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LFSS pour 2023 : actualités relatives au secteur des dispositifs médicaux. Par Rachel Devidal, Avocat.
Parution : mercredi 8 mars 2023
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La loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023, publiée au Journal Officiel du 24 décembre 2022 est riche en actualités concernant le secteur des dispositifs médicaux (DM).
Notre attention a particulièrement été attirée par les mesures présentées ci-après, qui ne sont pas sans rappeler certaines dispositions applicables aux spécialités pharmaceutiques.

Création d’un droit de substitution des DM pour les pharmaciens d’officine.

L’article 60 de la loi de financement pour la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 élargit la faculté de substitution offerte jusqu’à ce jour aux pharmaciens pour les spécialités pharmaceutiques et les médicaments biologiques en l’étendant aux « produits prescrits », c’est-à-dire en incluant notamment les DM.

Désormais, un article L5125-23-3 du Code de la santé publique permet aux pharmaciens de délivrer, par substitution à un produit prescrit, un produit comparable, sous réserve :
- Que ce produit figure sur une liste, accompagnée, le cas échéant, de conditions de substitution et d’information du prescripteur et du patient à l’occasion de cette substitution, fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pris après avis de la Haute Autorité de santé ;
- Que le prescripteur n’ait pas exclu la possibilité de cette substitution par une mention expresse et justifiée portée sur l’ordonnance et tenant à la situation médicale du patient ;
- Que la substitution n’entraine pas de dépense supplémentaire pour l’assurance maladie.

Cette disposition est entrée en vigueur le 25 décembre 2022 mais ne sera effective qu’une fois la liste susmentionnée publiée par arrêté.

A noter que cette possibilité de substitution n’est octroyée qu’aux pharmaciens d’officine et pas aux autres distributeurs au détail de DM comme les PSAD, ce qui laisse à s’interroger sur la raison de cette exclusion alors que les PSAD sont des acteurs importants dans la distribution de DM au détail.

Changement des conditions de prise en charge des DM dispensés par une pharmacien.

Le 3e de l’article 58 de la LFSS pour 2023 étend aux DM et modifie les conditions de délivrance des médicaments et DM prescrits dans le cadre d’un traitement chronique, après l’expiration de l’ordonnance.

L’article L162-16 du CSS tel que modifié permet un alignement avec les dispositions de l’article L5125-23-1 du Code de la santé publique permettant aux pharmaciens de délivrer des médicaments et DM prescrits dans le cadre d’un traitement chronique même si la durée de validité de l’ordonnance est expirée, dans la limite d’un mois.

Ces produits sont désormais pris en charge par les organismes d’assurance maladie dans les mêmes conditions (limite d’un mois au-delà de la durée de traitement initialement prescrite) et non plus « dans la limite d’une seule boite par ligne d’ordonnance ».

Ici encore on relèvera que les PSAD ne bénéficient pas de ce mécanisme, limité aux seuls pharmaciens.

Réforme du cadre de conventionnement avec le CEPS, fixation du prix et du tarif de responsabilité et suppression de la fixation d’un prix de cession maximal.

Réforme du cadre de conventionnement avec le CEPS.

Le 16° de l’article 58 de la LFSS pour 2023 accorde une compétence nouvelle au CEPS qui peut désormais conclure des conventions avec les entreprises qui exploitent ou distribuent des DM inscrits sur la LPPR (ou avec les organisations regroupant ces entreprises en cas d’inscription en ligne générique) et qui s’engagent à respecter la charte de la visite médicale des DM [1].

L’objectif affiché de cette mesure est d’encadrer la conclusion de conventions portant sur les produits et prestations, en transposant en miroir mais en les adaptant à la LPPR les dispositions de l’article L162-17-4 spécifiques aux médicaments auquel la section de la LPPR du CSS faisait jusqu’à présent renvoi.

Ces conventions déterminent les relations entre le comité et chaque signataire, notamment :
- Les éventuelles remises prévues en application des articles L165-1-5 et L165-4 du CSS ;
- Les modalités de participation des signataires à la mise en œuvre des orientations ministérielles ;
- Les conditions et les modalités de mise en œuvre par les fabricants ou les distributeurs d’études, y compris d’études médico-économiques, postérieures à l’inscription des produits sur la LPPR ;
- Les dispositions conventionnelles applicables en cas de non-respect des engagements mentionnés ci-dessus.

Ces conventions peuvent être précisées par un accord-cadre conclu entre le CEPS et un ou plusieurs syndicats représentatifs ou organisations regroupant les exploitants ou distributeurs au détail des produits et prestations mentionnés sur la LPPR.

A noter également que, lorsque la convention signée avec un exploitant ou un distributeur au détail prévoit la réalisation d’études, y compris d’études médico-économiques, postérieures à l’inscription du produit sur la LPRR, l’absence de transmission des résultats de ces études dans les délais impartis par la convention fait obstacle à la poursuite de la prise en charge du produit, sauf versement de remises par l’exploitant ou le distributeur au détail, à partir de la date à laquelle les résultats des études auraient dû être communiqués et tant que l’exploitant ou le distributeur au détail ne les a pas transmis.

Le CEPS détermine le montant des remises dues en appliquant au montant remboursé par l’assurance maladie pour le produit ou la prestation sur la période considérée, selon un barème fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en fonction de l’objet des études à réaliser.

Ces dispositions sont d’ores et déjà en vigueur.

Fixation du tarif de responsabilité par convention avec le CEPS.

Le 12° de l’article 58 de la LFSS modifie également les dispositions de l’article L165-2 du CSS relatif à la détermination des tarifs de responsabilité pour notamment renvoyer à la convention visée ci-avant et négociée entre l’exploitant de DM inscrits en nom de marque/nom commercial et le CEPS, ou à défaut par décision du CEPS.

Ce tarif de responsabilité peut comprendre la fixation d’une marge en application de l’article L165-3-4 du CSS modifié).

Fixation du prix des DM inscrits sur la LPPR par convention avec le CEPS.

Dans le même sens, le 13° de l’article 58 de la LFSS modifie l’article L165-3 du CSS relatif à la fixation des prix des produits inscrits sur la LPPR par le CEPS et procède à un renvoi vers l’article L165-4-1 du Code s’agissant de la convention à négocier.

Le texte précise également que les prix comprennent les marges prévues par décision mentionnées à l’article L165-3-4 du CSS (voir ci-après).

Les modifications relatives aux tarifs de responsabilité et aux prix des produits inscrits sur la LPRR entrent en vigueur dans des conditions fixées par décret et au plus tard, le 31 décembre 2025 en fonction des catégories de produits concernés.

Suppression de la fixation d’un prix de cession maximal par le CEPS.

Le 6e de l’article 58 de la LFSS pour 2023 supprime expressément la possibilité qui était accordée au CEPS, en application de l’article L162-38 du Code de la sécurité sociale, de fixer un prix de cession maximal auquel peut être vendu le produit ou la prestation au distributeur au détail.

Entrée en vigueur soumise à décret d’application et au plus tard au 31 décembre 2025.

Fixation par les ministres des marges de distribution des produits inscrits sur la LPPR.

Le 14° de l’article 58 de la LFSS crée un nouvel article L165-3-4 du CSS qui habilite les ministres chargés de l’économie, de la santé et de la sécurité sociale à fixer les marges de distribution des produits inscrits sur la LPPR, en tenant compte de l’évolution des charges, des revenus et du volume d’activité des praticiens ou des entreprises concernés.

Le texte introduit également un mécanisme de plafonnement des remises : les remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature, y compris les rémunérations de services prévues à l’article L441-3 du Code de commerce, consentis par tout fournisseur de distributeurs au détail en produits inscrits sur la LPPR ne peuvent excéder, par année civile et par ligne de produits, pour chaque distributeur au détail, un pourcentage du prix exploitant hors taxes de ces produits.

Ce pourcentage est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale, de l’économie et du budget, dans la limite de 50% du prix exploitant hors taxes.

Entrée en vigueur soumise à la parution de l’arrêté.

Cette mesure n’est pas sans rappeler les dispositions similaires applicables depuis longtemps aux spécialités pharmaceutiques remboursables. La mise en place d’un encadrement réglementaire des remises commerciales, vise d’après le Gouvernement à améliorer la transparence du secteur des DM.

Déclaration du prix d’achat du dispositif médical par l’exploitant aux ministres de la santé et de la sécurité sociale et changement de compétence s’agissant du contrôle du respect des spécifications techniques auxquelles l’inscription sur la LPRR est subordonnée.

Le 9e de l’article 58 de la LFSS complète les obligations à la charge des exploitants de DM, lorsqu’ils ne sont pas les fabricants du produit.

En plus de la déclaration de toute information permettant l’identification certaine du produit auprès des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé, l’exploitant est désormais tenu, en application de l’article L165-1-1-1, II du CSS, de déclarer également le prix auquel il a acheté le produit auprès de son fournisseur, déduction faite des différentes remises ou taxes en vigueur.

Le non-respect de l’obligation de déclaration de prix est assorti d’une pénalité financière, dont le montant est fixé en fonction de la gravité du manquement sanctionné et ne peut en tout état de cause être supérieur à 5% du chiffre d’affaires hors taxes des ventes réalisées en France par l’exploitant au titre du dernier exercice clos [2]. Les modalités d’application de cette pénalité sont fixées par arrêté en Conseil d’Etat.

Par mesure de simplification, le 18° de l’article 58 de la LFSS supprime également l’obligation prévue à l’article L165-5 du CSS de déclarer à l’ANSM l’ensemble des produits ou prestations qu’ils commercialisent et inscrivent, sous quelque forme que ce soit, sur la LPRR, en précisant pour chaque produit ou prestation le code correspondant à l’inscription du produit ou de la prestation sur la liste. Cette suppression est d’ores et déjà en vigueur.

Pour mémoire, les dispositions de l’article L165-2-2 du CSS imposent depuis 2020 l’obligation de déclarer au CEPS (et non pas aux ministres), par année civile et par produit ou prestation, le prix auquel l’exploitant ou le fournisseur de distributeur a vendu, le cas échéant au distributeur au détail, chaque produit ou prestation, déduction faite des différentes remises ou taxes en vigueur.

Enfin, l’article 58, 9° et 19° de la LFSS opère un changement de compétence dans le contrôle du respect des spécifications techniques auxquelles l’inscription sur la LPRR est subordonnée : cette compétence passe de l’ANSM au Directeur général de la CNAM, le cas échéant en associant les CPAM [3].

En fonction de la gravité des faits reprochés, celui-ci peut appliquer une pénalité financière dans la limite de 10% du CA HT réalisé en France par l’exploitant au titre du dernier exercice clos pour le produit considéré.

L’entrée en vigueur de cette disposition est soumise à la parution d’un décret en Conseil d’Etat.

Cette mesure aurait, d’après le Gouvernement, pour objectif de renforcer la lutte contre la fraude en permettant à la caisse nationale d’assurance maladie de procéder, en lieu et place de l’ANSM, à des contrôles sur le respect des conditions de prises en charge pour les produits et prestations associées.

Réforme de la prise en charge transitoire d’un dispositif médical.

L’article 58, 11° de la LFSS pour 2023 vient également préciser les conditions auxquelles sont subordonnées la prise en charge transitoire d’un DM [4].

Désormais, la prise en charge transitoire est subordonnée au respect, par l’exploitant, d’un protocole de recueil des données défini par la commission de la HAS ayant donné son avis quant à la prise en charge, lequel sera annexé à l’arrêté de ministres ayant décidé de la prise en charge transitoire.

Le texte précise que les données à recueillir portent sur l’efficacité, les événements indésirables, les conditions réelles d’utilisation ainsi que les caractéristiques de la population bénéficiant du produit.

Ces données seront transmises à l’exploitant par les prescripteurs, selon des modalités assurant le respect du secret médical.

Rachel Devidal Avocat au Barreau de Lyon Cabinet Bignon Lebray [->rdevidal@bignonlebray.com]

[1Article L165-4-1 du CSS.

[2Article L165-1-1-1, III du CSP.

[3Abrogation de l’article L165-1-2 du CSS et création de l’article L165-5-1-1.

[4Article L165-1-5, II bis du CSS.