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Moratoire sur l’intelligence artificielle : entre responsabilité, transparence et concurrence. Par Assaré Mony, Juriste.
Parution : mardi 23 mai 2023
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Aujourd’hui plus que jamais, la nécessité de poser le cadre de régulation des systèmes d’intelligence artificielle (IA) s’impose au vu des derniers développements marqués par la plus célèbre des IA « ChatGPT ». Mais les critiques incessantes depuis l’apparition de ChatGPT cachent deux vérités : celle d’un véritable appel à la régulation et celle d’un désir de rattrapage du retard technologique.

Quelle actualité a fait couler le plus d’encre ces derniers temps que la célèbre intelligence artificielle de la start up californienne OPEN AI baptisée « ChatGPT » ?

Journalistes, professeurs de lycées, collèges et universités, dirigeants d’entreprise, députés, etc... Tous, ont tenu à s’exprimer. Certains, pour défendre les progrès remarquables depuis la création dans les années 50 des premiers systèmes d’IA quand d’autres ne manquent pas, en prenant du recul, de pointer du doigt les dangers de cette révolution technologique.

Au vu de tout ceci, certaines personnalités, acteurs clés du cœur technologique américain ont appelé à un moratoire sur le développement et les recherches sur l’intelligence artificielle. Entre temps, le Patron d’OPEN AI (Sam Altman) a été sommé de s’expliquer devant le congrès américain concernant son « dernier né » (ChatGPT).

Mais entre responsabilité, transparence et concurrence, vers quels objectifs aspirent réellement toutes ces critiques et ces appels au stop ? Doit-on y voir une tentative de rattrapage du retard des autres acteurs en face d’OPEN AI ou un appel à la responsabilité ou à la transparence ?

I) L’insistance pour la conception de systèmes d’IA plus responsables et plus transparents.

D’un côté, on peut considérer ce moratoire comme un appel à la responsabilité et à la transparence.

En Europe surtout, les questions que soulève le développement de l’intelligence artificielle ne sont pas encore tranchées. En témoignent les vives discussions dans les institutions européennes qui font durer le projet d’adoption du règlement sur l’intelligence artificielle (IA act).

Récemment, l’autorité italienne de protection des données personnelles a sanctionné ChatGPT pour non-respect du RGPD. Cette sanction a permis de constater officiellement l’’un des problèmes soulevés par les IA notamment ChatGPT.

Certaines entreprises ont même intimé l’ordre à leurs salariés de ne pas utiliser ChatGPT.

Parmi les arguments soulevés, les risques d’atteinte à leur vie privée, de fuite d’informations confidentielles, d’espionnage économique et industriels ou encore les risques de cyber attaque.

Au regard de tous ces dangers, il est donc légitime pour toute la communauté, développeurs, utilisateurs et décideurs d’appeler à stopper le développement de systèmes d’IA en l’absence de cadre légal approprié. Mais, est-ce là le seul objectif de ce moratoire ?

II) La tentative de certains acteurs de dissimuler leur retard dans le développement des IA.

Les réactions après le grand tolet médiatique qu’a suscité ChatGPT ne se sont pas fait attendre. Pis encore, mêmes ceux qui ne sont pas habitués des technologies ont pris connaissance des dangers des IA après les images choquantes produites par certaines IA concernant des personnalités comme le Président de la République Emmanuel Macron, le Pape François ou encore certains acteurs très célèbres.

Pendant que la grande majorité des personnes redoute les dangers des systèmes d’IA, les acteurs privés du monde de la technologies qui se sont vus dépassés voire surpris par le résultats fulgurants des derniers développements d’IA, voient à travers le moratoire lancé, l’opportunité de rattraper la concurrence et combler le retard accumulé. Si non comment comprendre que quelques semaines après avoir appelé au moratoire, le patron de Tesla, spaceX et twitter ait lancé la création de son entreprise d’intelligence artificielle dénommée X.AI ?

Et même si ce moratoire est entendable, sa durée est-elle suffisante pour mener les réflexions nécessaires quand on sait par exemple qu’en Europe, depuis plusieurs mois, on n’arrive pas à s’accorder sur le « IA act ». Aussi, on peut s’interroger sur la force juridique de ce moratoire. S’impose-t-il comme une loi s’imposerait ? Combien de personnes à travers le monde s’y soumettront ?

Quoi que l’on puisse dire, nous sommes entrés dans une nouvelle ère qui est celle de l’IA. Il faudra donc, tant bien que mal, trouver une solution, poser un cadre légal le plus en amont possible.

A défaut, il sera trop tard, tant pour nos libertés que pour l’économie.

Assaré Mony Juriste Corporate, innovation (IP/IT) & compliance Délégué adjoint à la protection des données personnelles Consultant externe Enseignant vacataire Diplômé Master smart city et gouvernance des données