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La garde à vue : placement et déroulement. Par Eric Tigoki, Avocat.
Parution : jeudi 25 mai 2023
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Utile pour l’enquête judiciaire, la garde à vue fait l’objet d’un encadrement concernant son placement et son déroulement.

La découverte d’un fait susceptible de constituer une infraction à la loi pénale provoque la mise en œuvre d’opérations tendant notamment à en rassembler les preuves, en rechercher les auteurs, les arrêter afin de les déférer, le cas échéant, devant les juridictions compétentes [1]. Ce fait, pour le dire autrement, provoque la mise en œuvre d’opérations relevant de l’enquête judiciaire.

Hors les enquêtes particulières (enquête de mort suspecte, enquête de recherche d’une personne disparue, enquête de recherche d’une personne en fuite.), cette police judiciaire peut notamment emprunter deux voies distinctes, à savoir l’enquête sur infraction flagrante et l’enquête préliminaire. L’une, l’enquête sur infraction flagrante, suppose le commencement de l’enquête très peu de temps après la commission de l’infraction.

Rappelons que selon les dispositions de l’article 53 du Code de procédure pénale,

« Est qualifié crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit. / A la suite de la constatation d’un crime ou d’un délit flagrant, l’enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours.
Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ne peuvent être différées, le procureur de la République peut décider la prolongation, dans les mêmes conditions, de l’enquête pour une durée maximale de huit jours
 ».

L’autre, l’enquête préliminaire, est mise en œuvre lorsque la flagrance n’est pas caractérisée et qu’aucun mode d’enquête spécifique n’est envisageable.

L’une et l’autre mobilisent différents moyens [2].

Dans l’un et l’autre cas figure la garde à vue [3], dont il convient d’envisager les conditions de placement (I) et le déroulement (II).

I- Les conditions du placement en garde a vue.

Elles sont relatives aux circonstances qui rendent possible le placement en garde à vue et aux personnes impliquées.

A- Les circonstances.

L’infraction en cause doit être constitutive d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

Par ailleurs, et relativement aux motifs, la mesure envisagée doit être l’unique moyen de parvenir à l’une des finalités légalement énumérées. Elles peuvent être retenues alternativement ou cumulativement. Pour reprendre la distinction de Serge Guinchard et Jacques Buisson [4], ces finalités correspondent à deux préoccupations. L’une est probatoire : la garde à vue apparait comme un acte d’administration de la preuve, destinée à permettre le recueil des indices utiles à la manifestation de la vérité. Elle doit être fondée sur l’un des motifs suivants : permettre l’exécution des investigations impliquant la personne ou la participation de la personne, notamment pour exécuter des perquisitions ou des confrontations avec la victime ; empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ; empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs procès, afin de sauvegarder des témoignages décisifs pour la manifestation de la vérité ; empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices afin que des comparses ne s’accordent pas sur une versions des faits contraires à la réalité.

La garde à vue peut aussi obéir à une logique sécuritaire : elle peut être fondée sur l’un des motifs suivants : garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin qu’il puisse apprécier la suite à donner à l’enquête, en évitant que l’intéressé ne prenne la fuite ; garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

C’est dire qu’ici se pose une exigence de nécessité et de proportionnalité. Comme le rappelle l’article préliminaire du Code de procédure pénale, les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne. Il doit être définitivement statué sur l’accusation dont cette personne fait l’objet dans un délai raisonnable.

De sorte qu’il est des situations où la garde à vue peut être obligatoire, c’est par exemple le cas lorsque la personne concernée a été conduite sous la contrainte par la force publique devant l’officier de police judiciaire. D’autres où elle est facultative. Tel est le cas dans les situations suivantes : personne conduite sans contrainte devant l’officier de police judiciaire. Lorsque l’auteur présumé d’une infraction flagrante a été appréhendé et conduit sans contrainte devant l’officier de police judiciaire par un agent de la force publique ou un particulier, la garde à vue ne s’impose pas dès lors qu’il n’est pas tenu à disposition des enquêteurs sous la contrainte et que lui a été notifié son droit de quitter les locaux de police ou de gendarmerie à tout moment [5] ; personne maintenue sans contrainte à la disposition de l’officier de police judicaire : lorsqu’il est mis fin à la rétention en chambre de sureté de la personne, son placement en garde à vue, si les conditions de cette mesure prévues par le Code de procédure pénale sont réunies n’est pas obligatoire dès lors qu’elle n’est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu’elle a été informée des droits mentionnés à l’article 61-1 du Code de procédure pénale [6] ; présentation spontanée du mis en cause : la personne qui est venue librement dans un local de police ou de gendarmerie peut être entendue hors garde à vue dans le cadre d’une audition libre.

B- Les personnes.

1- Les autorités compétentes.

Aux termes de l’article 63 du Code de procédure pénale, seul un officier de police judiciaire peut, d’office ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue [7].

Dès le début de la mesure, l’officier de police judiciaire informe le procureur de la République du placement de la personne en garde à vue, en lui précisant les motifs justifiant cette mesure et en l’avisant de la qualification des faits qu’il a notifiée à cette personne. Le procureur de la République peut opter pour une autre qualification qui sera notifiée à l’intéressé.

L’officier de police judiciaire doit, dans la procédure, faire mention de cet avis dont il doit préciser les jours et heures, afin d’en rapporter la preuve.

2- Le mis en cause.

Seuls les suspects peuvent être placés en garde à vue. La loi les définit comme les personnes à l’encontre desquelles il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction [8].

Aucune difficulté particulière pour le mis en cause âgé de 18 ans et plus, surtout s’il ne fait l’objet d’aucune protection. Rappelons, concernant la protection (tutelle, curatelle), que la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a introduit un nouvel article 706-112-1 au Code de procédure pénale qui encadre désormais la garde à vue des personnes placées sous tutelle ou sous curatelle, pour permettre au tuteur ou curateur d’être avisé et d’exercer certains droits [9].

Relativement au mineur, se pose en particulier ici la question du discernement dont l’exigence a été consacrée par l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 13 décembre 1956, Laboube, à propos d’un enfant de six ans qui avait blessé son camarade de jeu. Il résulte de cet arrêt qu’un jeune enfant ne peut se voir reprocher une infraction que s’il a compris et voulu cet acte [10].

Encore faut-il déterminer un critère au regard duquel ce discernement peut être considéré comme acquis. La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) a retenu celui de l’âge. Son article 40 invite les Etats parties à « établir un âge minimum au - dessous duquel les enfants seront présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale » [11].

Il aura fallu attendre l’Ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs (CJPM), ratifiée par la loi n°2021-218 du 26 février 2021, pour que soit fixé ce seuil de discernement. Ainsi, aux termes de l’article L11-1 du Code de la justice pénale des mineurs :

« Lorsqu’ils sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l’article 388 du Code civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables.

Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d’au moins treize ans sont présumés être capables de discernement.

Est capable de discernement le mineur qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet ».

Réelle, l’avancée n’en reste pas moins limitée dès lors qu’il ne s’agit que d’une présomption susceptible d’être combattue et renversée. Le Code de la justice pénale des mineurs « instaure une présomption d’irresponsabilité pénale des mineurs de 13 ans, ainsi qu’une présomption de discernement à partir de 13 ans » [12].

La situation du mineur doté de discernement doit être envisagée dans le cadre rappelé par le conseil constitutionnel dans une décision du 29 août 2002 [13].

Il a dégagé trois principes fondamentaux reconnus par les lois de la République relatifs à la justice des mineurs : l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, la prévalence de l’action éducative sur toute autre forme de réponse judiciaire, passant par la recherche du relèvement éducatif et moral des enfants délinquants via des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité et la spécialisation des juridictions et des procédures [14].

Le mineur âgé de moins de de treize ans ne peut être placé en garde à vue.

Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur âgé de dix à treize ans peut, pour l’un des motifs prévus à l’article 62-2 du Code de procédure pénale, faire l’objet d’une retenue qui le met à la disposition de l’officier de police judiciaire dès lors qu’il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Cette mesure suppose l’accord préalable d’un magistrat (procureur de la République ou juge d’instruction) qui en assure le contrôle et qui en détermine la durée qui ne peut excéder douze heures, avec, à titre exceptionnel, une prolongation possible de douze heures supplémentaires sur décision motivée du magistrat [15].

L’article L413- 6 du Code de la justice pénale des mineurs (CJPM) pose le principe selon lequel : « Le mineur âgé d’au moins treize ans peut être placé en garde à vue dans les cas et conditions prévus aux articles 62 à 66 du Code de procédure pénale sous réserve des dispositions de la présente section » Différentes mesures accompagnent donc le placement du mineur âgé d’au moins treize ans, outre les droits classiques dont bénéficie toute personne placée en garde à vue, qui ont trait à :

Après avoir avisé le procureur de la République ou le juge d’instruction du placement en garde à vue du mineur, l’officier de police judiciaire en informe les représentants légaux et la personne ou le service auquel le mineur est confié. Il ne peut être y dérogé aux dispositions que pour permettre le recueil ou la conservation des preuves ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne, sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction prise au regard des circonstances de l’espèce, et pour la durée que le magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures ou, lorsque la garde à vue ne peut faire l’objet d’une prolongation, douze heures. Les représentants légaux sont informés du droit du mineur à être assisté par un avocat [16].

Dès le début de la garde à vue d’un mineur de moins de seize ans, le procureur de la République ou le juge d’instruction désigne un médecin qui examine le mineur dans les conditions prévues par l’article 63-3 du Code de procédure pénale. Lorsqu’un mineur d’au moins seize ans est placé en garde à vue, il est informé de son droit de demander un examen médical conformément aux dispositions de l’article 63-3 du Code de procédure pénale. Ses représentants légaux sont avisés de leur droit de demander un examen médical lorsqu’ils sont informés de la garde à vue. L’avocat du mineur peut également demander que celui-ci fasse l’objet d’un examen médical [17].

Dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat, dans les conditions prévues aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du Code de procédure pénale. Il doit être immédiatement informé de ce droit. Lorsque le mineur n’a pas sollicité l’assistance d’un avocat, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux qui sont alors avisés de ce droit lorsqu’ils sont informés de la garde à vue en application de l’article L413-7. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n’ont pas désigné d’avocat, le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu’il en commette un d’office.

La garde à vue d’un mineur de moins de seize ans ne peut être prolongée que si l’infraction qu’il est soupçonné d’avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d’une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement. Aucune mesure de garde à vue ne peut être prolongée sans présentation préalable du mineur au procureur de la République ou au juge d’instruction compétent en application de l’article 63-9 et de l’article 154 du Code de procédure pénale.

Cette présentation peut être réalisée par l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle conformément aux dispositions de l’article 706-71 du Code de procédure pénale [18]. Lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que le mineur de plus de 16 ans placé en garde à vue a participé à la commission d’une infraction relevant de la criminalité ou de la délinquance organisées auquel une ou plusieurs personnes majeures ont participé, il est fait application de l’article 706-88 [19], à l’exception de celles relatives à la présence de l’avocat [20].

Les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue ou en retenue font l’objet d’un enregistrement audiovisuel. Deux CD-Rom doivent être gravés : l’un, considéré comme l’original, est inventorié et placé sous scellé ; l’autre, enregistré comme une copie, est versé au dossier [21].

Lorsque l’enregistrement ne peut être effectué en raison d’une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d’interrogatoire qui précise la nature de cette impossibilité. Le procureur de la République ou le juge d’instruction en est immédiatement avisé. En l’absence d’enregistrement, que cette absence ait fait ou non l’objet d’une mention dans le procès-verbal et d’un avis au magistrat compétent, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations du mineur si celles-ci sont contestées [22].

Cet enregistrement ne peut être consulté, au cours de l’instruction ou devant la juridiction de jugement, qu’en cas de contestation du contenu du procès-verbal d’interrogatoire, sur décision du juge d’instruction ou de la juridiction de jugement, d’office ou à la demande du procureur de la République ou d’une des parties. Aucune copie de l’enregistrement ne peut être délivrée aux parties ou à leur avocat.

A l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la date d’extinction de l’action publique, l’enregistrement audiovisuel et sa copie sont détruits dans le délai d’un mois [23].

Le placement en garde à vue décidé, reste à accomplir les diligences dont elle est censée être l’unique moyen.

II- Le déroulement de la garde a vue.

Plusieurs actes sont susceptibles d’être réalisés. Eu égard à la nature contraignante de la garde à vue, trois points seront abordés : la durée, les droits et le contrôle.

A- La durée.

Elle est fonction des nécessités de l’enquête et de la nature des faits.

La garde à vue est décidée pour une durée qui ne peut excéder 24 heures. Le point de départ est fixé à l’heure de privation de liberté si la personne a été appréhendée ou a fait l’objet de toute autre mesure de contrainte pour les mêmes faits ; à l’heure du début de l’audition si le placement en garde à vue intervient dans le prolongement immédiat d’une audition [24].

Cette durée peut être prolongée d’une nouvelle durée de 24 heures au plus sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République. La garde à vue peut en outre faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune (soit un total de 96 heures) lorsque l’enquête porte sur certaines infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 du Code procédure pénale.

Cette prolongation est soumise à des conditions strictes. Ce sont d’abord des conditions de fond : la garde à vue doit être l’unique moyen de parvenir à atteindre l’une des finalités de la garde à vue ou de permettre, dans le cas où il n’existe pas dans le tribunal de locaux relevant de l’article 803-3 (c’est -à- dire de dépôt), la présentation de la personne devant l’autorité judiciaire ; l’infraction reprochée doit être constitutive d’un crime ou d’un délit réprimé d’une peine d’emprisonnement d’au moins un an.

Ce sont ensuite des conditions de forme : qu’elle ait été autorisée par le procureur de la République et notifiée à l’intéressé. Le procureur de la République peut subordonner son autorisation à la présentation de la personne devant lui, éventuellement par le biais d’une visio-conférence.

Enfin, la prolongation doit être notifiée par procès-verbal, en rappelant à l’intéressé qu’il peut solliciter un nouvel examen médical [25].

La fin de la mesure de garde à vue est décidée par le procureur de la République, qui peut soit remettre la personne en liberté, soit ordonner sa présentation devant lui. Ce pouvoir de décider de la fin de la garde à vue n’appartient qu’au procureur qui a dirigé l’enquête.

Si la personne est remise en liberté à l’issue de la garde à vue sans qu’aucune décision n’ait été prise par le procureur de la République sur l’action publique, les dispositions de l’article 77-2 sont portées à sa connaissance [26] [27].

En cas de déferrement : il se fait en principe le jour même de la notification de la fin de garde à vue et au plus tard le jour suivant dans un délai de 20 h à compter de l’heure à laquelle la garde à vue est levée [28].

Le dépassement du délai de 20h entraîne la nullité de la saisine du tribunal correctionnel mais pas de la garde à vue (qui est antérieure à la rétention) [29].

B- Les droits du mis en cause.

1- L’information.

La personne gardée à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen d’un formulaire [30] :
De son placement en garde à vue, ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet ;
De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l’article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ;
Du fait qu’elle bénéficie de plusieurs droits : du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’Etat dont elle est ressortissante, et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes, conformément à l’article 63-2 ; du droit d’être examinée par un médecin, conformément à l’article 63-3 ; du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ; s’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète ; du droit de consulter, dans les meilleurs délais et au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue, les documents mentionnés à l’article 63-4-1 ; du droit de présenter des observations au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l’éventuelle prolongation de la garde à vue, tendant à ce qu’il soit mis fin à cette mesure. Si la personne n’est pas présentée devant le magistrat, elle peut faire connaître oralement ses observations dans un procès-verbal d’audition, qui est communiqué à celui-ci avant qu’il ne statue sur la prolongation de la mesure ; du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Si la personne est atteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.

Si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu’un formulaire lui a été remis pour son information immédiate.

En cas de prolongation de cette mesure, la personne gardée à vue peut demander à être examinée une seconde fois par un médecin et à s’entretenir à nouveau avec un avocat.

Afin d’être effectifs, ces droits doivent être notifiés au gardé à vue dès le début de la prolongation [31].

2- Relation avec les proches.

D’une part, toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe ou l’un de ses frères et sœurs de la mesure dont elle est l’objet. Elle peut en outre faire prévenir son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays [32].

D’autre part, l’officier de police judiciaire peut autoriser la personne en garde à vue qui en fait la demande à communiquer, par écrit, par téléphone ou lors d’un entretien, avec un des tiers sus mentionnés, s’il lui apparaît que cette communication n’est pas incompatible avec les objectifs mentionnés à l’article 62-2 et qu’elle ne risque pas de permettre une infraction [33].

3- Examen médical.

Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois.

Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles. Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences incombant aux enquêteurs ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête en application du présent alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. Sauf décision contraire du médecin, l’examen médical doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieurs afin de permettre le respect de la dignité et du secret professionnel.

A tout moment, le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut d’office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue.
En l’absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur de la République ou de l’officier de police judiciaire, un examen médical est de droit si un membre de sa famille le demande ; le médecin est désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire.

Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat médical est versé au dossier.

4- Assistance d’un avocat.

Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat. Si elle n’est pas en mesure d’en désigner un ou si l’avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu’il lui en soit commis un d’office par le bâtonnier [34].

Le bâtonnier ou l’avocat de permanence commis d’office par le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.

L’avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa du I de l’article 63-2. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne.

L’avocat désigné est informé par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire ou un assistant d’enquête de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête.

S’il constate un conflit d’intérêts, l’avocat fait demander la désignation d’un autre avocat.

En cas de divergence d’appréciation entre l’avocat et l’officier de police judiciaire ou le procureur de la République sur l’existence d’un conflit d’intérêts, l’officier de police judiciaire ou le procureur de la République saisit le bâtonnier qui peut désigner un autre défenseur.

Le procureur de la République, d’office ou saisi par l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire, peut également saisir le bâtonnier afin qu’il soit désigné plusieurs avocats lorsqu’il est nécessaire de procéder à l’audition simultanée de plusieurs personnes placées en garde à vue [35].

L’avocat a d’abord la possibilité de communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien. La durée de l’entretien ne peut excéder trente minutes. Lorsque la garde à vue fait l’objet d’une prolongation, la personne peut, à sa demande, s’entretenir à nouveau avec un avocat dès le début de la prolongation [36].

Il peut ensuite consulter le procès-verbal constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l’article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste. Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes [37] [38].

Il lui est enfin possible d’assister la personne gardée à vue durant ses auditions et confrontations [39]. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité du gardé à vue, ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé à ce dernier (al.1er) [40], sauf lorsque les nécessités de l’enquête exigent une audition immédiate de la personne (al.3). Dans cette dernière hypothèse, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, sur demande de l’officier de police judiciaire, que l’audition débute sans attendre l’expiration du délai de carence [41].

En revanche, la loi n’autorise pas l’avocat à intervenir librement lors de l’audition menée sous la direction de l’officier de police judiciaire ou de l’agent de police judiciaire. Au cours des auditions ou confrontations, l’avocat peut prendre des notes [42]. En cas de difficulté, l’OPJ ou l’APJ peut à tout moment mettre un terme à l’audition ou à la confrontation et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s’il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d’un autre avocat [43].

A l’issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l’avocat peut poser des questions auxquelles l’OPJ ou l’APJ ne peut s’opposer que si elles sont de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête ; la mention de ce refus est portée au procès-verbal. A l’issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition ou confrontation à laquelle il a assisté, l’avocat peut présenter des observations écrites, jointes à la procédure, dans lesquelles il peut consigner les questions éventuellement refusées. L’avocat peut aussi adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la république pendant la durée de la garde à vue [44] [45].

5- Respect de la dignité.

La garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. Cette exigence est rappelée par différents textes. Le Conseil constitutionnel souligne

« qu’il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de veiller à ce que la garde à vue soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne ; qu’il appartient, en outre, aux autorités judiciaires compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le Code de procédure pénale et, le cas échéant, sur le fondement des infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne gardée à vue et d’ordonner la réparation des préjudices subis » [46].

Cette exigence ressort également des dispositions du Code de procédure pénale, notamment de l’article préliminaire, des article 63 et 803 [47].

S’y ajoute, de façon générale, le Code de la sécurité intérieure dont l’article R434-14 dispose que :

« Le policier ou le gendarme est au service de la population.
Sa relation avec celle-ci est empreinte de courtoisie et requiert l’usage du vouvoiement.
Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d’une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération
 ».

Ce respect de la dignité concerne tout d’abord les conditions dans lesquelles la personne gardée à vue est maintenue à la disposition des enquêteurs. Relèvent de cette considération : l’entretien des cellules, la présence de sanitaires, d’un chauffage, d’une ventilation adéquate, de la mise à disposition d’un repas, de couvertures et de matelas propres [48]. Par ailleurs, elle dispose, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité [49]. Doivent également être respectées les dispositions de l’article 803 du Code de procédure pénale selon lesquelles

« Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite./Dans ces deux hypothèses, toutes mesures utiles doivent être prises, dans les conditions compatibles avec les exigences de sécurité, pour éviter qu’une personne menottée ou entravée soit photographiée ou fasse l’objet d’un enregistrement audiovisuel ».

Cette exigence se traduit en outre par un encadrement des fouilles corporelles. La pratique des fouilles intégrales est en principe interdite. Elles ne peuvent intervenir qu’à titre exceptionnel et sont soumises à des conditions. Ainsi, lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à une fouille intégrale d’une personne gardée à vue, celle-ci doit être décidée par un officier de police judiciaire et réalisée dans un espace fermé par une personne de même sexe que la personne faisant l’objet de la fouille. La fouille intégrale n’est possible que si la fouille par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique ne peuvent être réalisées.

Lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à des investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue, celles-ci ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet [50].

C- Le contrôle.

La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire sous le contrôle de l’autorité judiciaire [51]. L’officier de police judiciaire informe le procureur de la République dès le début de la mesure par tout moyen [52]. L’exigence d’une appréciation continue de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure de garde à vue impose que les officiers de police judiciaire rendent régulièrement compte au procureur de la République selon les modalités appropriées [53].

Différentes dispositions permettent de s’assurer du respect de la régularité de la procédure durant son déroulement par l’autorité qui dirige l’enquête (procureur de la République, notamment) et par la formation de jugement saisie d’une demande de nullité de l’acte.

Documents écrits.

L’officier de police judiciaire doit établir un procès-verbal récapitulatif du déroulement de la garde à vue comportant, conformément aux dispositions de l’article 64 du Code de procédure pénale : les motifs justifiant le placement en garde à vue, la durée des auditions de la personne gardée à vue et des repos qui ont séparé ces auditions, les heures auxquelles elle a pu s’alimenter, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit déférée devant le magistrat compétent ; le cas échéant, les auditions de la personne gardée à vue effectuées dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue ; les informations données et les demandes faites en application des articles 63-2 à 63-3-1 et les suites qui leur ont été données ; s’il a été procédé à une fouille intégrale ou à des investigations corporelles internes.

Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue. En cas de refus, il en est fait mention.

Parallèlement à la rédaction du procès-verbal, la loi exige que soit tenu un registre consacré à la garde à vue, sur lequel l’officier de police judiciaire doit porter un certain nombre de mentions. Doivent y être inscrites toutes les mentions relatives aux dates et heures du début et de fin de garde à vue, à la durée des auditions et des repos séparant ces auditions et à l’exécution des fouilles intégrales ou d’investigations corporelles internes. Ce registre, ainsi que le précise l’article 64 du Code de procédure pénale, peut être tenu sous forme dématérialisée.

Enregistrement audiovisuel des auditions.

La loi a aménagé l’enregistrement audiovisuel obligatoire des auditions effectuées dans un local de police ou de gendarmerie des mis en cause pour crimes [54] et celles du mineur placé en garde à vue.

Surveillance générale des locaux.

Le procureur de la République contrôle les mesures de garde à vue. Il visite les locaux de garde à vue chaque fois qu’il l’estime nécessaire et au moins une fois par an, il tient à cet effet un registre répertoriant le nombre et la fréquence des contrôles effectués dans les différents locaux. Il adresse au Procureur général un rapport concernant les mesures d garde à vue et l’état de locaux de garde à vue de son ressort. Ce rapport est transmis au garde des Sceaux lequel rend compte de l’ensemble des informations ainsi recueillies dans un rapport public annuel [55].

Par ailleurs, les députés, les sénateurs, les parlementaires européens élus en France, ainsi que les bâtonniers sur leur ressort ou leur délégué spécialement désigné au sein du conseil de l’ordre ont la possibilité de visiter les locaux de garde à vue, à tout moment [56].

La loi du 30 octobre 2007 a conféré au contrôleur général des lieux de privation de liberté compétence non seulement pour contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, mais encore pour s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux [57].

Contrôle juridictionnel.

Un contrôle juridictionnel consécutif à une contestation peut être effectué. Il porte alors sur le placement et/ou sur les formalités substantielles [58]. Avec la possibilité d’une nullité pour sanctionner l’irrégularité détectée.

La garde à vue n’est qu’un moyen mis à la disposition des enquêteurs et qui repose notamment sur une suspicion. Encore faudra-t-il ensuite établir, eu égard notamment aux opérations de qualification et d’imputation, la culpabilité du mis en cause. C’est dire que le regard porté sur la garde vue ne peut pas uniquement dépendre des éléments tirés de la suite judiciaire. Est également essentielle la condition du mis en cause, tout au long de la procédure.

Eric Tigoki Avocat au barreau de Paris - G794

[1« L’infraction est une transgression punissable.
Ce caractère punissable affecte autant le fait que son auteur. Le fait n’est punissable que s’il peut être qualifié pénalement : il doit pour cela correspondre exactement au comportement interdit par la loi et n’être pas couvert par une cause de justification. Quant à l’auteur, il n’est punissable que si ce fait qualifié peut lui être imputé. Deux opérations étroitement mêlées sont donc nécessaires pour établir la culpabilité de l’auteur de l’infraction et sa punissabilité : la qualification et l’imputation de l’infraction
 ». Relativement à l’imputabilité, une personne n’est coupable et donc punissable que si elle a compris et voulu son geste. Cette condition dite d’imputabilité a été exprimée par l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 13 décembre 1956, Laboube selon lequel « toute infraction, même non intentionnelle, suppose que son auteur ait agi avec intelligence et volonté ». Le fait doit émaner d’une personne dotée de discernement et il doit procéder d’une volonté libre (X.) PIN, Droit pénal général, Paris, Dalloz, 2023, Coll. Le cours Dalloz.14eme édition, p.189 Voir également, J.-Chr. Crocq, Le guide des infractions, Le guide pénal, Paris, Dalloz, 19eme édition, 2018.

[2Les pouvoirs des enquêteurs de police sont divers : il peut s’agir de constatations et de vérifications (recherches d’identité, surveillance, infiltration, prélèvement corporels…), de mesures permettant de mettre certaines personnes à la disposition de la police (audition, arrestation, garde à vue…) ou encore de recherches intrusives qui conduisent les enquêteurs à s’immiscer dans la vie privée des personnes concernées (perquisitions, saisies, interceptions et enregistrements dissimulés…) Voir, (E.) Verny, Procédure pénale, Paris, Dalloz, Coll. Le cours Dalloz,2022, 8eme édition.

[3La garde à vue relève des articles 62-2 et suivants du Code de procédure pénale pour l’enquête sur infraction flagrante, auxquels renvoie l’article 77 du Code de procédure pénale pour l’enquête préliminaire.

[4Procédure pénale, Paris, LexisNexis, 15eme édition, 2022.

[5CPP. art.73 al.2.

[6Code de la Santé publique, art.L3341-2.

[7« Le procureur de la République compétent pour être avisé des placements en garde à vue, en contrôler le déroulement, en ordonner la prolongation et décider de l’issue de la mesure est celui sous la direction duquel l’enquête est menée. Toutefois, le procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue est également compétent pour la contrôler et en ordonner la prolongation » CPP.art.63-9.

[8A contrario, les personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures. Un simple témoin peut donc être retenu le temps strictement nécessaire à son audition, mais ne peut être placé en garde à vue (CPP art.62, al.2 et 78, al.2).

[9Il dispose que : « Lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d’une personne font apparaître que celle-ci fait l’objet d’une mesure de protection juridique, l’officier ou l’agent de police judiciaire en avise le curateur ou le tuteur. S’il est établi que la personne bénéficie d’une mesure de sauvegarde de justice, l’officier ou l’agent de police judiciaire avise s’il y a lieu le mandataire spécial désigné par le juge des tutelles.
Si la personne n’est pas assistée d’un avocat ou n’a pas fait l’objet d’un examen médical, le curateur, le tuteur ou le mandataire spécial peuvent désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit désigné par le bâtonnier, et ils peuvent demander que la personne soit examinée par un médecin.
Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences incombant aux enquêteurs en application du présent article doivent intervenir au plus tard dans un délai de six heures à compter du moment où est apparue l’existence d’une mesure de protection juridique.
Le procureur de la République ou le juge d’instruction peut, à la demande de l’officier de police judiciaire, décider que l’avis prévu au présent article sera différé ou ne sera pas délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne
 ».

[10(…) Attendu, en effet, que si les articles 1er et 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, modifiés par la loi du 24 mai 1951, posent le principe de l’irresponsabilité pénale du mineur, abstraction faite du discernement de l’intéressé, et déterminent les juridictions compétentes pour statuer lorsqu’un fait qualifié crime ou délit est imputé à des mineurs de 18 ans et pour prendre à l’égard de ces mineurs des mesures de redressement appropriées, sauf la faculté, quand il s’agit des mineurs âgés de plus de 13 ans, de prononcer une condamnation pénale si les circonstances et la personnalité du mineur paraissent l’exiger, encore faut-il, conformément aux principes généraux du droit, que le mineur dont la participation à l’acte matériel à lui reproché est établie, ait compris et voulu cet acte ; que toute infraction, même non intentionnelle, suppose en effet que son auteur ait agi avec intelligence et volonté ;
Attendu, toutefois, qu’après avoir décidé que le mineur X..., qui n’était âgé que de 6 ans au moment des faits délictueux, ne pouvait répondre devant la juridiction répressive de l’infraction relevée contre lui, l’arrêt ne pouvait que prononcer sa relaxe et ne pouvait sans contradiction prendre à son égard une mesure de redressement ; qu’il suit de là que la décision de remise de l’enfant à sa famille n’est pas légalement justifiée ;
Par ces motifs :
Casse et annule dans le seul intérêt de la loi et sans renvoi, l’arrêt rendu, le 1er décembre 1953, par la Chambre spéciale des mineurs de la Cour d’appel de Colmar.

[11Voir. (C) Renault-Brahinsky, Justice pénale des mineurs. Paris La défense, Gualino, Lextenso, 2021 ; M. Douchy-Oudot et L. Sebag, Guide des procédures relatives aux mineurs, Paris, LexisNexis,2021.

[12X. Pin, Droit pénal général, Paris, Dalloz, 2023, 14eme édition, p.341 ; Aux termes de l’article R11-1 du CJPM : « la capacité de discernement du mineur âgé de moins de treize ans et l’absence de capacité de discernement du mineur âgé d’au moins treize ans peuvent être établis notamment par leurs déclarations, celles de leur entourage familial et scolaire, les éléments de l’enquête, les circonstances dans lesquelles les faits ont été commis, une expertise ou un examen psychiatrique ou psychologique ». Ce qui fait dire à M. Douchy-Oudot et L. Sebag que « La France est en désaccord sur ce point avec la convention internationale des droits de l’enfant qui préconise d’établir un âge minimum en dessous duquel les enfants n’auront pas la capacité d’enfreindre la loi pénale et demeure isolée en Europe, la plupart des législations ayant fixé dans leur législation un seuil d’âge minimum de responsabilité pénale » Guide des procédures relatives aux mineurs, Paris, LexisNexis,2021, p. 311.

[13« Considérant que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante ; que toutefois, la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu’en particulier, les dispositions originelles de l’ordonnance du 2 février 1945 n’écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n’excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs (…) » Décision n°2002-461 DC du 29 aout 2002.

[14Aux termes de l’article 122-8 du Code pénale : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, en tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge, dans des conditions fixées par le Code de la justice pénale des mineurs ».

[15CJPM, art. L413-1.

[16CJPM art. L413 - 7.

[17CJPM, article L413-8.

[18Art. L413-10 du code.

[19« Pour l’application des articles 63,77 et 154, si les nécessités de l’enquête ou de l’instruction relatives à l’une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 l’exigent, la garde à vue d’une personne peut, à titre exceptionnel, faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune. Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d’instruction (…) ».

[20CJPM, art.L413-11.

[21CJPM, art.D413-14.

[22CJPM, art. L413-2.

[23CJPM, art.L413-15.

[24Le départ doit en effet être fait entre le placement effectif et le placement théorique. Le placement effectif débute dès que la personne a été contrainte de se tenir à la disposition de la police. Le placement effectif marque le moment auquel les fonctionnaires de police doivent notifier les droits.
Le placement théorique est celui auquel la personne s’est tenue à la disposition de la police qu’il y ait ou non contrainte. Le placement théorique détermine le point de départ de la garde à vue.

[25CPP. art.63-3 al1.

[26CPP. art.63-8, al.2.

[27« A tout moment de l’enquête préliminaire, le procureur de la République peut, lorsqu’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, indiquer à la personne mise en cause, à la victime ou à leurs avocats qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise à la disposition de leurs avocats, ou à leur disposition si elles ne sont pas assistées par un avocat, et qu’elles ont la possibilité de formuler toutes observations qui leur paraîtraient utiles.
Ces observations peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification des faits pouvant être retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qui seraient nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (…)
 » art.77-2 CPP.

[28Aux termes de l’article 803-3 du Code de procédure pénale : « En cas de nécessité et par dérogation aux dispositions de l’article 803-2, la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter de l’heure à laquelle la garde à vue ou la retenue a été levée, à défaut de quoi l’intéressé est immédiatement remis en liberté.
Le magistrat devant lequel l’intéressé est appelé à comparaître est informé sans délai de l’arrivée de la personne déférée dans les locaux de la juridiction.
Lorsque la garde à vue a été prolongée mais que cette prolongation n’a pas été ordonnée par le juge des libertés et de la détention ou par un juge d’instruction, la personne retenue doit être effectivement présentée à la juridiction saisie ou, à défaut, au juge des libertés et de la détention avant l’expiration du délai de vingt heures
 ».

[29Au cours du déferrement, le procureur de la République informe la personne de son droit d’être assistée par un interprète et par un avocat de son choix ou commis d’office, constate son identité et lui fait connaître les faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique. Au vu des observations éventuelles de la personne ou de son avocat, le procureur de la République opte pour une procédure : de comparution immédiate, de comparution à délai différé, de convocation par procès - verbal, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité…).

[30L’exigence de la notification immédiate dès le placement en garde à vue est une application des dispositions de l’article 5§2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : « Toute personne arrêtée doit être informée dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ». La notification des droits est une formalité substantielle dont la violation emporte de plein droit la nullité de la garde à vue (Crim.14 déc.1999, Bull.crim.n°301 et 302) : « Tout retard dans la mise en œuvre de cette obligation, non justifiée par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée » ; Civ.1ere, 18 mai 2005, Bull.civ.I,n°214 : la nécessité de trouver un interprète constitue une circonstance insurmontable de nature à justifier un retard dans la notification des droits de la personne ; crim.,19 déc.2007, n°07-81.740 : constitue une circonstance insurmontable l’état d’ébriété de la personne gardée à vue dès lors qu’elle n’est pas en mesure de comprendre la portée des droits qui auraient pu lui être notifiés et de les exercer utilement.

[31CPP, art.63-1.

[32Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences incombant aux enquêteurs ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête, doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande.
Le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire, décider que l’avis sera différé ou ne sera pas délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne.

[33Afin d’assurer le bon ordre, la sûreté et la sécurité des locaux dans lesquels s’effectue la garde à vue, l’officier ou l’agent de police judiciaire détermine le moment, les modalités et la durée de cette communication, qui ne peut excéder trente minutes et intervient sous son contrôle, le cas échéant en sa présence ou en la présence d’une personne qu’il désigne. Si la demande de communication concerne les autorités consulaires, l’officier de police judiciaire ne peut s’y opposer au-delà de la quarante-huitième heure de la garde à vue (CPP. Art. 63-2).

[34La victime confrontée à une personne gardée à vue peut également être assistée par un avocat (CPP., art.63-4-5). Elle est informée de ce droit avant la confrontation et l’avocat peut, à sa demande, consulter les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste.

[35CPP art.633-1.

[36CPP. art.63-4.

[37CPP.art.63-4-1.

[38La personne gardée à vue peut également consulter ces documents ou une copie de ceux-ci. La Cour de cassation considère que l’absence de communication de l’ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n’est pas incompatible avec l’article 6, §3 de la convention européenne des droits de l’homme, car elle n’est pas de nature à priver la personne d’un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que l’accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d’instruction et de jugement. Crim.19 sept.2012, Bull. crim. n°194.

[39CPP.art.63-4-2.

[40Si l’avocat se présente après l’expiration du délai prévu au premier alinéa alors qu’une audition ou une confrontation est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s’entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l’article 63-4 et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l’article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s’entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l’audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire ou à la confrontation (al.2).

[41Si la personne gardée à vue est transportée sur un autre lieu où elle doit être entendue ou faire l’objet d’un des actes prévus à l’article 61-3 (reconstitution de l’infraction, séance d’identification des suspects dont elle fait partie) son avocat en est informé sans délai (CPP.art.63-4-3-1).

[42CPP art.63-4-2, al.1er.

[43CPP, art.63-4-3, al.1er.

[44CPP, art.63-4-3, al.3.

[45Sans préjudice de l’exercice des droits de la défense, l’avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu’il assiste, ni des informations qu’il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations (CPP.art.63-4-4).

[46Cons.cont.30 juill.2010, n°2010-14/22QPC, consid.20.

[47« III. (…) Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué sur l’accusation dont cette personne fait l’objet dans un délai raisonnable.
Au cours de la procédure pénale, les mesures portant atteinte à la vie privée d’une personne ne peuvent être prises, sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire, que si elles sont, au regard des circonstances de l’espèce, nécessaires à la manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité de l’infraction.
Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.
En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui.
En matière de crime ou de délit, le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire, y compris pour obtenir des renseignements sur sa personnalité ou pour prononcer une mesure de sûreté, lors de sa première présentation devant un service d’enquête, un magistrat, une juridiction ou toute personne ou tout service mandaté par l’autorité judiciaire. Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites sans que ledit droit ait été notifié.
(…)
 » article préliminaire du CPP.

[48Circ.crim.2011-1/E6, 23 mai 2011, NOR : JUSD1113979C, n°III.7.1.

[49Art.63-6 alinéa 2 du Code de procédure pénale.

[50CPP, art.63-7.

[51CPP, art.62-2.

[52CPP, art.63.

[53Circ.Crim.2011-13/E6,23 mai 2011, n°II.3.1.2.

[54CPP, art.64-1 al 1er.

[55CPP art.41.

[56CPP., art 719 : « Les députés, les sénateurs, les représentants au Parlement européen élus en France, les bâtonniers sur leur ressort ou leur délégué spécialement désigné au sein du conseil de l’ordre sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les locaux des retenues douanières définies à l’article 323-1 du Code des douanes, les lieux de rétention administrative, les zones d’attente, les établissements pénitentiaires et les centres éducatifs fermés mentionnés à l’article L113-7 du Code de la justice pénale des mineurs.
A l’exception des locaux de garde à vue, les députés, les sénateurs et les représentants au Parlement européen mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent être accompagnés par un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle mentionnée à l’article L7111-6 du Code du travail dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat
 ».

[57Voir, Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté : « L’arrivée dans les lieux de privation de liberté » Paris, Dalloz, 2021, « La nuit dans les lieux de privation de liberté » Paris, Dallozs,2019, « Les violences interpersonnelles dans les lieux de privation de liberté » Paris, Dalloz, 2019.

[58Dans son appréciation, la juridiction doit se situer lors du placement en garde à vue, seul moment à prendre en considération pour le contrôle de la légalité de la mesure, en l’état des éléments dont disposaient alors les officiers de police judiciaire.