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Qu’est-ce qu’un viol incestueux ? Par Avi Bitton, Avocat et Morgane Cadoret, Juriste.
Parution : mardi 28 mars 2023
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Quelle est la définition légale du viol incestueux ?
Par exemple, le viol par un beau-père est-il qualifié d’incestueux ?
Quelles sont les conséquences de la qualification d’inceste par rapport à un viol non-incestueux ?

Le viol incestueux a fait l’objet de plusieurs lois récentes, pour préciser sa définition ou prolonger le délai de prescription [1].

Le livre de Camille Kouchner, La Familia Grande, dans lequel elle relate les faits d’inceste commis sur son frère par Olivier Duhamel, questionne sur le rôle du beau-père dans ces affaires.

Quelle est la définition du viol incestueux dans le Code pénal ?

1. La définition du viol incestueux.

Selon l’article 222-23 du Code pénal, le viol est constitué par tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise.

Par une loi du 21 avril 2021, le législateur est venu consacrer la définition du viol incestueux. Au sens de l’article 222-23-3 du Code pénal, hors le cas prévu à l’article 222-23, constitue un viol incestueux tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de
droit ou de fait.

Le législateur est venu encadrer la qualité des auteurs de viol incestueux lorsque les faits sont commis par :
- Un ascendant ;
- Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu ou une nièce ;
- Le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1er et 2ème ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité à l’une des personnes mentionnées aux mêmes 1er et 2ème, s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

2. L’élément matériel du viol incestueux.

L’élément matériel se divise en deux conditions : une absence de consentement et la qualité de l’auteur
des faits.

2.1. Absence de consentement.

L’absence de consentement se matérialise par une surprise, une menace, une violence ou une contrainte.

Ainsi, il faut démontrer l’existence d’un des quatre critères pour prouver une absence de consentement et donc un viol.

Cependant, par la loi du 21 avril 2021, le viol incestueux déroge à la nécessité de prouver l’absence de consentement du mineur lorsque l’auteur est majeur. En effet, l’absence de consentement sera déduite du contexte de la relation sexuelle. Ces relations, lorsqu’elles ont lieu au sein d’une même famille, par un majeur et sur un mineur, quel que soit son âge (plus ou moins de 15 ans), sont automatiquement criminalisées.

2.2. La qualité de l’auteur des faits.

L’article 222-23-2 du Code pénal donne diverses précisions sur la qualité que doit revêtir l’auteur d’un viol incestueux.

La personne doit être majeure et doit être un ascendant ou tout autre personne mentionnée à l’article à l’article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait.
Cet article dispose que :

« les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis par :
- Un ascendant ;
- Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu ou une nièce ;
- Le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1o et 2o ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité à l’une des personnes mentionnées aux mêmes 1o et 2o, s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait
 ».

Concernant les deux derniers points, une condition supplémentaire est exigée, celle de l’autorité de fait ou de droit sur la victime. La preuve de cette autorité de droit ou de fait vient complexifier la caractérisation de l’infraction.

Un beau-père peut-il être auteur d’un viol incestueux au sens de l’article 222-23-2 ?

Le cas du viol par le beau-père est très répandu en pratique et relève d’un viol incestueux.

En effet, en raison de la place occupée par le beau-père dans un foyer, de son attachement à l’égard des enfants de sa compagne ou son compagne ou encore de son absence de lien du sang, le beau-père dispose d’une autorité de droit ou de fait sur les enfants.

L’autorité de droit ou de fait est une notion laissée à l’appréciation souveraine des juges, qui est souvent reconnu au beau-père dans un foyer [2].

De plus, la mort de la concubine de l’accusé n’a pas pour conséquence immédiate de priver ce dernier de son autorité de fait dont il disposait à l’égard des enfants [3].

Qu’en est-il d’un frère ou d’une sœur ?

Concernant les frères et sœurs, se pose la question de la majorité de l’auteur au moment des faits.

L’article 222-23-2 du Code pénal prévoit le cas d’un viol d’un mineur par un majeur lorsque celui-ci est son ascendant ou d’un viol d’un mineur par toute autre personne mentionné à l’article 222-22-3 du Code pénal. Cet article prévoit le viol incestueux lorsque la relation sexuelle est imposée par le frère ou la sœur de la victime.

Néanmoins, l’article ne précise pas d’exigence de majorité dans cette hypothèse, mais seulement une condition d’autorité de droit ou de fait sur la victime. Le viol d’un frère reste un viol incestueux et sera puni comme tel, quand bien même l’auteur est mineur lors de la commission des faits.

2.3. L’absence de distinction quant à la qualité de la victime.

Une autre particularité tient dans l’absence de distinction entre un mineur de 15 ans et un mineur de plus de 15 ans. La répression est la même. En cas d’inceste, l’absence de consentement est ainsi présumée pour la victime jusqu’à ses 18 ans.

De plus, la clause dite « Roméo et Juliette » n’a pas été retenue par la loi de 2021 pour le viol incestueux.

Pour rappel, cette clause est la condition d’un écart d’âge de 5 ans entre l’auteur majeur et la victime mineure en cas de viol. En deca de cet écart, l’absence de consentement n’est pas déduite de la relation sexuelle mais doit être prouvée, notamment au soutien des quatre critères de l’article 222-23 du Code pénal.

Ainsi, dans l’hypothèse d’un viol incestueux, cette différence d’âge n’est pas requise.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris, et Morgane Cadoret, juriste. Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com],

[1Articles 222-23-2 et 222-23-3 du Code pénal.

[2Cass, Crim, 7 mars 2018, 17-81341 ; Cass, Crim, 19 juin 2019, 19-82774.

[3Cass, Crim, 7 décembre 2005.