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5 questions sur les prescriptions assortissant un permis de construire. Par Timothée Fouché, Avocat.
Parution : jeudi 16 mars 2023
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Les permis de construire et les décisions de non opposition à déclaration préalable peuvent être assortis de prescriptions qui se présentent sous la forme de règles supplémentaires imposées par l’autorité compétente visant à modifier le projet pour en assurer sa légalité. Ces prescriptions font partie intégrante du permis de construire et deviennent donc obligatoires pour le demandeur, ce qui peut être problématique si elles n’ont pas été anticipées. Le point sur cinq questions fréquentes.

Qu’est-ce qu’une prescription ?

Les prescriptions sont des règles supplémentaires imposées au demandeur d’une autorisation d’urbanisme. En pratique, l’administration impose souvent des prescriptions aux autorisations d’urbanisme pour éviter un refus fondé sur une non-conformité marginale et pour respecter les avis des services externes consultés (SDIS, ABF, voirie, déchets, gestionnaires de réseaux, etc.).

Elles sont principalement fondées sur les articles R111-2 et R111-27 du Code de l’urbanisme, qui visent à garantir la salubrité et la sécurité publique ou le respect du caractère des lieux avoisinants, notamment.

En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que ces prescriptions peuvent être imposées pour garantir le respect des plans locaux d’urbanisme ou autres documents d’urbanisme locaux, ce qui est pourtant fréquent en pratique.

Peut-on contester une prescription assortissant un permis de construire ?

Les prescriptions d’un permis de construire ont longtemps été considérées comme faisant partie intégrante de l’autorisation, ce qui signifiait qu’un recours contre ces prescriptions seulement était jugé irrecevable [1].

Cependant, le Conseil d’Etat a modifié cette ligne jurisprudentielle et considère désormais que le titulaire d’une autorisation d’urbanisme est désormais recevable à demander l’annulation de l’une ou de plusieurs des prescriptions qui y sont associées [2] sous réserve que l’annulation de ces prescriptions ne remette pas en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme dans son ensemble.

Ainsi, le juge doit vérifier qu’en supprimant l’illégalité de la prescription, il ne provoque pas l’illégalité du permis de construire [3].

Quelles sont les limites de ces prescriptions ?

En l’absence de définition législative ou réglementaire de ces prescriptions, le juge administratif est venu préciser

« que l’administration ne peut assortir une autorisation d’urbanisme de prescriptions qu’à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, aient pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect […] » [4].

En synthèse, les prescriptions doivent avoir pour objet d’assurer la conformité des travaux aux dispositions d’urbanisme et sont strictement limitées aux modifications précises et limitées ne nécessitant pas le dépôt d’un nouveau dossier.

Pour illustration, un permis de construire peut être conditionné à la conclusion d’une servitude de passage, « qui entraine seulement une modification portant sur un point précis et limité qui ne nécessite pas la présentation d’un nouveau projet » [5] ou encore de la modification de la teinte externe des fenêtres [6].

En revanche, certaines prescriptions ont pu être annulées car :
- Elles étaient trop imprécises [7] ;
- Elles renvoyaient à une concertation ou une instruction ultérieure [8] ;
- Elles étaient trop précise et non justifiées au regard de l’intérêt des lieux avoisinants et des règles du PLU [9].

Que risque-t-on à ne pas respecter une prescription ?

Les prescriptions forment avec le permis de construire un bloc dont le tout assure la légalité de l’autorisation. Par conséquent, l’inexécution d’une prescription équivaut à une inexécution du permis de construire et sera donc sanctionnée comme tel par la nom conformité de la construction et pourra se traduire par une action pénale ou civile conduisant potentiellement à la remise en état des lieux si la régularisation est impossible [10].

Le permis de construire doit-il obligatoirement comporter des prescriptions ?

Le permis de construire n’a pas à comporter obligatoirement des prescriptions. En revanche, si le dossier de demande l’exige, l’autorité compétente a désormais l’obligation d’examiner la possibilité d’assortir le permis de construire de prescriptions.

Le Conseil d’ Etat estime que le seul fait que le projet soit de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ne saurait justifier un refus de permis de construire.

Ainsi, avant de refuser un permis de construire, il incombe aux services instructeurs d’envisager de délivrer le permis moyennant une prescription, à la double condition que le risque auquel est exposée la construction puisse être corrigé par ces prescriptions et qu’elles n’emportent pas de modifications substantielles au projet. Tel est le cas lorsque la situation du projet, les équipements de lutte contre l’incendie et la proximité d’une bouche d’incendie ne suffisent pas à assurer la sécurité publique [11].

Timothée Fouché, Avocat au barreau de Nantes Cabinet Fidal Département Droit public - Pôle Urbanisme et aménagement [->timothee.fouche@fidal.com]

[1CE. Sect. 12 octobre 1962, Ministre de la construction c. Compagnie immobilière de la région parisienne, n° 55655.

[2CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677.

[3CE, 5 juillet 2021, Syndicat de la copropriété “Les terrasses de l’Aqueduc”, n° 437849.

[4CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677.

[5CE, 3 juin 2020, n° 427781.

[6CE. Sect. 13 mars 2015, n° 358677.

[7CAA Nantes, 30 janvier 2015, n° 14NT01065.

[8CE. 16 janvier 1987, S.C.I. Ascodif, n° 64032.

[9CAA Nantes, 25 juillet 2017, n° 16NT01670.

[10Article L480-4 du Code de l’urbanisme.

[11CE 26 juin 2019 n°412429.