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Outrage sexiste et sexuel : aggravation des sanctions au 1e avril 2023. Par Patrick Lingibé, Avocat.
Parution : vendredi 31 mars 2023
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Cet article présente les nouvelles sanctions prévues pour l’outrage sexiste et sexuel non aggravé et aggravé suite au décret du 30 mars 2023.

Un décret n° 2023-227 du 30 mars 2023 relatif à la contravention d’outrage sexiste et sexuel a été publié au Journal Officiel du vendredi 31 mars 2023.

Les dispositions de ce décret entrent en vigueur à compter du samedi 1er avril 2023.

L’outrage sexiste est le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Cette infraction a été créée par l’article 15 de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Comme l’indique le projet de loi présenté en 2018 par Nicole Belloubet et et Marlène Schiappa, « la définition de l’outrage sexiste est directement inspirée de celle du délit de harcèlement sexuel, mais sans l’exigence de répétition des faits, qui interdit actuellement de réprimer des actes commis de façon isolée » (rapport n° 778 enregistré le 21 mars 2018 du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes).

Dans l’incrimination visée à l’origine, ces faits constituaient selon les cas une contravention de la quatrième classe, punie d’une amende maximale de 750 €, mais pouvant faire l’objet de la procédure simplifiée de l’amende forfaitaire, pouvant donner lieu à une amende minorée de 90 €, ou, s’il sont commis avec certaines circonstances aggravantes, une contravention de la cinquième classe punie d’une amende maximale de 1 500 €, ou de 3 000 € en cas de récidive.

Entrent ainsi dans cette incrimination pénale le fait de tenir des propos à connotation sexuelle sur une femme qui passe dans la rue ou lui faire encore des propositions sexuelles. Cette infraction vise à protéger les victimes de toute remarque ou propos connoté sur notamment leur manière d’être, y compris sur leur lieu de travail.

Le décret du 30 mars 2023 renforce la répression de cette infraction contraventionnelle et augmentant la sanction financière.

En premier lieu, il convient de rappeler que l’article 14 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a érigé en délit à compter du samedi 1er avril 2023 l’outrage sexiste et sexuel aggravé qui était jusqu’à cette date une contravention de 5ème classe.

L’article 222-33-1-1. du code pénal dispose :

« I.- Est puni de 3 750 euros d’amende le fait, hors les cas prévus aux articles 222-13,222-32,222-33,222-33-2-2 et 222-33-2-3, d’imposer à une personne tout propos ou tout comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, lorsque ce fait est commis :
1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

2° Sur un mineur ;

3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur ;

4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;

5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou au transport public particulier ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

7° En raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime ;

8° Par une personne déjà condamnée pour la contravention d’outrage sexiste et sexuel et qui commet la même infraction en étant en état de récidive dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11.

II.- Pour le délit prévu au I du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros ».

Il convient de relever que dans cet article le législateur complété la liste des circonstances aggravantes en y ajoutant trois catégories de faits, à savoir :

Ceux commis sur un mineur, quel que soit son âge et non plus uniquement à l’encontre d’un mineur de 15 ans.

Ceux commis dans un véhicule affecté au transport public particulier et non plus uniquement dans les transports collectifs.

Ceux commis en raison de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime faits commis en état de récidive.

En deuxième lieu, ce décret insère dans le code de procédure pénale un nouvel article R. 49-6-2 fixant à 150 € le montant de l’amende forfaitaire minorée applicable aux contraventions de 5ème classe.

Il convient sur ce point de rappeler pour une meilleure compréhension les différences entre les amendes qui sont de trois natures.

On parle d’amende forfaitaire lorsqu’il s’agit du montant standard prévu pour une contravention suivant une grille préétabli. Ainsi un procès-verbal pour une infraction de quatrième classe correspondant à une amende s’élevant à 135 euros.

Cette amende est dite amende minorée lorsque l’amende due est régler à un montant inférieur à celui du pour l’amende forfaitaire. Ce dispositif récompense le contrevenant qui paye rapidement son amende forfaitaire. Ainsi, dans notre exemple de contravention de de quatrième classe de 135 euros, l’amende minorée que paiera le contrevenant sera de 90 € au lieu de 135 euros initialement dus.

On parle enfin d’amende majorée en cas de retard de paiement de la contravention. Dans ces cas, le montant de l’amende augmente en fonction de l’infraction commise. Ainsi, pour un procès-verbal de quatrième classe, l’amende majorée passe ainsi à 375 €.

En troisième lieu et cela a une importance, le décret élève la sanction de l’infraction contraventionnelle d’outrage sexiste et sexuel non aggravée définie par l’article 621-1 du code pénal. Elle passe ainsi de la quatrième classe (amende forfaitaire de 135 euros) à la cinquième classe (1 500 euros).

Patrick Lingibé Membre du Conseil National des barreaux Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France Avocat associé Cabinet Jurisguyane Spécialiste en droit public Diplômé en droit routier Médiateur Professionnel Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM) www.jurisguyane.com