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L’infraction pénale comme obstacle à l’octroi de la protection fonctionnelle pour un élu ? Par Antoine Louche, Avocat.
Parution : lundi 24 avril 2023
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Les infractions de favoritisme, prise illégale d’intérêt ou de faux en écritures publiques sont détachables des mandats et fonctions publiques exercés par leurs auteurs, qui sont dès lors obligés d’en supporter personnellement les conséquences. Un élu ne peut alors pas ou plus bénéficier de la protection fonctionnelle.

La question de l’octroi et du maintien de la protection fonctionnelle des élus est présente dans la presse et une récente décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

C’est l’occasion de refaire le point sur cette notion et ses contours.

En effet, dans un article du Progrès du 16 avril dernier nous apprenions que le sous-préfet de Belley dans l’Ain sollicitait du conseil municipal de Briord de revenir sur sa décision d’accorder à son maire la protection fonctionnelle dans le cadre de l’appel du jugement l’ayant condamné pour faux en écriture publique.

Toujours en cette matière, par une décision du 8 mars 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que les infractions de prise illégale d’intérêts sont détachables des mandats et fonctions publiques exercés par leur auteur. Par voie de conséquence, l’octroi de la protection fonctionnelle au maire n’était pas possible.

Rappelons à ce titre que les élus locaux peuvent bénéficier d’un régime de protection similaire à la protection fonctionnelle des agents publics.

Plus précisément, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) fixe un principe de responsabilité des collectivités locales et de leurs groupements à raison des accidents subis par leurs élus.

Heureusement, le code ne fixe pas de liste exhaustive permettant à un élu de bénéficier de cette protection et le juge administratif interprète de façon relativement souple la notion d’exercice des fonctions qui conditionne l’octroi de la protection.

A titre d’exemple, il a notamment pu être considéré qu’une commune devait indemniser son conseil municipal à raison de l’accident dont ce dernier a été victime dans le cadre d’une mission confiée par le conseil municipal et pour laquelle il avait été investi d’un mandat spécial [1].

C’est également le cas d’un maire victime d’un accident survenu à la suite d’une réunion intéressant certains problèmes de renforcement du réseau électrique [2], mais aussi pour une chute sur le parvis à l’entrée de l’hôtel de région [3].

Une fois accordée, la protection a vocation à couvrir toutes les charges et préjudices liés à l’exercice des fonctions. Ainsi sont notamment pris en charge à ce titre les frais de praticiens, pharmaciens ou encore les frais d’avocats liés à une représentation en justice.

Deux motifs sont de nature à permettre une exclusion partielle ou totale de la responsabilité et donc de la protection de la collectivité.

Il s’agit de la faute de la victime d’une part [4].

Mais également de l’absence de lien avec l’exercice des fonctions d’autre part.

Or, le fait pénal conduit parfois à rendre opposables ces deux motifs exclusions. En effet, l’infraction pénale constitue toute à la fois une faute de la victime et peut conduire à rompre le lien avec l’exercice des fonctions.

A ce titre, dès 2012, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que les infractions de favoritisme sont détachables des mandats et fonctions publiques exercés par leurs auteurs, qui sont dès lors obligés d’en supporter personnellement les conséquences [5].

On comprend à la lecture de ces deux décisions de la Cour de cassation que cette dernière considère que certaines infractions pénales, par nature, rompent tout lien avec le mandat et l’exercice normal de ce dernier.

En pareille hypothèse, l’élu doit alors supporter seul les conséquences de son comportement et ne peut bénéficier de la protection fonctionnelle pour que ses frais de conseil soient pris en charge par sa collectivité.

Références : Crim, 8 mars 2023, n° 22-82.229 ; pour les communes L2123-31 et suivants du CGCT ; pour les régions L4135-26 du CGCT ; pour les départements L3123-26 du CGCT ; pour les EPCI L5211-15 du CGCT ; Crim, 22 févr. 2012, n°11-81.476 ; CE, 24 juillet 1981, n°16454 22528 ; CAA Nantes, 9 mars 2000, n° 97NT00275.

Antoine Louche, Barreau de Lyon Avocat associé chez Altius Avocats www.altiusavocats.fr

[1Voir CE, 24 juillet 1981, n°16454 22528.

[2Voir CAA Nantes, 9 mars 2000, n° 97NT00275.

[3Voir TA Marseille, 27 décembre 2011, n°1001950.

[4Voir CE, 9 juillet 1969, n°70931.

[5Voir Crim, 22 février 2012, n°11-81.476.