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Responsabilité contractuelle d’un cabinet de conseil en propriété industrielle. Par Stéphanie Landais-Patarin, CPI.
Parution : vendredi 28 avril 2023
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Le 3 novembre 2004, un cabinet de conseils en propriété industrielle X a rédigé et déposé pour le compte de la société Balipro une demande de brevet français relative à une balise de chantier à surfaces réfléchissantes caractérisée par la présence sur la semelle d’une surface réfléchissante la rendant visible de nuit même renversée.

L’INPI a délivré le brevet sous le numéro 04/11717 le 8 décembre 2006.

Estimant qu’une société Vinmer commettait des actes de contrefaçon de son brevet, la société Balipro l’a fait assigner devant le TGI de Paris, qui par jugement du 6 juin 2013, a prononcé la nullité des revendications 1-5, 7 et 8 du brevet 04/11717 pour défaut d’activité inventive.

Ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel de Paris en date du 17 avril 2015.

En date du 21 juin 2016, la société Balipro a fait assigner le cabinet X devant le TGI de Paris afin de le faire condamner au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d’information et de conseil.

En date du 9 mai 2019, le TGI de Paris a débouté la société Balipro de l’intégralité de ses demandes, qui a fait appel de cette décision en date du 4 juillet 2019. L’examen de l’affaire a été renvoyé au 17 octobre 2019.

La société Balipro a soutenu que le cabinet X avait manqué à ses obligations de conseil, (i) en se contentant des rapports de recherche sans apporter de conseil sur l’existence ou non d’une activité inventive, et (ii) en ne la dissuadant pas d’engager une action en contrefaçon sur la base d’un brevet annulable.

Le cabinet X a de son côté soutenu avoir rempli son devoir de conseil dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée, en précisant que (i) si l’activité inventive relève du pouvoir d’appréciation des juges, elle repose sur des critères objectifs tirés d’antériorités citées et rappelle qu’un sondage qu’il avait réalisé et le rapport de recherche préliminaire de l’INPI n’avaient soulevé aucune antériorité, critiquant ainsi la décision du TGI de Paris, (ii) la société Balipro n’a pas subi de dommage certain ayant pu exploiter son brevet durant 10 ans, et (iii) le seul préjudice pouvant être allégué serait une perte de chance devant être appréciée en tenant compte du fait que la société Balipro avait la possibilité de renoncer à son action en contrefaçon ou modifier ses revendications.

La cour d’appel a confirmé la décision du TGI de Paris du 9 mai 2019 considérant que le cabinet X n’avait commis aucun manquement à ses obligations contractuelles.

Cette décision s’est appuyée sur la définition de la mission d’un CPI selon l’Article L.422-1 du CPI « Le conseil en propriété industrielle a pour profession d’offrir, à titre habituel et rémunéré, ses services au public pour conseiller, assister ou représenter les tiers en vue de l’obtention, du maintien, de l’exploitation ou de la défense des droits de propriété industrielle, droits annexes et droits portant sur toutes questions connexes. Les services visés à l’alinéa précédent incluent les consultations juridiques et la rédaction d’actes sous seing privé », qui n’emporte pas une obligation de résultat mais seulement une obligation de moyen.

Le cabinet X, conformément au cadre de la mission qui lui avait été confiée, a préparé et déposé sans aucune faute la demande de brevet après avoir réalisé une recherche d’antériorités tout en ayant averti la société Balipro du caractère non exhaustif de cette dernière.

La société Balipro n’ayant pas explicitement demandé une analyse précise et circonstanciée de la brevetabilité de l’invention, ne peut donc pas reprocher au cabinet X de n’avoir pu infirmer ou confirmer avec certitude la validité du brevet, d’autant plus que l’INPI lui-même n’a pas garanti que le brevet ne puisse être annulé par le TGI de Paris, en particulier du fait d’un défaut d’activité inventive.

La validité d’un brevet étant soumise à un aléa judiciaire, la société Balipro ne peut pas non plus reprocher au cabinet X de ne pas l’avoir dissuadé d’engager son action en contrefaçon sur la base d’un brevet régulièrement déposé et délivré.

Il s’avère donc que l’annulation ultérieure par des juridictions françaises de revendications d’un brevet français ne suffit pas à entrainer la responsabilité du conseil en propriété industrielle qui a procédé au dépôt dudit brevet, pour autant que ledit conseil en propriété industrielle met suffisamment en garde son client sur les chances de succès du dépôt du brevet au regard de la mission qui lui est confiée.

Stéphanie Landais-Patarin Conseil en Propriété Industrielle Novagraaf - Conseils en Propriété Intellectuelle Brevets - Marques - Dessins & Modèles https://www.novagraaf.com/fr