerte, une double prérogative lui est reconnue (articles L2312-59 et L 2312-60 Code du travail) : droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes, et droit d’alerte en cas de danger grave et imminent. Concernent précisément le harcèlement :

« Si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.

L’employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation » [36].

Qui plus est, en cas de tergiversations de l’employeur ou la divergence d’analyse sur le fondement de cette atteinte, le salarié, le CSE ou le membre de la délégation du personnel, après avoir informé le salarié, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte assortie d’une astreinte [37].

Notons que tout salarié peut dénoncer des faits de harcèlement, sans subir des sanctions, discriminations ou licenciements pour avoir subi, refusé de subir ou dénoncé de tels faits [38] : tout licenciement prononcé en violation de ces dispositions est nul [39].

Réaction immédiate, en cas de dénonciation de harcèlement moral, l’employeur est tenu à une obligation d’action : mener ou faire une enquête, sous peine de manquer à son obligation de prévention [40].

Ces enquêtes peuvent être réalisées par une équipe interne composée de représentants du personnel, de représentants de la direction de l’entreprise et, éventuellement, du médecin du travail. L’externalisation est possible.

En ce sens, l’enquête interne ne peut pas être écartée au motif que celle-ci a été confiée à la direction des ressources humaines et non pas au CHSCT [41].

CSSCT et conditions de travail.

Dans le sillage de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, au sein des entreprises de plus de 11 salariés, le CSE a remplacé et fusionné les anciennes instances représentatives du personnel (délégué du personnel, comité d’entreprise, CHSCT).

De plus, depuis le 1er janvier 2020 les missions du CHSCT sont exercées par la CSCCT, rattaché au CSE.

À ce titre, l’article L2312-9 Code du travail prévoit que : « Dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, le comité social et économique :
1° Procède à l’analyse des risques professionnels (…)
2° Contribue à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois (…)
3° Peut susciter toute initiative qu’il estime utile (…)
 ».

Il importe de mentionner que la CSSCT n’est pas un personne morale, et ne dispose donc pas d’une personnalité juridique propre. De surcroît, les attributions légales étant attribuées au CSE, la commission CSSCT agit uniquement sur délégation.

D’où une différence fondamentale entre la CSSCT et le CHSCT, en ce que celui-ci était une instance indépendante et autonome, contrairement à la CSSCT, émanation du CSE.

Médiation et harcèlement.

Outil de prévention des risques professionnels et résolution des conflits, l’article L1152-6 Code du travail renvoie expressément à la médiation en cas de harcèlement : « Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause ».

Dans le même ordre d’idées, la Loi du 2 août 2021 [42] introduit la notion de QVCT(Qualité de vie et des conditions de travail), promouvant la primauté de la prévention sur la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles (Pour aller plus loin : Loi santé au travail : nouveaux leviers de prévention des risques professionnels et du harcèlement).

Ceci implique de faire de la prévention une action managériale. A cette fin, la médiation en est l’un des instruments ; laquelle, intégrée à d’autres outils, permet de :
- Réparer les cassures relationnelles
- Instaurer un climat de confiance
- Insuffler une nouvelle culture qui fait de l’humain une richesse.

En somme, désamorcer le litige en amont ; rétablir l’élan relationnel dans un esprit d’harmonie contributive.

Indubitablement, l’organisation gagnerait à privilégier ces instruments de préventions, un double gage : protection de l’humain, garantie de performance. Qui plus est, les salariés heureux, bien compris et intégrés dans l’entreprise, sont le levier premier de la croissance. Et de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE).

En définitive, signe de dysfonctionnement organisationnel, le harcèlement peut altérer la santé du salarié ; compromettre son avenir professionnel et s’accompagner d’un effondrement : le burnout (Voir notre publication Burnout : prévention et responsabilité de l’employeur).

La prévention primaire, au travers d’une synergie efficiente entre les acteurs identifiés (CSE, CSSCT, référent harcèlement,...) adossée à la formation, l’intelligence relationnelle / émotionnelle participe à la promotion de la culture d’anticipation et la préservation des trésors humains : la santé physique et mentale.

Me. Kebir Avocat à la Cour - Barreau de Paris Médiateur agréé, certifié CNMA Cabinet Kebir Avocat E-mail: [->contact@kebir-avocat-paris.fr] Site internet: www.kebir-avocat-paris.fr LinkedIn: www.linkedin.com/in/maître-kebir-7a28a9207

[1Article 222-33-2 du Code pénal.

[2Cass. Soc. 30 janvier 2019, n°17-28.905.

[3Cass. Soc. 06 avril 2011, n° 09-71.17.

[4Cass.Soc. 24 nov. 2009, n° 08-43.481.

[5Cass. Soc. 08 juillet 2009, n° 08-41.638.

[6Cass. Soc. 19 mai 2009, n° 07-41.084.

[7Cass. Soc. 02 mars 2011, n° 08-43.067.

[8Cass. Soc. 15 mars 2011, n° 09-72.541.

[9Cass. Soc, 10 novembre 2009, 07-45.321, Publié au bulletin.

[10Cass.Soc. 27 oct. 2004, n 04-41.008 Publié au bulletin.

[11Cass. Soc. 28 janv. n° 08-42.616.

[12Cass. Civ. 3 avril 2013 n° 11-27054.

[13Cass. Civ. 9 déc. 2009, 07-45.521, Publié au bulletin.

[14Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

[15Cass. Soc. 22 oct. 2014 n° 13-18.862, Publié au bulletin, Cass. Soc., 10 novembre 2009, n° 07-45.321.

[16Cass. Soc. 3 mars 2021, no 19-24.232.

[17Cass. Civ. Soc., 30 avril 2009, 07-43.219, Publié au bulletin.

[18Cass. Civ 2, 24 mai 2005, n° 03-30.480, Publié au bulletin.

[19Cass. Soc., 15 novembre 2006, n° 05-41.489, Publié au bulletin.

[20Cass. Civ. 1 mars 2011, n°09-69.616, Publié au bulletin.

[21Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19702.

[22Cass. Soc., 5 juill. 2017, n° 15-23572.

[23Cass. Soc, 27 novembre 2019, n°18-10.551.

[24Cass. Soc., 25 mai 2022, n° 21-12.811.

[25Cass. Crim. 6 déc. 2011, n° 10-82.266.

[26Article 222-33-2 Code pénal.

[27Article L4121-1 et s L1152-4 Code du travail.

[28Cass. Soc. 1er juin 2016, n° 14-19.702.

[29Article L4121-1 Code du travail.

[30Cass. Soc. 1er juin 2016, n° 14-19.702.

[31Article L2312-8, 3° Code du travail.

[32Article L2312-9 Code du travail.

[33Article L1152-2 Code du travail.

[34Cass. Soc. 27 nov. 2019, n° 18-10.551.

[35Article L2312-9 Code du travail.

[36Article L2312-59 Code du travail.

[37Article L2312-59 et L2312-5 Code du travail.

[38Article L1152-2 Code du travail.

[39Article L1152-3 Code du travail.

[40Cass. Soc. 27 nov. 2019, n° 18-10.551.

[41Cass. Soc., 1er juin 2022, n°20-22.058.

[42Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.