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La mise en œuvre du droit de visite en lieu neutre. Par Joanne Elia, Avocate.
Parution : jeudi 30 mars 2023
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Dans le cadre d’une séparation, le juge peut décider qu’un parent exercera le droit de visite sur son enfant dans un espace neutre. Ces espaces neutres sont aussi appelés des espaces de rencontre.
Quelle est la responsabilité de l’Etat en cas de manquements dans la mise œuvre du droit de visite en lieu neutre ?

Selon l’article D216-1 du Code de l’action sociale et des familles :

« L’espace de rencontre est un lieu permettant à un enfant de rencontrer l’un de ses parents ou un tiers, ou de faire l’objet d’une remise à un parent ou à un tiers. Il contribue au maintien des relations entre un enfant et ses parents ou un tiers, notamment en assurant la sécurité physique et morale et la qualité d’accueil des enfants, des parents et des tiers ».

C’est en général le juge qui statuera sur l’affaire qui indiquera dans sa décision le nom de l’association au sein de laquelle le parent concerné devra effectuer son droit de visite, la fréquence (une, deux ou trois fois par mois par exemple), la durée de ce droit de visite (2 ou 3 heures, par exemple) et enfin les modalités de ce droit de visite (avec ou sans sortie du centre, avec ou sans présence d’un tiers).

Il peut arriver que les associations laissent s’écouler quelques mois avant de mettre en place le droit de visite de manière effective. En revanche, la fréquence, la durée et les modalités de ce droit de visite ne peuvent aucunement être modifiés par les associations.

C’est pourtant ce qui est arrivé à un père de famille. En l’occurrence, il devait voir ses enfants entre 1h30 et 3h et il ne les a vu, en réalité, qu’une heure. L’espace de rencontre avait donc réduit la durée du droit de visite d’un père sur ses enfants.

Le père de famille, déconcerté, s’en est alors remis à plusieurs reprises au juge aux affaires familiales sans retour de sa part.

Le père a finalement assigné l’Etat devant le Tribunal judiciaire de Saint-Malo.

Le 7 décembre 2021, l’Etat a été reconnu responsable des dysfonctionnements de l’espace de rencontre.

En effet, l’espace de rencontre est agréé par l’Etat et il est mandaté par l’autorité judiciaire pour exécuter une décision de justice. L’espace de rencontre permet d’assurer une activité destinée à satisfaire un besoin d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et il participe ainsi au service public de la justice.

A notre sens, cette décision est importante car elle est l’une des rares à reconnaître la responsabilité de l’Etat dans l’hypothèse d’une modification du droit de visite par un espace de rencontre.

La mise en œuvre partielle du droit de visite d’un parent et l’absence de réponse du juge aux affaires familiales au courrier du père relatant ses difficultés de mise en œuvre du droit de visite constitue un déni de justice.

L’espace de rencontre a décidé de diminuer la durée des visites unilatéralement, prérogative qui appartient seule au juge aux affaires familiales et en aucun cas aux espaces de rencontre.

Le père, de son côté, avait prévenu le juge de ces difficultés et de la réduction de son droit de visite à plusieurs reprises, cependant ce dernier n’a pas répondu. Le juge aurait dû analyser la situation et y remédier.

Ainsi, il est important de retenir qu’un espace de rencontre ne peut en aucun cas modifier la durée, la fréquence ou les modalités de visite indiquées dans un jugement rendu par le juge aux affaires familiales.

Joanne Elia Avocate en droit de la famille, associée du cabinet Eiffel Avocats Barreau de Paris