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CNAPS et carte professionnelle sécurité privée : procédure contre les décisions de refus. Par Samia Khiter, Avocat.
Parution : vendredi 10 mars 2023
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Le contrôle du CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité) en matière de délivrance ou de renouvellement de la carte professionnelle de sécurité privée - autorisation préalable et du titre de dirigeant - a été renforcé. Les agents de sécurité privée font face à de plus en plus de refus. L’intérêt de cet article est d’expliquer les démarches à effectuer pour exercer - ou continuer d’exercer dans le domaine de la sécurité privée sur décision du juge administratif.

I. Mission de police administrative du CNAPS : délivrance, retrait, suspension ou décision de refus.

Le secteur de la sécurité privée connait depuis quelques années, et notamment depuis la loi dite sécurité globale du 21 mai 2021, une évolution de sa réglementation.

Le CNAPS régule ce secteur et se prononce sur les demandes de titre dirigeant, d’autorisation d’exercice, de carte professionnelle, les autorisations préalables d’entrer en formation ainsi que le renouvellement de l’ensemble de ces titres.

Les délégations territoriales du CNAPS sont chargées d’instruire l’ensemble de ces demandes au niveau local.

Elles effectuent notamment une enquête administrative aux fins de vérifier si le demandeur rempli l’ensemble des conditions imposées par le Livre VI du Code de la sécurité intérieure.

Le CNAPS effectue notamment une enquête de moralité pour s’assurer que le demandeur justifie d’un comportement compatible avec l’exercice d’une activité de sécurité privée.

Dans le cadre de cette enquête administrative de moralité, le CNAPS est amené à consulter notamment le casier judiciaire B2 de l’intéressé ainsi que le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ).

L’existence d’une mention sur le B2 ou d’une inscription au TAJ amène fréquemment le CNAPS à rejeter la demande de délivrance de carte professionnelle, son renouvellement ou l’autorisation provisoire d’entrée en formation.

A l’issue de l’instruction de la demande, le CNAPS fait connaître au demandeur le résultat de l’enquête administrative. Le demandeur dispose d’un délai de 15 jours pour transmettre au CNAPS ses observations et/ou ses justificatifs.

Le contrôle du CNAPS s’est durci avec l’entrée en vigueur de la Loi sécurité globale et le rapport de la Cour des comptes de 2018 estimant que le contrôle de moralité exercé avant et après la délivrance du titre par le CNAPS était très insuffisant.

Il en résulte désormais un contrôle renforcé donnant lieu à de nombreuses décisions de rejet et à un contentieux important devant le tribunal administratif.

II. Les recours contre une décision défavorable du CNAPS.

A) Le refus implicite du CNAPS : le silence vaut refus.

Le CNAPS dispose d’un délai de deux mois pour répondre à la demande de carte, titre et autorisation.

A l’issue de ce délai, son silence vaut refus. Il est ainsi recommandé au demandeur de vérifier ce délai car à l’issue de ces deux mois impartis au CNAPS pour rendre sa décision, un délai de deux mois est octroyé au demandeur pour contester son refus devant le tribunal administratif.

B) Le refus explicite contre une décision du CNAPS.

Le CNAPS refuse bien souvent expressément la délivrance d’une carte ou d’un titre en se fondant sur les mentions portées au casier judiciaire B2 ou les inscriptions au TAJ.

Le demandeur dispose de plusieurs options :

1°- Possibilité de déposer une requête en effacement du B2 et/ou du TAJ.

La requête en effacement du B2 s’effectue devant le Président du tribunal correctionnel compétent. La requête en effacement du TAJ devant le Magistrat en charge du TAJ. Le délai varie selon les tribunaux (environ 6-8 mois pour l’effacement d’une mention au B2 et 3-4 mois pour une inscription au TAJ).

2°- Possibilité de saisir le tribunal administratif d’une requête en annulation.

Le demandeur sollicite du tribunal administratif l’annulation pure et simple de la décision du CNAPS en arguant de son illégalité.

L’inconvénient est relatif au délai notification du jugement du tribunal administratif (environ 12 à 18 mois).

3°- Possibilité de saisir en urgence le tribunal administratif d’une requête en référé suspension.

Cette requête en référé suspension est accompagnée d’une requête en annulation.

Le tribunal administratif statut sur la requête en référé dans un délai de 1 à 4 semaines. L’intérêt de cette procédure est d’obtenir la suspension de la décision défavorable du CNAPS et l’obtention d’une une carte provisoire jusqu’au jugement du tribunal statuant sur la demande en annulation de cette décision.

Dans le cadre d’une requête en référé, le demandeur doit justifier :

- De l’urgence à voir suspendre la décision, en démontrant que cette décision lui cause un préjudice grave (suspension du contrat de travail, licenciement, absence de ressources, impossibilité d’honorer une promesse d’embauche…) ;

- Des doutes sur la légalité de celle-ci (motivation insuffisante, erreur d’appréciation, erreur de droit…).

Le CNAPS doit motiver sa décision et la justifier. La juridiction administrative a ainsi récemment suspendu la décision du CNAPS considérant que le refus de renouvellement d’une carte professionnelle d’un agent de sécurité privée au motif qu’il était inscrit au TAJ pour des faits qui n’ont fait l’objet d’aucune suite judiciaire, constitue une erreur d’appréciation de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de sa décision.

La juridiction administrative exige par ailleurs que le CNAPS vérifie l’ancienneté des faits commis, leur nature et les suites judiciaires éventuelles prises à l’encontre de l’agent de sécurité privée. A défaut, sa décision de refus encourt la suspension et l’annulation.

Ce contentieux nécessite des compétences en droit public, en droit pénal et en droit de la sécurité privée. Il importe de faire attention aux délais de recours et d’introduire la requête en suspension assez rapidement après la naissance de la décision de refus du CNAPS au risque de la voir déclarée irrecevable par le juge administratif.

Samia Khiter - Avocat et Formatrice Sécurité Privée www.khiter-avocat.fr [->khiter.avocat@gmail.com] www.khiter-avocat.fr
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