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Licenciement : protection du salarié en maladie professionnelle. Par Avi Bitton et Justine Roure, Avocats.
Parution : mardi 21 mars 2023
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En cas de maladie professionnelle, le salarié bénéficie d’une protection spéciale contre le licenciement.
Quelle est cette protection ?
A quelles conditions s’applique-t-elle ?

Le salarié souffrant d’une maladie professionnelle bénéficie, pendant son arrêt de travail, d’une protection particulière contre le licenciement, comme les salariés victimes d’un accident du travail.

La maladie professionnelle est celle découlant de l’exposition du travailleur à un risque à l’occasion de l’activité professionnelle, ou résultant de ses conditions de travail. Elle peut notamment être diagnostiquée en cas de harcèlement moral ou sexuel, de souffrance au travail ou de burn-out (syndrome d’épuisement professionnel).

La protection dont bénéficie le salarié s’applique à tout employeur du secteur privé. Elle n’est subordonnée à aucune condition d’effectif de la société, ni de statut (cadre, employé,...) ni d’ancienneté du salarié [1].

La protection ne joue que si le contrat de travail est suspendu, ce qui implique pour le salarié d’avoir cessé d’exécuter son travail et d’être placé en arrêt de travail.

I. Principe de la protection.

Contrairement à ce que prévoit le Code du travail pour la maladie ou l’accident d’origine non professionnelle (qui n’ouvrent pas droit à une telle protection), en cas de maladie professionnelle, l’employeur ne peut licencier le salarié qu’en cas de :

- faute grave ; ou

- d’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour des motifs étrangers à la maladie professionnelle [2].

Tout licenciement fondé sur un motif autre ne peut être prononcé pendant la période de suspension du contrat de travail, et ce même s’il ne prend effet qu’à l’issue de cette période [3].

Le licenciement prononcé en méconnaissance de cette disposition est frappé de nullité, ce qui entraine :

- soit la réintégration du salarié dans l’entreprise (s’il la demande), avec le versement de tous les salaires entre la date de son licenciement et la date de sa réintégration, ce qui peut souvent être équivalent à environ deux années de salaires (peu importe que le salarié ait perçu entretemps des indemnités de maladie ou des allocations de chômage) ;

- soit le versement d’indemnités pour licenciement nul, qui ne seront pas limitées par le barème des indemnités de licenciement (barème Macron).

Cette protection s’applique également en cas de rupture du contrat de travail pendant la période d’essai [4].

En cas de rupture conventionnelle, celle-ci peut être valablement conclue en cours de suspension d’un contrat de travail pour maladie professionnelle (ou accident du travail), sauf en cas de fraude ou de vice du consentement [5].

II. Conditions de la protection.

Pour bénéficier de cette protection, encore faut-il que l’employeur ait connaissance de l’origine professionnelle de la maladie, cette connaissance s’appréciant lors de l’envoi de la lettre de licenciement [6], ou à l’expiration du délai de réflexion de 21 jours pour adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) en matière de licenciement économique [7].

Concrètement, le salarié aura transmis à son employeur, avant son licenciement, un arrêt de travail accompagné d’un certificat valant demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

La protection joue même si la qualification de la maladie (ou de l’accident) est hypothétique, à partir du moment où le salarié s’en prévaut en versant un arrêt pour maladie professionnelle déclaré comme telle par le médecin auteur du certificat d’arrêt de travail.

Néanmoins, lorsque la caisse de sécurité sociale informe l’employeur de son refus de reconnaître le caractère professionnel de l’affection, alors la protection spéciale est écartée.

Toutefois, cette protection retrouve à s’appliquer dès lors que l’employeur a connaissance du recours exercé par le salarié contre la décision de la CPAM qui rejette la demande de maladie professionnelle.

L’employeur devra alors attendre la décision définitive pour licencier le salarié pour un motif autre que ceux permis par l’article L1226-9 du Code du travail [8].

En ce qui concerne le salarié, il lui sera conseillé d’informer rapidement son employeur de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ou du recours exercé contre une décision défavorable de la CPAM, afin de se prémunir contre un éventuel licenciement.

Avi Bitton et Justine Roure, Avocats au Barreau de Paris Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Cass. soc., 5 nov. 1991, n° 90-44.010.

[2Article L1226-9 du Code du travail.

[3Cass. Soc., 5 juin 1996, n°92-44.140.

[4Cass. soc., 12 mai 2004, n° 02-44.325, n° 870 F - P + B.

[5Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-16.297, n° 1668 FS - P + B + R.

[6Cass. soc., 17 mai 2016, n° 14-23.702.

[7Cass., soc, 14 décembre 2016, n°15.28.891.

[8Cass. soc, 27 avril 1989, n°86-43.972.