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Le licenciement pour fin de chantier. Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : lundi 27 mars 2023
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Le contrat de chantier (ou d’opération) est un contrat de travail ayant pour objet la réalisation d’un ouvrage ou de travaux précis, mais dont la durée ne peut pas être préalablement définie avec exactitude, étant liée à un chantier considéré. La fin du chantier permet à l’employeur de procéder au licenciement du salarié pour ce motif.

1/ Rappels sur le contrat de chantier.

Une convention ou un accord collectif de branche étendu peut fixer les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à un contrat conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération [1].

La convention ou l’accord collectif doit alors fixer [2] :
- La taille des entreprises concernées ;
- Les activités concernées ;
- Les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;
- Les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées aux salariés ;
- Les garanties en termes de formation pour les salariés concernés ;
- Les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l’hypothèse où le chantier ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.

A défaut de convention ou d’accord collectif, ce contrat peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017 (principalement le secteur du BTP et de la construction navale).

La particularité du contrat de chantier ou d’opération réside dans le fait qu’il est conclu pour une durée indéterminée [3].

La durée de la période d’essai du contrat de chantier ou d’opération est identique à celle prévue pour les CDI classiques [4], sauf dispositions particulières de la convention collective.

Au-delà, le Code du travail ne prévoit aucune règle particulière sur le contenu du contrat de chantier (durée de travail, préavis, etc.).

2/ Rupture du contrat de chantier.

La rupture du contrat de chantier ou d’opération, qui intervient à la fin du chantier ou une fois l’opération réalisée, repose sur une cause réelle et sérieuse [5].

Ainsi, une cour d’appel ne saurait condamner l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans rechercher si les conditions tenant à l’existence de contrats de chantier et à leur fin n’étaient pas réunies [6].

La rupture du contrat de chantier ou d’opération est soumise aux dispositions relatives au licenciement pour motif personnel [7].

Le licenciement pour fin de chantier ne relève donc pas des dispositions du Code du travail applicables au licenciement pour motif économique.

Comme l’administration l’a précisé depuis longtemps, ne sont pas soumis à la procédure de licenciement pour motif économique les licenciements pour fin de chantier - quel que soit le secteur d’activité - qui revêtent un caractère normal selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de la profession considérée, sauf dérogation déterminée par accord collectif [8].

Dans tous les cas, si une convention ou un accord collectif prévoit des procédures particulières en cas de licenciement pour fin de chantier ou d’opération (ex. la consultation du CSE), ces règles s’imposent à l’employeur.

Le bien-fondé du licenciement prononcé en raison de la survenance de la fin d’un chantier est subordonné à l’existence, dans le contrat de travail, d’une clause précisant que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés [9].

En d’autres termes, il est fondamental de pouvoir déterminer avec précision le ou les chantiers pour lesquels le salarié a été engagé.

En revanche, l’achèvement d’un chantier constitue une cause de licenciement si le contrat a été conclu pour la durée de ce chantier, peu important qu’une durée estimée de ce chantier ait été mentionnée dans le contrat et que cette durée ait été dépassée [10].

Enfin, pour la Cour de cassation, la résiliation de la mission confiée à l’employeur par un client dans le cadre d’un contrat d’assistance technique ne peut pas constituer la fin de chantier permettant de justifier la rupture du contrat de travail du salarié embauché spécialement pour l’exécution de cette mission [11].

Le salarié licencié à l’issue d’un contrat de chantier ou d’opération peut bénéficier d’une priorité de réembauche en CDI de droit commun, si la convention ou l’accord collectif de branche étendu qui permet de recourir à ce type de contrat le prévoit [12].

La convention ou l’accord doit alors fixer le délai et les modalités d’exercice de ce droit.

En conclusion, précisons que lorsque les compressions d’effectifs, par leur nature ou leur ampleur exceptionnelle, dissimulent des motifs économiques et comportent notamment le licenciement d’un personnel permanent (encadrement, spécialistes) appelé à opérer sur des chantiers successifs, celles-ci sont soumises à la procédure de licenciement pour motif économique [13].

Xavier Berjot Avocat Associé Sancy Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

[1C. trav. art. L1223-8.

[2C. trav. art. L1223-9.

[3C. trav. art. L1223-8, al. 3.

[4C. trav. art. L1221-19.

[5C. trav. art. L1236-8.

[6Cass. soc. 16-11-2005, n° 04-44.743.

[7Articles L1232-2 à L1232-6, du chapitre IV, de la section 1 du chapitre V et du chapitre VIII du titre III du Code du travail.

[8Circ. DE-DRT 46 du 1-10-1989.

[9Cass. soc. 6-2-2001, n° 98-45.649.

[10Cass. soc. 15-11-2006, n° 04-48.672.

[11Cass. soc. 9-5-2019, n° 17-27.493.

[12C. trav. art. L1236-9.

[13Circ. DE 46 du 1-10-1989.