Village de la Justice www.village-justice.com

La signification par voie électronique en matière pénale est arrivée. Par Patrick Lingibé, Avocat.
Parution : mardi 9 mai 2023
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/signification-par-voie-electronique-matiere-penale-est-arrivee,46078.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Cet article commente le décret n° 2023-332 du 3 mai 2023 relatif à la signification par voie électronique en matière pénale.

Dans une interview donnée à la revue Gazette du Palais, le ministre de la Justice, garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, a confirmé son objectif d’aboutir à zéro papier avant la fin du quinquennat :

« Il faut désormais en finir avec les dossiers papier qui font des dizaines de tomes, et que les greffiers doivent transporter. Ce ne sont pas des déménageurs ! Cela va améliorer le télétravail, ce sera plus écologique et cela renforcera le contradictoire. Avec la PPN, il y a, en 2022, 800 000 procédures qui ont d’ores et déjà été transmises aux avocats en un clic. Cela n’a plus rien à voir avec l’époque que j’ai connue où l’avocat devait attendre huit mois pour avoir une copie du dossier ! Ce sont des choses qui améliorent la justice du quotidien » [1].

Dans cette optique, un décret a été pris pour l’application du dernier alinéa du II de l’article 803-1 du Code de procédure pénale issu de l’article 14 V de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance de la justice dans l’institution judiciaire, précise les dispositions relatives à la signification par voie électronique en matière pénale, dans des conditions similaires à celles prévues par les dispositions du Code de procédure civile concernant la signification électronique en matière civile (Décret n° 2023-332 du 3 mai 2023 relatif à la signification par voie électronique en matière pénale, publié au Journal Officiel du 5 mai 2023).

Il convient de rappeler les dispositions de cet article 803-1 du Code de procédure pénale en vigueur depuis le 24 décembre 2021 :

« I. - Dans les cas où, en vertu des dispositions du présent code, il est prévu de procéder aux notifications à un avocat par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la notification peut aussi être faite sous la forme d’une télécopie avec récépissé ou par un envoi adressé par un moyen de télécommunication à l’adresse électronique de l’avocat et dont il est conservé une trace écrite.
II. - Lorsque le présent code prévoit que des avis, convocations ou documents sont adressés à une personne par l’autorité judiciaire par tout moyen, par lettre simple, par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’envoi peut être effectué par voie électronique, à la condition que la personne y ait préalablement consenti par une déclaration expresse recueillie au cours de la procédure. Cet accord précise le mode de communication électronique accepté par la personne. Il est conservé au dossier une trace écrite de cet envoi.
Lorsqu’il est prévu que ces envois sont effectués par lettre recommandée, les procédés techniques utilisés doivent permettre d’établir de manière certaine la date d’envoi. Lorsqu’il est prévu que ces envois sont effectués par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les procédés techniques utilisés doivent également permettre d’établir la date de réception par le destinataire.
Lorsque sont adressés des documents, ces procédés doivent, selon des modalités prévues par arrêté du ministre de la justice, garantir la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges ainsi que la conservation des transmissions opérées.
Le présent II est également applicable, selon des modalités précisées par voie réglementaire, lorsque le présent code impose une signification par voie d’huissier de justice à destination du ministère public, des parties civiles, des experts et des témoins ainsi que, lorsque ces personnes ne sont pas détenues, des prévenus ou des condamnés
 ».

L’article 2 du décret du 3 mai 2023 insère un article D46-6-3 du Code de procédure pénale qui pose le principe du recours à la signification par voie électronique ainsi rédigé : « Les significations peuvent être réalisées par voie électronique conformément aux dispositions de l’article 803-1 dans les cas et selon les modalités prévues par l’article D593-1-1 ».

L’article 3 du même décret fixe dans un nouvel article D593-1-1 du Code de procédure pénale les conditions précises dans lesquelles la signification par voie électronique.

En premier lieu concernant l’auteur, les significations par voie électronique prévues par les dispositions du dernier alinéa du II de l’article 803-1 précité peuvent intervenir :

En deuxième lieu en ce qui concerne le support, ces significations sont réalisées par l’intermédiaire de plateformes d’échanges dématérialisés qui permettent l’envoi d’un avis de mise à disposition au destinataire invitant ce dernier à télécharger l’acte faisant l’objet de la signification et d’un avis de réception par le destinataire au moment où ce dernier télécharge cet acte.

Il doit être conservé une trace de ces avis.

En troisième lieu concernant les modalités pratiques, l’article D593-1-1 précité renvoie à un cadre conventionnel pour les significations au ministère public, les modalités de celles-ci doivent être prévues dans une convention passée entre le ministère de la justice et la chambre nationale des commissaires de justice.

En quatrième lieu en ce qui concerne la traçabilité de l’opération, la réception, sur la boîte aux lettres électronique du ministère public, de l’avis de mise à disposition de l’acte doit donner lieu à l’émission d’un accusé de réception électronique, qui fait, s’il y a lieu, courir les délais prévus par le Code de procédure pénale.

Toutefois, lorsque la signification a été reçue en dehors des jours ouvrables ou après 17 heures, les délais ne commencent à courir que le premier jour ouvrable suivant.

Attention : tout avis de mise à disposition transmis à une adresse électronique ne figurant pas sur la liste des adresses communiquées par le ministère de la justice en application de la convention précitée est irrecevable.

Cette procédure dématérialisée exigera donc de la part des acteurs justice une extrême vigilance quant à la bonne utilisation des adresses électroniques communiquées par le ministère public.

En cinquième lieu s’agissant de l’information exigée, lorsque le mandement de signification adressé par le ministère public au commissaire de justice concerne un dossier de procédure pénale pour lequel le destinataire de la signification a expressément consenti à la communication électronique, le commissaire de justice peut procéder à une signification selon les modalités prévues par voie dématérialisée.

Le commissaire de justice adresse dans ce cas au destinataire, à l’adresse choisie par celui-ci, un avis électronique de mise à disposition sur une plateforme dédiée d’échanges dématérialisés de l’acte faisant l’objet de la signification, en l’invitant à télécharger ce document, cet avis indiquant la date et, le cas échéant, l’heure de la mise à disposition.

La date et l’heure de la signification par voie électronique sont celles de l’envoi de cet avis de mise à disposition.

Toutefois, à l’égard du destinataire, la signification ne produit ses effets qu’à compter du jour du téléchargement de l’acte ou, au plus tard, à l’issue du délai de cinq jours.

Ce téléchargement doit se faire selon des modalités qui garantissent la fiabilité de l’identification de la personne, l’intégrité de l’acte, la sécurité, la confidentialité et la conservation de la transmission et permettent d’établir de manière certaine la date du téléchargement.

Lorsque le téléchargement intervient dans les cinq jours de la transmission de l’acte, il vaut signification à personne.

Dans les autres cas, la signification est considérée comme faite à domicile le sixième jour après l’envoi de l’avis de mise à disposition prévu au deuxième alinéa du présent III et le commissaire de justice adresse à la personne, conformément aux alinéas deux ou quatre de l’article 558, une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou une lettre simple comportant un récépissé.

Les dispositions des alinéas trois, cinq et six de cet article 558 sont alors applicables, à savoir :

« (…) Lorsqu’il résulte de l’avis de réception, signé par l’intéressé, que celui-ci a reçu la lettre recommandée de l’huissier, l’exploit déposé à l’étude de l’huissier de justice produit les mêmes effets que s’il avait été délivré à personne.
(…)
Lorsque ce récépissé a été renvoyé, l’exploit déposé à l’étude de l’huissier de justice produit les mêmes effets que s’il avait été remis à personne.
Si l’exploit est une citation à comparaître, il ne pourra produire les effets visés aux troisième et cinquième alinéas que si le délai entre, d’une part, le jour où l’avis de réception est signé par l’intéressé, le jour où le récépissé a été renvoyé ou le jour où la personne s’est présentée à l’étude et, d’autre part, le jour indiqué pour la comparution devant le tribunal correctionnel ou de police est au moins égal à celui fixé, compte tenu de l’éloignement du domicile de l’intéressé, par l’article 552
 ».

En sixième lieu s’agissant des effets sur le destinataire de la signification par voie électronique, il est précisé qu’en application de l’alinéa six de l’article 558 du Code de procédure pénale, si l’exploit est une citation à comparaître, il ne pourra produire les effets visés aux troisième et cinquième alinéas du dudit article que si le délai entre, d’une part, le jour où l’acte a été téléchargé et d’autre part le jour indiqué pour la comparution devant le tribunal correctionnel ou de police est au moins égal à celui fixé, compte tenu de l’éloignement du domicile de l’intéressé, par l’article 552 du Code de procédure pénale, soit dix jours si la partie citée réside dans un département de la France hexagonale ou si, résidant dans un département d’outre-mer, elle est citée devant un tribunal de ce département, soit dix jours augmenté d’un mois si la partie citée devant le tribunal d’un département d’outre-mer réside notamment dans un autre département d’outre-mer, dans un territoire d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte ou en France métropolitaine, ou si, cité devant un tribunal d’un département de la France métropolitaine, elle réside dans un département ou territoire d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte ou soit dix et deux mois dans les autres cas.

Les dispositions de ce décret sont entrées en vigueur à compter du samedi 6 mai 2023, étant précisé que les modalités d’application de l’article D593-1-1 du Code de procédure pénale renvoyées à un arrêté du ministre de la Justice.

Patrick Lingibé Membre du Conseil National des barreaux Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France Avocat associé Cabinet Jurisguyane Spécialiste en droit public Diplômé en droit routier Médiateur Professionnel Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM) www.jurisguyane.com

[1Plan de transformation numérique, Interview du garde des sceaux, Gazette du Palais du 16 février 2023.