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Détecteur de métaux, « trésor » et réglementation. Par Romain Darriere, Avocat et Henri de Charon, Juriste.
Parution : vendredi 31 mars 2023
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On entend bien des choses au sujet des détecteurs de métaux, l’idée la plus répandue étant que leur libre usage, sans autorisation préalable, serait interdit.
Or, quoi de mieux qu’un détecteur de métaux pour découvrir un trésor ?
Féru de technologies, nouvelles comme anciennes, le cabinet s’est penché sur la réglementation applicable à la détection.

Qu’est-ce qu’un « trésor » ?

Aux termes du premier alinéa de l’article 716 du Code civil, un trésor désigne « […] toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard ».

Il convient de bien comprendre ce qu’implique cette définition, car chaque terme a son importance.

« Toute chose ».

La notion de « chose » au sens de l’article 716 du Code civil désigne une chose meuble, susceptible d’être déplacée, ce qui exclut en conséquence les immeubles.

C’est du moins ce qu’a retenu la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juillet 2017 en jugeant que seules peuvent recevoir la qualification de trésor « les choses corporelles matériellement dissociables du fonds dans lequel elles ont été trouvées et, comme telles, susceptibles d’appropriation ».

« Cachée ou enfouie ».

Une chose cachée ou enfouie est une chose qui a été dissimulée au regard d’autrui, volontairement ou non, que ce soit dans un immeuble, dans le sol ou un mur, ou dans un autre meuble tel qu’une commode ou une gazinière, pourvu que cette chose soit invisible à l’œil nu.

Ainsi et pour exemple, un tableau pourra être considéré comme un trésor s’il est découvert dans un faux plafond alors que ce même tableau ne sera pas considéré comme tel s’il est découvert dans un recoin du grenier, posé contre le mur et à même le sol.

« Sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété ».

Pour être juridiquement qualifiée de « trésor », la chose ne doit pas avoir de propriétaire connu.

Il doit ainsi s’agir d’une chose sans maître, mais néanmoins appropriable.

Si le véritable propriétaire de la trouvaille est en mesure de rapporter la preuve de son droit de propriété au moyen de factures, de certificats d’authenticité, ou de tout autre documentation historique, il pourra alors agir en revendication et en exiger la restitution.

Naturellement, il ne suffit pas de l’affirmer.

La propriété sur une chose doit être dûment démontrée, comme l’a jugé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 janvier 1968.

Plus récemment, le 19 novembre 2019, dans une affaire qui concernait la découverte de lingots d’or dans une cuisinière récemment acquise, la première chambre civile de la Cour de cassation a encore rappelé que ces lingots ne pouvaient « constituer un trésor » dès lors que les vendeurs de la cuisinière étaient parvenus à prouver qu’ils en étaient propriétaires.

« Découverte par le pur effet du hasard ».

Enfin, la chose doit avoir été découverte « fortuitement ».

Ainsi, la découverte de pièces d’or et d’argent enfouies dans le sol est bien un « trésor » dès lors que cette découverte a été réalisée par des ouvriers travaillant pour le compte d’une commune, à l’occasion de travaux n’ayant pas été menés à cette fin.

De fait, le magot a alors été découvert « par le pur effet du hasard ».

Cette condition du hasard constitue une spécificité française. La législation britannique, par exemple, admet qu’on puisse rechercher activement un « trésor ».

Mais qu’en est-il de l’usage d’un détecteur de métaux ? L’emploi d’un tel outil exclut-il nécessairement l’application de l’article 716 du Code civil ?

L’usage d’un détecteur de métaux et l’application de l’article 716 du Code civil.

L’usage d’un détecteur de métaux, qui contrairement à une idée fort répandue n’est pas interdit mais très encadré, fait-il obstacle à la qualification de « trésor » ?

La jurisprudence diverge à ce sujet.

Dans un arrêt du 2 novembre 2022, le Conseil d’état a en effet jugé que les découvertes réalisées au moyen d’un détecteur ne peuvent être reconnues comme fortuites, puisque les découvertes fortuites sont « nécessairement des découvertes involontaires nées de travaux ou d’un fait quelconque » alors que « l’utilisation d’un détecteur de métaux démontre la volonté de trouver des objets ».

En considérant que la seule utilisation d’un détecteur exclut tout notion de hasard, la haute juridiction administrative adopte une approche purement matérielle de la question.

Cette position radicale ne semble cependant pas être celle choisie par l’ordre judiciaire, qui apprécie les faits de façon plus subtile et nuancée.

Ainsi, la Cour d’appel d’Agen a récemment dû se prononcer sur la notion de trésor, dans une affaire impliquant deux individus ayant découvert des monnaies anciennes sur le fonds d’un tiers, à l’aide d’un détecteur de métaux.

Dans un arrêt du 11 janvier 2023, la cour a jugé que cette découverte ne pouvait être considérée comme « fortuite » dès lors que ces individus avaient reconnu, dans un courriel versé aux débats, être à la recherche d’un « possible dépôt » à la suite de la découverte préalable de monnaies sur le site.

Les détectoristes recherchaient donc délibérément des pièces antiques dont ils soupçonnaient la présence, compte tenu de découvertes antérieures.

Cette approche très pragmatique est intéressante et devrait permettre, selon nous, de réconcilier les détectoristes avec l’article 716 du Code civil.

En effet, quid du cas bien précis dans lequel une personne découvrirait une pièce antique alors qu’elle était en train d’utiliser un détecteur de métaux pour retrouver un objet perdu lui appartenant ou appartenant à l’un de ses proches (une alliance, par exemple) ?

Dans cette hypothèse, le détecteur de métaux serait bien utilisé pour chercher un objet identifié, n’ayant aucun lien avec la pièce antique.

Dans ces conditions, la découverte de la pièce enfouie serait bien fortuite. Cette pièce devrait donc raisonnablement être qualifiée de « trésor ».

En conclusion, l’usage d’un détecteur de métaux ne semble donc pas, de facto, exclure l’application de l’article 716 du Code civil. Tout est question de contexte et de présentation des faits. La discrétion est en tout état de cause conseillée.

Compte tenu de la relative complexité du sujet, le recours aux conseils d’un avocat peut s’avérer utile.

Romain Darriere, Avocat au Barreau de Paris Henri de Charon, Juriste Cabinet d'avocats Romain Darriere www.romain-darriere.fr