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La protection de la population civile face aux cyberopérations militaires. Par Paulin Bouda, Etudiant.
Parution : jeudi 13 avril 2023
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« Dans le passé, la technologie a été un bienfait pour l’homme, maintenant elle devient un danger. Même en temps de paix elle commence à détruire la terre ». Ces propos d’Edward Bond, illustrent parfaitement le débordement de la technologie. Ce débordement n’est pas sans précédent et s’étend aussi bien dans le domaine de la technologie que dans le domaine du cyberespace.

Comme l’espace terrestre, maritime, aérien ou spatial, celui-ci peut faire l’objet d’opérations hostiles entre états mais également de la part de groupes non-étatiques qui ont également accès à cet espace et peuvent y mener des attaques [1].

Ces cyberopérations causes des préjudices à la population civile. Il peut s’agir d’entraver les services de secours dans leur travail vital ou perturber le fonctionnement d’infrastructures essentielles telles que les barrages, les centrales nucléaires et les systèmes de pilotage des avions. Le bien-être, la santé, voire la vie de centaines de milliers de personnes sont en jeu. Nous voilà au cœur d’une réflexion qui nous semble nécessaire sur

« les mesures que les états devraient mettre en place pour éviter ou réduire le risque de dommages civils résultant de cyberopérations pendant les conflits armés ».

Lors d’une interview le 16 Août 2011, Cordula Droege, conseillère juridique au CICR, définit une cyberopération comme

« des opérations dirigées contre un réseau informatique, ou par le biais de ceux-ci, grâce à des flux de données. De telles opérations peuvent poursuivre des objectifs divers, comme infiltrer un système informatique pour collecter, exporter, détruire, altérer et crypter des données, ou pour déclencher, détourner ou manipuler de toute autre manière des processus contrôlés par le système infiltré. Cette technologie peut être utilisée en situation de guerre et, dans des circonstances données, certaines de ces opérations peuvent constituer des attaques au sens du droit international humanitaire ».

En effet, selon la doctrine ces opérations peuvent constituer des attaques au sens du droit international humanitaire au regard du principe de la prohibition de la force consacré par la charte des Nations-Unies en son article 2 (4). Notons que ce principe a fait également objet de plusieurs jurisprudences notamment celle de 1986 concernant les activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.

Ainsi, pour les rédacteurs du Manuel de Tallinn,

« une cyberopération constitue un usage de la force lorsque ses dimensions et ses effets sont comparables à ceux d’une opération non-cyber atteignant le niveau d’un usage de la force » [2].

Alors, lorsque les effets produits par des cyberopérations pendant les conflits armés atteignent le niveau d’un usage de la force, les risques de dommages civils sont évidents. En effet, le recours aux cyberopérations en tant que moyen ou méthode de guerre dans un conflit armé entraîne un risque réel de dommages pour la population civile [3].

Bien qu’il n’y a pas de vide juridique, à ce jour, il n’existe aucun texte ou corps de règles régissant le cyberespace. C’est pourquoi nous nous posons la problématique suivante : quelles sont les mesures que les états peuvent mettre en place pour éviter ou limiter les risques de dommages civils résultant des cyberopérations militaires pendant les conflits armés ?

Les dommages causés par des cyberopérations pendant les conflits armés sont de plus en plus considérables.

Pour réduire ou éviter les dommages résultants des cyberopérations pendant les conflits armés notre études consistera à proposer des solutions d’une part juridique et politique et d’autre part techniques et plus encore :

1. D’un point de vue juridique et politique.

Les états peuvent concevoir des normes internationales claires et précises pour la protection des civils contre les effets des cyberopérations et adopter une convention pour contrôler l’usage des cyberopérations pendant les conflits armés afin de limiter ou réduire les dommages civils.

Ces deux premières solutions consistent à créer un corpus juridique pour régir le domaine du cyberespace.

Cependant à défaut de cela les états peuvent étendre d’un commun accord l’application du droit international humanitaire au cyberespace par le renforcement du cadre juridique existant à travers des mesures strictes imposant le respect du droit de la guerre dans les cyberopérations.

2. D’un point de vue technique et plus encore.

Face à la vulnérabilité des structures médicales devant les cyberattaques, les gouvernements du monde peuvent prendre des mesures pour cesser les cyberopérations hostiles ou malveillantes contre le secteur médical en temps de paix comme en temps de guerre [4] et restreindre le domaine de la cyberopération aux seuls objectifs militaires afin de réduire les dommages civils [5].

Il sera aussi très important de faire des sensibilisations sur les risques et dommages résultants des cyberopérations pendant les conflits armés aussi bien dans les états que dans toutes les bases militaires.

Des conventions peuvent être adoptées dans le but de réduire ou limiter la capacité de dangerosité des machines électroniques utilisées dans le cyberspace pendant les conflits armés. Les peuvent sensibiliser la population sur les méthodes de cybersécurités et former les militaires internationaux dans le domaine de la cyberopération à l’image des casques bleus.

En somme, nous pensons que les principes du droit international humanitaire peuvent s’appliquer selon que les cyberopérations aient lieu pendant un conflit armé international ou un conflit armé non international. Il s’agira en effet, d’aller dans le sens des quatre conventions de Genève et des protocoles additionnels et en faire une transposition au niveau du cyberspace.

Ainsi, dans l’esprit de la quatrième Convention de Genève de 1949, les populations bénéficient d’une protection générale pendant la guerre. Il en est de même des principes de distinction, de précaution et de proportionnalité qui doivent être pris en compte dans le cadre des attaques dans le cyberspace. Pour ce qui est des conflits armés - non international -, un standard minimum de droit et de protection doit être garanti.

Paulin Bouda, Etudiant en droit public et relations internationales

[1Camille Rabussier, l’application du droit international dans le cyberspace, mémoire de master 2 droit comparé, université Paris II Panthéon Ass, 2018-2019, p.3.

[2Tallinn Manual, Rule 11- Définition of une force « A cyber opération constitues a use of force when it’s scale and effects are comparable to non-cyber opérations rising to the level of a use force ».

[3Position du CICR, le droit international humanitaire et les cyberopérations pendant les conflits armés, novembre 2019, p.11.