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Le numérique et la profession notariale en France. Par Patrick Nguetchouessi, Juriste.
Parution : jeudi 16 mars 2023
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La stratégie digitale de la profession notariale est orientée vers l’adoption de solutions sécurisées et souveraines. C’est l’esprit de la charte pour le développement éthique numérique du notariat qui fixe les grandes lignes de la digitalisation de la profession.

Le Décret No 2005-973 du 10 août 2005 modifiant le décret no 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires institue en son article 16 les actes notariés sous forme électronique lorsque ces derniers sont réalisés sur un « système de traitement et de transmission de l’information conception large » qui permet d’englober les technologies existantes et se projeter sur les technologies disruptives comme la blockchain. Une difficulté peut toutefois émerger quant à l’exigence de la certification de ce système d’information par le conseil supérieur du notariat, autorité qui bien que compétente sur la question de la profession notariale, ne peut réclamer la même légitimité en terme d’audit technique des systèmes d’information. Le recours à des organismes tiers de certification comme l’Afnor ou le Bureau Véritas semble être la démarche appropriée.

Assurer la pérennité de la profession dans le numérique implique aussi une cohérence et une interopérabilité dans les solutions employées, l’alinéa suivant de l’article 16 précise ainsi que « Les systèmes de communication d’informations mis en œuvre par les notaires doivent être interopérables avec ceux des autres notaires et des organismes auxquels ils doivent transmettre des données ». Une telle exigence laissait déjà à elle seule présager une standardisation de l’intégration des outils numériques dans l’activité.

Le développement exponentiel des legaltechs poussé par l’ère du big data à démultiplié les solutions proposées aux notaires pour digitaliser leur services : des actes dématérialisés, la célérité des procédures, une relation client améliorée, un suivi personnalisé… telles sont les promesses faites aux notaires qui ressentent tout de même une perte de consistance de leur noble profession et une désacralisation de la fonction de notaire. Désireux toutefois de se saisir de leur temps avant d’être dépassés, le conseil supérieur du notariat à mis en place la stratégie de la profession pour s’adapter.

La stratégie digitale de la profession notariale est orientée vers l’adoption de solutions sécurisées et souveraines. C’est l’esprit de la charte pour le développement éthique numérique du notariat qui fixe les grandes lignes de la digitalisation de la profession.

Reprenant la forme d’un contrat plus que celle d’une charte, cette dernière énumère les principes et valeurs de confrérie, de protection des données, de satisfaction de l’intérêt du client, d’information préalable et de travail collaboratif auxquelles doit se soumettre le prestataire qui édite la solution technologique proposée au notaires.

L’éthique numérique du notariat.

La charte a pour objectif de permettre, dans le respect des valeurs et de l’éthique du notariat français, et des dispositions légales et réglementaires qui le régissent, à toute organisation faisant usage de la technologie pour fournir en tout ou partie des services aux notaires, à leurs clients et partenaires : de disposer d’un accès à des API mises à disposition par le notariat, à des normes d’interopérabilité, et de tout autre moyen visant à faciliter l’interconnexion des systèmes d’information, de disposer d’un label garantissant aux clients et aux notaires le respect de la présente charte éthique, de figurer dans une liste des sociétés labellisées tenue à jour par le Conseil supérieur du notariat sur son site internet.

Cette API permet de trouver les coordonnées d’un notaire ou d’un office en recherchant par un lieu géographique ou un nom et tout autre critère de filtrage complémentaire, de consulter les disponibilités puis de prendre rendez-vous avec un notaire qui aura expressément accepté d’ouvrir ses disponibilités et d’accéder au format d’échange normalisé de données permettant une intégration simplifiée des données relatives à la fiche client et des données relatives aux caractéristiques essentielles de son dossier.

Le label ETIK.

le label pour un développement éthique du numérique notarial (désigné comme le label étik) est destiné à certifier la conformité d’une solution numérique offerte aux notaires et à authentifier le prestataire qui propose cette solution. La labellisation suit un processus qui se décompose en deux étapes, un audit documentaire et un audit technico-fonctionnel.

L’audit documentaire.

L’objectif principal est de valider les exigences du cahier des charges concernant la documentation. Cette première phase permet également de préparer l’audit technico fonctionnel, en s’assurant que les mécanismes techniques requis sont pris en compte par le candidat à la labellisation.

Le candidat à la labellisation doit fournir les documents suivants à l’auditeur :
- Ensemble des politiques et des procédures mentionnées dans le référentiel d’audit
- Les contrats type destinés aux clients et aux sous-traitants éventuels
- Le catalogue des offres et services
- Les CCV ou CGU applicables
- Les registres
- Tout document traitant de la confidentialité
- Tout document assurant la conformité avec le RGPD.

L’audit technico fonctionnel.

L’objectif de cette phase est de valider les exigences techniques du cahier des charges.

Les vérifications portent notamment sur les documents d’architecture, un accès aux infrastructures, et la présence d’un référent technique. Les points qui feront l’objet de vérifications sont notamment : les tests de routage de flux, la gestion adressage IP, la gestion du DNS, la qualité de service, la configuration équipement opérateur, la sécurité du raccordement des offices, la sécurisation de flux Internet, la traçabilité, la gestion sous-réseau office, la mobilité, l’administration distante, la gestion des accès physiques, la gestion des accès logiques, la gestion des incidents, la veille sécuritaire, le traitement des vulnérabilités, le plan de secours, la sous-traitance, les normes d’interopérabilité, la pratique développement, la sécurité applicative, la sécurité web.

La clé REAL.

De même format qu’une clé USB, la clé Réal (qui tire son nom de celui du conseiller Real -1757-1834) permet aux notaires d’authentifier un acte électronique en apposant une signature électronique et son sceau. Très encadrée, la signature électronique de la clé Réal doit être conforme au règlement européen Eidas (electronic Identification and electronic trust services) depuis juillet 2017.

La clé REAL permet au notaire d’effectuer des actes réservés de manière digitalisée, notamment : la validation des dépôts Télé@ctes, les virements SPF, DGFIP, banques et clients, les inscriptions dans les fichiers tenus par la Profession dont FCDDV, PACSen, les Consultations des comptes client, la mise en place des copies authentiques et exécutoires.

Patrick Nguetchouessi, Juriste, Société Legapass.