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Licencier une salariée enceinte, attention aux risques ! Par Agathe David, Avocat.
Parution : lundi 27 mars 2023
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La salariée qui attend un enfant n’est pas dans l’obligation de prévenir son employeur, néanmoins si elle souhaite bénéficier des dispositions protectrices notamment quant à la rupture de son contrat de travail, elle doit adresser un certificat médical attestant de son état de grossesse et la date présumée de son accouchement.

1. Le principe : protection de la femme enceinte contre le licenciement.

Aux termes des articles L1225-4 et suivants du Code du Travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse, et ce, pendant l’intégralité des périodes de suspension de contrat de travail auxquelles elle a le droit au titre du congé maternité ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes.

Il est donc interdit à l’employeur de résilier le contrat de travail d’une salariée :
- Lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constatée,
- Durant un congé maternité,
- Et pendant les quatre semaines qui suivent l’expiration du congé de maternité.

2. Et même si l’employeur est informé de l’état de grossesse de la salariée après avoir notifié le licenciement.

Aux termes de l’article L1225-5 du même code, le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte.

En revanche, ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l’état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

3. L’exception : impossibilité de maintenir le contrat pour une faute grave ou un motif étranger à la grossesse.

A partir du moment où l’employeur est informé de la grossesse par la salariée, il ne peut donc rompre le contrat de travail que s’il justifie d’une faute grave de la salariée, non liée à son état de grossesse ou d’une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse.

Il en ressort que, dès que l’employeur a connaissance de la grossesse d’une salariée, il ne peut pas la licencier sauf s’il justifie des motifs plus avant exposés.

Il est rappelé que lorsque l’employeur rompt le contrat de travail d’une salariée sans être informé de sa grossesse, celle-ci peut obtenir l’annulation de la rupture en lui adressant, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (Cass. Soc., 16 mars 1994, n°90-42125 ; Cass. Soc., 10 mai 2012, n°11-14338).

Il en ressort, qu’en l’absence de faute grave ou de motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement le licenciement est nul.

Toutefois, il faut préciser que l’état de grossesse peut être une circonstance atténuante dans l’appréciation de la gravité de la faute.

4. Les conséquences de la nullité du licenciement.

La salariée est en droit d’obtenir sa réintégration, si elle la demande.

En conséquence, si la salariée ne demande pas sa réintégration, la nullité du licenciement ouvre droit à :
- L’indemnité légale ou conventionnelle du licenciement,
- Le paiement des salaires pour toute la période couverte par la nullité jusqu’au terme du congé maternité, augmenté de quatre semaines (article L1225-71 du Code du Travail),
- Des dommages-intérêts réparant le caractère illicite du licenciement, au moins égaux à six mois de salaires (Cass. Soc., 23 février 2005, n°03-40241),
- Le paiement de préavis, et ce, même si elle n’est pas en mesure de l’exécuter (Cass. Soc., 5 juin 2001, n°99-41186).

Il est précisé que la période couverte par la nullité du licenciement étant assimilée à du travail effectif, elle ouvre donc droit à une indemnité compensatrice de congés payés (Cass. Soc., 10 novembre 1993, n°89-42302).

Attention, si un conseil de prud’hommes estimait que la faute grave n’est pas constituée, le licenciement serait donc nul et l’employeur serait condamné a minima aux sommes détaillées ci-dessus.

Il en ressort que les conséquences financières peuvent être extrêmement importantes et qu’il convient de se faire assister dans ce genre de cas de figure.

Agathe David, Avocat au Barreau de Paris
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