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Le statut juridique des influenceurs : enjeux et responsabilités. Par Noémie Le Bouard, Avocat.
Parution : vendredi 14 avril 2023
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Dans cet article, nous explorons les enjeux juridiques et les responsabilités qui découlent du statut des influenceurs, des acteurs incontournables dans le paysage médiatique et marketing actuel.

Nous abordons les questions liées au statut professionnel des influenceurs, à leurs relations contractuelles avec les marques, les agences de communication et les plateformes de diffusion, ainsi qu’à leurs obligations en matière de transparence, de publicité et de protection des consommateurs, mineurs et publics vulnérables.

Nous examinons également les enjeux liés aux droits d’auteur et à la propriété intellectuelle, ainsi que les défis éthiques et déontologiques auxquels les influenceurs sont confrontés.

Enfin, nous évoquons les perspectives d’évolution de la régulation du secteur de l’influence marketing et l’importance d’une coopération entre les acteurs concernés pour garantir l’équilibre entre la liberté d’expression et de création, les intérêts des marques et des consommateurs, et la protection des valeurs éthiques et déontologiques.

Dans un monde de plus en plus connecté, les influenceurs ont pris une place prépondérante sur les réseaux sociaux et les plateformes de diffusion en ligne. Ils partagent avec leur public des conseils, des recommandations et des expériences dans divers domaines tels que la mode, le sport, la cuisine ou encore le voyage. Par le biais de leur audience, ces influenceurs exercent un pouvoir considérable sur les choix et les comportements de consommation de leurs abonnés, et attirent ainsi l’attention des marques et des entreprises qui souhaitent bénéficier de leur notoriété pour promouvoir leurs produits ou services.

L’essor rapide du phénomène des influenceurs et leur impact grandissant sur la société et l’économie soulèvent de nombreuses questions juridiques. En effet, les activités des influenceurs sont susceptibles de générer des conflits d’intérêts, d’engendrer des atteintes à la vie privée ou encore de provoquer des violations des droits d’auteur et de la propriété intellectuelle. Par conséquent, il est essentiel de mettre en place un cadre juridique adapté qui permette de réguler ces activités et de prévenir les abus tout en protégeant les droits et les intérêts des différentes parties concernées, qu’il s’agisse des influenceurs eux-mêmes, des marques, des consommateurs ou des autres acteurs du secteur.

Face à ces enjeux, l’objectif de cet article est d’analyser le statut juridique des influenceurs en mettant en lumière les principales responsabilités qui leur incombent. Pour ce faire, nous examinerons les différentes catégories d’influenceurs et les relations contractuelles qu’ils entretiennent avec les marques, les agences de communication et les plateformes de diffusion. Nous aborderons également les responsabilités civiles, pénales, fiscales et sociales des influenceurs, ainsi que les obligations en matière de transparence et de publicité auxquelles ils sont soumis.

Enfin, nous nous pencherons sur les enjeux éthiques et déontologiques liés à l’exercice de cette activité, ainsi que sur les perspectives d’évolution de la régulation dans ce domaine.

I. Les différentes catégories d’influenceurs.

A. Les influenceurs professionnels.

Les salariés.

Certaines personnalités influentes sur les réseaux sociaux peuvent être considérées comme des salariés, notamment lorsqu’elles sont employées par une marque, une agence de communication ou une entreprise pour promouvoir des produits ou services. Dans ce cas, les influenceurs salariés sont soumis aux dispositions du Code du travail français, notamment en ce qui concerne les règles relatives au contrat de travail, à la durée du travail, aux congés payés, aux conditions de rémunération et à la protection sociale [1].

En tant que salariés, ces influenceurs sont liés par un lien de subordination juridique à leur employeur, qui a le pouvoir de donner des instructions, de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements éventuels. Ils bénéficient également des droits et protections accordés aux salariés, tels que le droit à la représentation collective, la protection contre le licenciement abusif ou encore l’accès à la formation professionnelle [2].

Les travailleurs indépendants.

D’autres influenceurs choisissent d’exercer leur activité en tant que travailleurs indépendants. Ils ne sont alors pas soumis au statut de salarié et ne bénéficient pas des mêmes droits et protections que ceux-ci. Les travailleurs indépendants sont généralement immatriculés en tant qu’auto-entrepreneurs (régime micro-entrepreneur), professions libérales non réglementées ou en société [3].

En tant que travailleurs indépendants, les influenceurs sont responsables de la gestion de leur activité, de leur comptabilité et de leurs obligations fiscales et sociales. Ils doivent s’acquitter des cotisations sociales auprès de l’Urssaf ou de la Caisse nationale des professions libérales, selon leur statut [4]. De plus, ils sont soumis à la réglementation relative à la protection des données personnelles [5].

B. Les influenceurs non professionnels.

Les influenceurs non professionnels sont ceux qui exercent une activité d’influence à titre accessoire, sans en tirer un revenu régulier ou significatif. Ces influenceurs ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les influenceurs professionnels en matière de déclaration d’activité, de comptabilité ou de cotisations sociales. Toutefois, ils doivent veiller à respecter certaines règles, notamment en matière de publicité et de transparence, lorsqu’ils concluent des partenariats rémunérés avec des marques [6].

C. Les distinctions légales entre les catégories.

La distinction entre les influenceurs professionnels et non professionnels est importante, car elle détermine le régime juridique applicable à leurs activités et les responsabilités qui leur incombent. En particulier, les influenceurs professionnels sont soumis à des obligations plus strictes en matière de déclaration d’activité, de comptabilité, de cotisations sociales et de respect des règles de la concurrence [7].

En outre, les influenceurs professionnels doivent veiller à respecter les obligations spécifiques à leur statut, qu’ils soient salariés ou travailleurs indépendants. Par exemple, les influenceurs salariés doivent se conformer aux directives de leur employeur et respecter les règles relatives au temps de travail, tandis que les influenceurs indépendants doivent assumer la responsabilité de leur activité et de leurs obligations fiscales et sociales.

La distinction entre influenceurs professionnels et non professionnels a également des conséquences sur la responsabilité civile et pénale des influenceurs. En effet, les influenceurs professionnels peuvent être tenus pour responsables des dommages causés à des tiers dans l’exercice de leur activité, notamment en cas de manquement à leur obligation d’information et de conseil, de publicité trompeuse ou de violation des droits d’auteur et de la propriété intellectuelle [8].

Les influenceurs non professionnels, quant à eux, peuvent également être tenus pour responsables en cas de manquement à leurs obligations, notamment en matière de publicité et de transparence. Toutefois, leur responsabilité sera généralement appréciée au regard de leur qualité de non-professionnel et de leur connaissance limitée des règles applicables à leur activité.

II. Les relations contractuelles des influenceurs.

A. Les contrats de partenariat avec les marques.

Les clauses essentielles.

Les contrats de partenariat entre les influenceurs et les marques sont essentiels pour définir les modalités de collaboration et les droits et obligations de chaque partie. Les clauses essentielles d’un contrat de partenariat incluent généralement :

Les obligations des parties.

Dans le cadre d’un contrat de partenariat, les influenceurs et les marques ont des obligations réciproques. Les influenceurs doivent notamment :

De leur côté, les marques ont l’obligation de :

B. Les contrats avec les agences de communication.

Les influenceurs peuvent également nouer des relations contractuelles avec des agences de communication, qui agissent en tant qu’intermédiaires entre eux et les marques. Ces contrats peuvent prévoir des clauses relatives à la représentation de l’influenceur, à la recherche de partenariats, à la négociation des contrats et à la gestion de leur image [20].

Les agences de communication ont l’obligation d’agir dans l’intérêt de l’influenceur et de respecter les règles déontologiques et professionnelles applicables à leur activité [21]. Elles doivent également veiller à la confidentialité des informations relatives à l’influenceur et à ses partenariats [22].

De leur côté, les influenceurs ont l’obligation de collaborer de bonne foi avec les agences de communication, de fournir les informations et les éléments nécessaires à la réalisation des missions confiées et de respecter les engagements pris dans le cadre des contrats négociés par l’agence [23].

C. Les contrats avec les plateformes de diffusion.

Enfin, les influenceurs sont liés par des contrats avec les plateformes de diffusion sur lesquelles ils publient leurs contenus, telles que YouTube, Instagram, Facebook ou TikTok. Ces contrats, généralement appelés "conditions d’utilisation" ou "conditions générales d’utilisation" (CGU), définissent les droits et obligations de chaque partie et les règles applicables à la publication et à la monétisation des contenus [24].

Les plateformes de diffusion ont notamment l’obligation de :

Les influenceurs, quant à eux, ont l’obligation de :

En somme, les relations contractuelles des influenceurs avec les marques, les agences de communication et les plateformes de diffusion sont encadrées par des règles juridiques précises qui déterminent les droits et obligations de chaque partie. Les influenceurs doivent veiller à la conformité de leurs contrats avec la législation en vigueur et s’assurer de respecter les engagements pris dans le cadre de leurs partenariats. De même, les marques, les agences et les plateformes ont la responsabilité de respecter les droits des influenceurs et de garantir un cadre légal et éthique pour l’exercice de leurs activités.

III. Les responsabilités des influenceurs.

A. La responsabilité civile.

Les obligations d’information et de conseil.

Les influenceurs ont des obligations d’information et de conseil envers leur audience, notamment lorsqu’ils présentent ou recommandent des produits ou des services [31]. Ils doivent veiller à ce que les informations qu’ils diffusent soient exactes, complètes et conformes à la réalité, et à informer clairement leur audience de la nature commerciale de leur contenu, conformément aux règles en matière de publicité et de transparence [32].

La responsabilité en cas de manquement.

En cas de manquement à leurs obligations d’information et de conseil, les influenceurs peuvent engager leur responsabilité civile et être tenus de réparer les préjudices subis par les victimes [33]. Les victimes peuvent notamment demander réparation pour des dommages matériels (tels que la perte d’un bien ou d’une somme d’argent) ou des dommages moraux (tels que l’atteinte à la réputation ou à l’image) [34]. Les influenceurs peuvent également être tenus responsables en cas de manquement à leurs obligations contractuelles, notamment envers les marques, les agences de communication ou les plateformes de diffusion [35].

B. La responsabilité pénale.

Les infractions liées à la publicité trompeuse.

Les influenceurs peuvent engager leur responsabilité pénale en cas de publicité trompeuse ou de pratique commerciale déloyale [36]. La publicité trompeuse est caractérisée par la diffusion d’informations fausses ou de nature à induire en erreur, et peut entraîner des sanctions pénales, notamment des amendes et des peines d’emprisonnement [37].

Les infractions liées à la diffamation et à l’atteinte à la vie privée.

Les influenceurs peuvent également être tenus pour responsables pénalement en cas de diffamation, d’injure ou d’atteinte à la vie privée [38]. La diffamation consiste à imputer à une personne des faits qui portent atteinte à son honneur ou à sa considération, tandis que l’injure consiste à proférer des propos outrageants ou méprisants [39]. Les atteintes à la vie privée peuvent prendre la forme de la divulgation d’informations confidentielles, de la violation du secret des correspondances ou de l’enregistrement illégal d’images ou de sons [40]. Ces infractions sont passibles de sanctions pénales, notamment des amendes et des peines d’emprisonnement [41].

C. La responsabilité fiscale et sociale

Les obligations fiscales des influenceurs.

Les influenceurs, en tant que professionnels ou travailleurs indépendants, sont soumis à des obligations fiscales en vertu du Code général des impôts. Ils doivent notamment déclarer leurs revenus issus de leur activité d’influenceur et s’acquitter des impôts et taxes correspondants [42]. Les revenus des influenceurs peuvent être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) ou des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), selon la nature de leur activité et la forme juridique de leur entreprise [43].

Les influenceurs doivent également respecter les obligations en matière de facturation et de comptabilité, notamment en ce qui concerne la tenue des livres comptables, la conservation des documents et la déclaration des factures [44].

Les cotisations sociales.

Les influenceurs, en tant que travailleurs indépendants, sont également soumis à des obligations en matière de cotisations sociales. Ils doivent s’affilier à un régime de sécurité sociale (le régime général ou le régime des travailleurs indépendants, selon leur statut) et s’acquitter des cotisations sociales correspondant à leur activité [45].

Ces cotisations sociales couvrent notamment les prestations en matière de maladie, de maternité, de vieillesse, d’invalidité et de décès [46]. Les influenceurs doivent veiller à déclarer leurs revenus et à payer leurs cotisations sociales dans les délais impartis, sous peine de sanctions financières et administratives [47].

En conclusion, les influenceurs sont soumis à des responsabilités juridiques diverses, qui couvrent aussi bien la responsabilité civile que la responsabilité pénale et la responsabilité fiscale et sociale. Ils doivent veiller à respecter leurs obligations en matière d’information, de conseil, de publicité, de diffamation, d’atteinte à la vie privée, de fiscalité et de cotisations sociales, afin d’éviter les sanctions et les conséquences juridiques qui pourraient découler de leurs manquements. Adopter un comportement responsable et éthique est essentiel pour les influenceurs afin de préserver leur réputation et la confiance de leur audience, ainsi que pour assurer le respect des droits des marques, des agences de communication, des plateformes de diffusion et des autres acteurs impliqués dans leur activité.

IV. La régulation et le contrôle des activités des influenceurs.

A. Les obligations en matière de transparence et de publicité.

La mention « publicité » ou « partenariat ».

Les influenceurs sont tenus de respecter les obligations en matière de transparence et de publicité imposées par le Code de la consommation [48]. En particulier, ils doivent clairement indiquer la nature commerciale de leur contenu lorsqu’ils présentent ou recommandent des produits ou des services en échange d’une rémunération ou d’autres avantages [49]. Cette obligation se traduit par l’apposition de mentions telles que « publicité », « partenariat », « sponsorisé » ou « en collaboration avec » sur les publications concernées.

Les recommandations de l’ARPP et du CSA.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) ont également émis des recommandations à destination des influenceurs afin d’encadrer leurs pratiques publicitaires et d’assurer le respect des règles de transparence et d’éthique. Ces recommandations portent notamment sur la distinction entre les contenus éditoriaux et les contenus publicitaires, la protection des mineurs, la véracité des informations diffusées et le respect des droits d’auteur et de la propriété intellectuelle [50].

B. Les sanctions en cas de non-respect des règles.

En cas de non-respect des obligations en matière de transparence et de publicité, les influenceurs s’exposent à des sanctions civiles, pénales et administratives. La responsabilité civile des influenceurs peut être engagée en cas de manquement à leurs obligations d’information et de conseil, ce qui peut entraîner des dommages et intérêts en faveur des victimes [51].

Sur le plan pénal, les influenceurs peuvent être sanctionnés pour publicité trompeuse, pratique commerciale déloyale, diffamation, injure ou atteinte à la vie privée, selon les infractions commises [52]. Les sanctions pénales peuvent inclure des amendes, des peines d’emprisonnement et des mesures complémentaires, telles que la confiscation de biens, la fermeture d’établissements ou l’interdiction d’exercer certaines activités [Articles L121-6 et L213-1 du Code de la consommation et articles 32, 33 et 226-1 et suivants du Code pénal.]].

Enfin, les influenceurs peuvent être soumis à des sanctions administratives, notamment en cas de non-respect des recommandations de l’ARPP et du CSA ou de manquement à leurs obligations fiscales et sociales. Les sanctions administratives peuvent inclure des mises en demeure, des injonctions de cesser des pratiques illicites, des amendes administratives ou la suspension de certains droits et avantages [53].

C. Les perspectives d’évolution de la régulation.

La régulation et le contrôle des activités des influenceurs sont des enjeux majeurs face à l’essor de ce secteur et à l’impact croissant de ces acteurs sur les comportements des consommateurs. Les pouvoirs publics, les autorités de régulation et les acteurs concernés (influenceurs, marques, agences de communication, plateformes de diffusion) doivent travailler conjointement pour renforcer et adapter le cadre juridique en vigueur, afin de garantir la transparence, la protection des consommateurs et la loyauté des pratiques publicitaires.

Parmi les pistes d’évolution envisagées, on peut citer la création d’un statut spécifique pour les influenceurs, qui permettrait de mieux définir leurs obligations et responsabilités en tenant compte des spécificités de leur activité. Une telle évolution pourrait s’accompagner de la mise en place d’un régime de certification ou de labellisation, qui garantirait le respect des règles de transparence, d’éthique et de déontologie par les influenceurs certifiés ou labellisés.

De plus, les autorités de régulation, telles que l’ARPP et le CSA, pourraient être dotées de pouvoirs de contrôle et de sanction renforcés, afin de veiller au respect des règles en matière de publicité, de transparence et de protection des consommateurs. Les sanctions pourraient être harmonisées et graduelles, en fonction de la gravité des manquements constatés et de la récurrence des infractions.

Enfin, la coopération entre les différents acteurs concernés (influenceurs, marques, agences de communication, plateformes de diffusion) doit être encouragée et renforcée, notamment à travers la mise en place de chartes de bonnes pratiques, de codes de conduite ou de formations spécifiques, afin de favoriser l’émergence d’une culture de responsabilité et d’éthique au sein de la profession d’influenceur.

En conclusion, la régulation et le contrôle des activités des influenceurs sont des enjeux cruciaux pour assurer la transparence, la loyauté et la protection des consommateurs dans le secteur de l’influence marketing. La mise en place d’un cadre juridique adapté, de mécanismes de contrôle et de sanction efficaces, ainsi que la coopération entre les acteurs concernés sont autant de leviers pour répondre à ces défis et garantir le développement harmonieux et responsable de ce secteur en pleine expansion.

V. Les droits d’auteur et la propriété intellectuelle.

A. Les droits d’auteur des influenceurs sur leurs créations.

Les influenceurs, en tant que créateurs de contenu, bénéficient de la protection des droits d’auteur prévus par le Code de la propriété intellectuelle [54]. Leurs œuvres originales, telles que les textes, les photographies, les vidéos, les illustrations ou les musiques, sont protégées dès lors qu’elles sont le fruit de leur esprit créatif et qu’elles revêtent un caractère individuel.

Les droits d’auteur confèrent aux influenceurs un ensemble de droits exclusifs sur leurs créations, notamment le droit de reproduction, le droit de représentation, le droit de modification et le droit de divulgation [55]. Ils permettent aux influenceurs de contrôler l’utilisation de leurs œuvres par des tiers et d’autoriser ou d’interdire certaines exploitations, sous réserve de respecter les exceptions et les limitations prévues par la loi [56].

B. Les droits voisins et les licences.

Outre les droits d’auteur, les influenceurs peuvent être amenés à utiliser ou à exploiter des droits voisins, qui concernent les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, ou les organismes de radiodiffusion [57]. Les droits voisins permettent de protéger et de rémunérer les acteurs impliqués dans la production, la diffusion ou la communication des œuvres, notamment en ce qui concerne l’enregistrement, la fixation, la reproduction, la représentation ou la mise à disposition du public.

Les influenceurs doivent veiller à respecter les droits d’auteur et les droits voisins des tiers lorsqu’ils utilisent ou intègrent des œuvres protégées dans leurs créations, en obtenant les autorisations nécessaires et en s’acquittant des redevances correspondantes. A cet effet, ils peuvent recourir à des licences d’exploitation, qui leur confèrent le droit d’utiliser les œuvres sous certaines conditions et pour une durée déterminée [58].

C. Les risques d’atteinte aux droits d’auteur et aux marques.

Les influenceurs doivent être particulièrement vigilants quant aux risques d’atteinte aux droits d’auteur et aux marques dans le cadre de leur activité. En effet, la diffusion ou la communication d’œuvres protégées sans l’autorisation des titulaires de droits constitue une contrefaçon, qui peut entraîner des sanctions civiles et pénales [59].

De même, l’utilisation non autorisée de marques déposées, que ce soit pour désigner des produits ou des services ou pour en faire la promotion, peut constituer une contrefaçon de marque et engager la responsabilité des influenceurs [60]. Les sanctions encourues en cas de contrefaçon de marque incluent des dommages et intérêts en faveur du titulaire de la marque, des mesures de restitution et de destruction des produits contrefaisants, ainsi que des amendes et des peines d’emprisonnement [61].

Pour prévenir les risques d’atteinte aux droits d’auteur et aux marques, les influenceurs doivent s’informer sur les règles applicables en matière de propriété intellectuelle et se conformer aux obligations en vigueur. Ils peuvent solliciter l’aide d’un avocat spécialisé en propriété intellectuelle pour les conseiller et les assister dans la gestion de leurs droits et dans la résolution des litiges éventuels.

En outre, les influenceurs peuvent mettre en place des stratégies de protection de leurs propres créations et marques, en déposant leurs œuvres auprès des organismes compétents (Institut National de la Propriété Industrielle, Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique, etc.) et en surveillant l’utilisation de leurs contenus par des tiers. De telles démarches leur permettront de renforcer leurs droits et de défendre leurs intérêts en cas d’atteinte à leur propriété intellectuelle.

En bref, les droits d’auteur et la propriété intellectuelle constituent des enjeux majeurs pour les influenceurs, qui doivent veiller à respecter et à protéger leurs créations et celles des tiers dans le cadre de leur activité. La connaissance des règles applicables en la matière, l’obtention des autorisations nécessaires et la mise en place de stratégies de protection sont autant de leviers pour garantir le respect des droits d’auteur et des marques et pour prévenir les risques de contentieux et de sanctions.

VI. Les enjeux éthiques et déontologiques.

A. La protection des consommateurs.

Les influenceurs, en tant qu’acteurs de l’influence marketing, ont un rôle important à jouer dans la protection des consommateurs et la promotion des pratiques commerciales loyales. Le Code de la consommation encadre ainsi les pratiques publicitaires et impose aux influenceurs de respecter certaines règles en matière de transparence et d’information [62]. Par exemple, les influenceurs doivent clairement mentionner la nature publicitaire de leurs publications lorsqu’ils sont rémunérés ou sponsorisés par une marque, en utilisant les termes « publicité », « partenariat » ou « sponsoring » [63].

La protection des consommateurs passe également par la prévention des pratiques trompeuses, qui sont interdites par le Code de la consommation [64]. Les influenceurs doivent veiller à ne pas induire les consommateurs en erreur sur les caractéristiques, les qualités, les performances ou les avantages des produits ou services qu’ils présentent, et à ne pas dissimuler des informations essentielles pour le choix des consommateurs.

B. La protection des mineurs et des publics vulnérables.

Les influenceurs sont souvent suivis par des publics variés, qui peuvent inclure des mineurs et des personnes vulnérables. Ils doivent donc être particulièrement attentifs à la protection de ces publics et respecter les règles en vigueur en matière de publicité et de communication commerciale à destination des mineurs [65].

En particulier, les influenceurs doivent s’abstenir de promouvoir des produits ou des services inappropriés pour les mineurs, de présenter des comportements ou des situations contraires à l’intérêt des mineurs, ou de solliciter directement des mineurs pour l’achat de produits ou services [66].

C. Les enjeux de l’autorégulation.

Face aux enjeux éthiques et déontologiques de l’influence marketing, l’autorégulation constitue un complément important à la régulation légale et aux contrôles des autorités compétentes. Les acteurs du secteur, tels que les influenceurs, les marques, les agences de communication et les plateformes de diffusion, peuvent ainsi contribuer à la définition et à la mise en œuvre de normes éthiques et déontologiques adaptées aux spécificités de leur activité.

L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) émettent notamment des recommandations et des guidelines pour encadrer les pratiques des influenceurs et garantir le respect des principes de transparence, de loyauté et de protection des consommateurs [67].

VII. Conclusion.

A. Synthèse des enjeux juridiques et responsabilités des influenceurs.

Les influenceurs sont confrontés à une multitude d’enjeux juridiques et de responsabilités dans le cadre de leur activité. Leur statut professionnel, les relations contractuelles avec les marques, les agences de communication et les plateformes de diffusion, les droits d’auteur et la propriété intellectuelle, ainsi que les obligations en matière de transparence, de publicité et de protection des consommateurs, mineurs et publics vulnérables, constituent autant de domaines dans lesquels les influenceurs doivent se conformer aux règles en vigueur et veiller à préserver leurs intérêts et ceux des parties prenantes.

Les responsabilités des influenceurs sont multiples, englobant notamment la responsabilité civile, la responsabilité pénale et la responsabilité fiscale et sociale. Les influenceurs doivent donc s’informer sur les obligations légales et réglementaires applicables à leur activité, obtenir les autorisations et les licences nécessaires, et s’assurer du respect des normes éthiques et déontologiques.

B. Les défis à venir pour le statut juridique des influenceurs.

Le statut juridique des influenceurs est susceptible d’évoluer dans les années à venir, en raison de l’émergence de nouvelles pratiques, de nouvelles technologies et de nouvelles formes d’influence marketing. Les influenceurs pourraient ainsi être amenés à adapter leur statut professionnel, à renégocier leurs contrats avec les marques, les agences de communication et les plateformes de diffusion, ou à repenser leur stratégie de protection des droits d’auteur et de la propriété intellectuelle.

Les défis à venir pour le statut juridique des influenceurs pourraient également concerner la régulation et le contrôle des activités d’influence, avec la mise en place de nouvelles obligations en matière de transparence, de publicité et de protection des consommateurs, mineurs et publics vulnérables, ainsi que l’instauration de sanctions plus sévères en cas de non-respect des règles.

C. L’importance d’une régulation adaptée à l’évolution du secteur de l’influence.

L’évolution du secteur de l’influence marketing souligne l’importance d’une régulation adaptée et flexible, qui tienne compte des spécificités de l’activité des influenceurs et des enjeux liés à la protection des consommateurs, des mineurs et des publics vulnérables. Les autorités compétentes, telles que le législateur, les organismes de contrôle et les instances de régulation professionnelle, doivent travailler en étroite collaboration avec les influenceurs et les acteurs de l’influence marketing pour définir et mettre en œuvre des normes éthiques et déontologiques appropriées.

En parallèle, les influenceurs et les acteurs de l’influence marketing ont un rôle crucial à jouer dans l’autorégulation du secteur, en adoptant des pratiques responsables et transparentes et en s’engageant dans des démarches de dialogue et de coopération avec les autorités compétentes.

En somme, le statut juridique des influenceurs, les responsabilités qui en découlent et les défis à venir pour le secteur de l’influence marketing mettent en exergue l’importance d’une régulation adaptée et d’une collaboration entre les acteurs concernés. Les influenceurs doivent être conscients de leurs obligations légales, éthiques et déontologiques, et s’efforcer de respecter ces normes dans l’exercice de leur activité.

Pour faire face à ces défis, les influenceurs pourraient bénéficier de la formation et de l’accompagnement d’experts en droit, tels que des avocats spécialisés dans le droit du travail, le droit des contrats, la propriété intellectuelle ou la protection des consommateurs. De même, les marques, les agences de communication et les plateformes de diffusion devraient veiller à mettre en place des politiques et des procédures conformes aux exigences légales et réglementaires, et à assurer un suivi et un contrôle réguliers des pratiques des influenceurs.

Enfin, l’instauration d’un dialogue constructif et d’une coopération entre les influenceurs, les autorités compétentes et les autres acteurs de l’influence marketing est essentielle pour garantir l’équilibre entre la liberté d’expression et de création des influenceurs, les intérêts des marques et des consommateurs, et la protection des valeurs éthiques et déontologiques. Ce dialogue et cette coopération contribueront à l’élaboration d’une régulation adaptée et efficace, qui soutienne l’innovation et la diversité dans le secteur de l’influence marketing tout en préservant les droits et les intérêts des parties prenantes.

Noémie Le Bouard, Avocat Barreau de Versailles Le Bouard Avocats https://www.lebouard-avocats.fr

[1Articles L1211-1 et suivants du Code du travail.

[2Articles L1231-1 et suivants du Code du travail.

[3Articles L1231-1 et suivants du Code de commerce.

[4Articles L611-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

[5Articles 34 et 35 de la Loi Informatique et Libertés et articles 12 à 23 du Règlement général sur la protection des données - RGPD.

[6Article L121-1 du Code de la consommation.

[7Articles L121-1 et suivants du Code de la consommation, articles L1231-1 et suivants du Code de commerce et articles L611-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

[8Articles 1240 et suivants du Code civil, articles L121-1 et suivants du Code de la consommation et articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[9Articles 1101 et 1102 du Code civil.

[10Article 1108 du Code civil.

[11Articles 1210 et suivants du Code civil.

[12Articles 1103 et suivants du Code civil.

[13Articles 1121 et 1122 du Code civil.

[14Articles 1134 et 1135 du Code civil.

[15Article L121-1 du Code de la consommation.

[16Articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[17Article 1108 du Code civil.

[18Articles 1134 et 1135 du Code civil.

[19Articles L111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[20Articles 1984 et suivants du Code civil.

[21Articles 1991 et suivants du Code civil.

[22Articles 226-13 et 226-14 du Code pénal.

[23Articles 1104 et suivants du Code civil.

[24Articles 1119 et suivants du Code civil.

[25Articles 1126 et suivants du Code civil.

[26Articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[27Articles 34 et 35 de la Loi Informatique et Libertés et articles 12 à 23 du RGPD.

[28Articles 1145 et suivants du Code civil.

[29Articles 1240 et suivants du Code civil.

[30Article L121-1 du Code de la consommation.

[31Articles 1103 et suivants du Code civil.

[32Article L121-1 du Code de la consommation.

[33Articles 1240 et suivants du Code civil.

[34Article 1382 du Code civil.

[35Articles 1147 et suivants du Code civil.

[36Articles L121-1 et suivants du Code de la consommation.

[37Articles L121-6 et L213-1 du Code de la consommation.

[38Articles 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et articles 226-1 et suivants du Code pénal.

[39Articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881.

[40Articles 226-1 et suivants du Code pénal.

[41Articles 32, 33 et 226-1 et suivants du Code pénal et articles 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881.

[42Articles 170 et suivants du Code général des impôts.

[43Articles 92 et 93 du Code général des impôts.

[44Articles 286 et suivants du Code général des impôts.

[45Articles L111-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

[46Articles L321-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

[47Articles R243-6 et suivants du Code de la sécurité sociale.

[48Articles L121-1 et suivants et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (articles 39 et suivants).

[49Article L121-1 du Code de la consommation.

[50Articles L121-1 et suivants du Code de la consommation et articles 1 et suivants de la loi du 29 juillet 1881.

[51Articles 1240 et suivants du Code civil.

[52Articles L121-1 et suivants du Code de la consommation, articles 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 et articles 226-1 et suivants du Code pénal.

[53Articles L141-1 et suivants du Code de la consommation et articles L162-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

[54Articles L111-1 et suivants.

[55Articles L122-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[56Articles L122-5 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[57Articles L211-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[58Articles L131-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[59Articles L335-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[60Articles L713-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[61Articles L716-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[62Articles L121-1 et suivants.

[63Article L121-4 du Code de la consommation.

[64Articles L121-2 et suivants.

[65Articles L121-7 et suivants du Code de la consommation.

[66Article L121-7 du Code de la consommation.

[67Article L121-1 du Code de la consommation.