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Acceptation du Contrat de Sécurisation Professionnelle et renonciation à la rupture. Par Kevin Bouleau, Avocat.
Parution : lundi 20 mars 2023
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Par un arrêt en date du 15 février 2023, la Cour de cassation affirme que la renonciation de l’employeur à la rupture du contrat de travail suite à l’adhésion du salarié au Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) n’est valide qu’avec l’accord exprès du salarié, peu important que cette renonciation intervienne avant l’expiration du délai de réflexion.

En cas de licenciement pour motif économique dans les entreprises de moins de mille salariés, l’employeur est tenu de proposer le bénéfice du Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) à tous les salariés dont le licenciement est envisagé.

Ce contrat vise à permettre le retour à l’emploi du salarié et lui offre le bénéfice d’une Allocation de Sécurisation Professionnelle (ASP).

Le salarié dispose d’un délai de réflexion de 21 jours à compter de la date de proposition du CSP pour l’accepter ou le refuser.

En l’espèce, un salarié informé du projet de licenciement collectif pour motif économique de son employeur ayant donné lieu à l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi s’était vu proposer le bénéfice du Contrat de Sécurisation Professionnelle le 6 janvier 2017.

Il acceptait le Contrat de Sécurisation Professionnelle le 10 janvier 2017.

Toutefois, l’employeur lui notifiait sa décision de renoncer à la rupture du contrat de travail par lettre du 25 janvier 2017, qui précisait :

« pour des besoins organisationnels, nous avons décidé de conserver votre emploi et de ne pas procéder à votre licenciement. Dans ces conditions, votre contrat de travail sera maintenu et vous resterez donc dans les effectifs de notre société ».

Le 16 mars 2017, le salarié saisissait le Conseil de prud’hommes afin de faire constater la rupture de son contrat de travail au 27 janvier 2017.

Le 12 mai 2017, il était licencié pour faute grave au motif de ses « absences répétées et injustifiées ».

Par un arrêt en date du 6 avril 2021, la Cour d’appel d’Orléans donnait raison au salarié et constatait que le contrat de sécurisation professionnelle avait été conclu le 10 janvier 2017 et que le contrat de travail avait été rompu avec effet au 27 janvier 2017.

Les juges du fond retenaient que :

«  La société, dès lors que le salarié avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle et que ce contrat était définitivement conclu, ne pouvait revenir postérieurement sur le consentement qu’il avait préalablement exprimé, sans l’accord de ce dernier (…). Le salarié pouvait, s’il le souhaitait, opter pour la réintégration en renonçant au contrat de sécurisation professionnelle, ou demander à bénéficier de l’indemnisation prévue par l’article L1235-16 du Code du travail, mais la société ne pouvait en rien lui imposer la première solution ».

L’employeur formait un pourvoi en cassation.

Il considérait qu’en cas d’adhésion du salarié au CSP, la rupture du contrat de travail n’avait vocation à intervenir qu’à l’expiration du délai de réflexion, et que la renonciation de l’employeur au licenciement avant l’expiration de ce délai pouvait donc faire obstacle à la rupture.

La Chambre sociale de la Cour de cassation approuve le raisonnement des juges du fond et rejette le pourvoi.

Elle affirme au contraire qu’il résulte des articles 4 et 5 de la convention Unedic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 et des articles L1233-65, L1233-66 et L1233-67 du Code du travail que : « l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail ».

La Cour de cassation conclue donc que :

«  L’employeur ayant manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail en proposant le contrat de sécurisation professionnelle, ne peut renoncer à cette rupture qu’avec l’accord exprès du salarié  ».

L’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte donc de plein droit rupture de son contrat de travail (dont les effets sont reportés à l’expiration du délai de réflexion), l’employeur ne pouvant renoncer à cette rupture qu’avec l’accord exprès du salarié.

Ainsi, en l’espèce, le salarié ayant adhéré au CSP le 10 janvier 2017, la rupture de son contrat de travail était intervenue à cette date, ses effets étant reportés à l’issue du délai de réflexion, soit le 27 janvier 2017.

Pour renoncer à la rupture du contrat de travail, l’employeur devait donc nécessairement obtenir l’accord exprès du salarié, y compris avant l’expiration du délai de réflexion prévu par les dispositions légales.

Pour la première fois, la Chambre sociale de la Cour de cassation affirme que l’employeur ne peut renoncer unilatéralement à la rupture du contrat de travail d’un salarié ayant adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle.

Kevin Bouleau Avocat au Barreau de Paris Cabinet Ekipe Avocats http://ekipe-avocats.com