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Licenciement abusif et faux documents. Par Jean-Philippe Barthomet, Criminologue.
Parution : lundi 20 mars 2023
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Certains employeurs n’hésitent pas à fabriquer toute sorte de faux documents, dans le cadre d’un licenciement ou rupture conventionnelle, sachant que le salarié n’aura normalement pas les moyens de les contester en justice.

1. La procédure de licenciement.

Le licenciement est soumis à plusieurs conditions, tant sur le fond que sur la forme, permettant à la justice de vérifier sa validité.

La procédure est composée de plusieurs étapes, à commencer par la convocation du salarié pour un entretien préalable, en lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge, qui doit contenir certaines informations obligatoires :
- L’employeur doit renseigner la date et l’objet de la convocation, avec indication des faits reprochés au salarié
- L’heure et le lieu de l’entretien
- L’employeur doit informer au salarié de la possibilité de se faire assister par un conseiller
- L’employeur est également obligé d’informer au salarié de ses droits, notamment celui de se faire assister par un de ses collègues, un membre de l’entreprise.

Le but de cet entretien n’est pas le licenciement direct et irrévocable, mais un moyen de négociation, où le salarié a le droit de s’exprimer et de donner à l’employeur les explications qu’il puisse juger pertinentes.

À la fin de l’entretien, l’employeur dispose d’un délai de deux jours à un mois pour communiquer sa décision finale au salarié, en lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette décision sera motivée et la cause indiquée ne pourra pas être modifiée par l’employeur ultérieurement.

Néanmoins, si la raison du licenciement n’est pas réelle et sérieuse, le salarié aura le droit de se faire indemniser.

Dans tous les cas, même après la notification de l’employeur, le salarié aura certaines obligations à respecter, notamment les clauses contractuelles relatives à la confidentialité et à la non-concurrence, le cas échéant.

La relation professionnelle prendra fin à l’expiration du préavis donné par l’employeur, donnant droit au salarié de percevoir les indemnités de licenciement, les compensatrices de préavis et les congés payés non soldés, en plus du dernier salaire.

De son côté, l’employeur doit fournir au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte et l’état récapitulatif des sommes et valeurs versées, concernant les plans d’épargne salariale.

2. Introduction de fausses pièces dans la procédure de licenciement.

L’allégation de faux documents en droit du travail est très fréquente, que ce soit de la part des salariés, comme de la part des entreprises.

Par un arrêt du 19 mai 2022, la Cour de cassation a inversé la charge de la preuve, traditionnellement attribuée à la partie qui prétendait la falsification d’un document.

En cas de doute sur l’authenticité d’une pièce, il appartient au juge de la faire expertiser, dans les conditions prévues par les articles 287 et suivants du Code de procédure civile.

C’est la juridiction qui doit enquêter, établir les éléments de preuve nécessaires, dans le but de déterminer l’authenticité ou la fausseté du document en question.

Le Code de procédure civile prévoit plusieurs procédés, permettant au juge de déterminer l’authenticité d’un document suspect :
- Demander un échantillon d’écriture au salarié, sous la dictée, ainsi que de signatures manuscrites
- Se faire remettre tout document permettant la comparaison avec le document objet du litige
- Entendre le salarié assisté par un consultant
- Appeler des éventuels témoins de la rédaction du document litigieux
- Faire expertiser la pièce par un expert judiciaire en écritures et documents.

Le juge ne peut donc pas rejeter la charge de la preuve sur les parties. Il se doit de vérifier l’authenticité de la pièce litigieuse.

Que ce soit le salarié ou l’employeur, l’auteur d’un faux document, les conséquences juridiques sont lourdes, notamment pour ce dernier, puisque la rupture risque d’être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, donnant droit au salarié à la perception de plusieurs indemnisations, suivant les barèmes établis par l’article L1235-3 du Code du travail.

Par ailleurs, en tant que faux et usage de faux, l’article 441-1 du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement de trois ans, ainsi que 45 000 euros d’amende pour l’auteur matériel.

Le faux est défini par le Code pénal comme toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée, qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques, article 441-1 du Code pénal.

3. Les modalités faussaires les plus habituelles.

Parmi les pièces les plus falsifiées en droit du travail, se trouve la lettre de démission, un document établi par le salarié dans le but de signaler à l’employeur l’intention de mettre fin à la relation contractuelle qui les lie.

La lettre de démission est normalement falsifiée par l’employeur, pouvant contenir plusieurs altérations de la vérité, mais il peut s’agir également du salarié.

Dans ce cas précis, il est relativement fréquent de modifier les dates sur une vraie lettre de démission, mais aussi la falsification intégrale de la pièce.

Les documents internes des sociétés sont tout aussi souvent falsifiés, telles les fiches de pointage, les feuilles de présence, ainsi que toute autre pièce comportant la signature du salarié, permettant de confirmer les faits qui lui sont reprochés, justifiant ainsi le licenciement.

Le procédé le plus utilisé est le photomontage numérique, ainsi que le plus difficile à prouver, puisqu’il faudrait soumettre les originaux à un expert en écritures et documents, dans le but de faire vérifier l’encre.

Dans la falsification numérique, il n’y a pas d’encre de stylo à bille, mais de l’encre d’imprimante ou du toner, très différentes de la première au niveau optique, physique et chimique, puisqu’il s’agit d’encres de synthèse, dépourvues de composants organiques.

Ainsi, un document peut porter une vraie signature, tout en étant faux, si celle-ci a été frauduleusement transférée à l’aide de moyens numériques, généralement par copier-coller.

Néanmoins, les photocopies ne sont pas exploitables par l’expert en écritures et documents, car le procédé de numérisation et d’impression masque fréquemment les traces physiques de la falsification.

Jean-Philippe Barthomet Criminologue Expert en écritures et documents https://criminalistique.fr