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Le contentieux de la tarification sanitaire et sociale. Par Tom Riou, Avocat.
Parution : mardi 30 mai 2023
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Régie par le Code de l’action sociale et des familles, la procédure devant les juridictions de la tarification sanitaire et sociale apparaît fortement dérogatoire par rapport au contentieux administratif classique. Tour d’horizon.

Les Tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) et la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS) constituent les juridictions administratives spécialisées compétentes pour connaître des litiges relatifs à la tarification des prestations des établissements et services sanitaires, sociaux et médicaux-sociaux, de statut public ou privé.

La procédure devant ces juridictions apparaît fortement dérogatoire par rapport au contentieux administratif classique et mérite, à cet égard, un point salutaire.

La compétence matérielle et territoriale des tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale.

Les TITSS sont, matériellement, compétents pour se prononcer, en première instance, sur les recours dirigés contre les décisions relatives aux :

Ces décisions peuvent, ainsi, émaner des :

Il existe cinq TITSS, répartis sur le territoire métropolitain (Bordeaux, Lyon, Nancy, Nantes et Paris).

En pratique, chaque TITSS siège au sein de la cour administrative d’appel de la ville.

La composition des Tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale.

Les juridictions sanitaires et sociales sont des juridictions échevinales, composées de magistrats professionnels et de juges non professionnels.

Ainsi, les TITSS sont Présidés par un magistrat de l’ordre administratif, qui dispose d’une voix prépondérante en cas de partage des voix.

Ils sont, en outre, composés de :

Ces membres sont nommés pour une période de cinq ans renouvelable, après avis du président du TITSS.

Les fonctions de commissaire du gouvernement sont, pour leur part, exercées par un ou plusieurs membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Ces magistrats, indépendants de la formation de jugement, sont amenés à donner, lors de l’audience, leur avis sur les dossiers soumis à la juridiction.

En outre, des (rapporteurs, qui sont, en principe, des magistrats administratifs, sont chargés d’instruire les dossiers soumis aux TITSS, sans être, formellement, membres du tribunal.

L’introduction des recours devant les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale.

Toute personne morale ou physique intéressée est recevable à saisir les TITSS. Les administrations peuvent également, en cas de litige, saisir les juridictions sanitaires et sociales.

Si le recours à un avocat n’est pas obligatoire, il est fortement recommandé de se faire accompagner d’un spécialiste, au regard de la technicité liée au dépôt des requêtes devant les juridictions de la tarification sanitaire et sociale.

Ainsi, les recours doivent être introduits devant les TITSS dans un délai très court d’un mois suivant la publication ou la notification de la décision contestée.

Concrètement, les recours sont déposés au greffe de la juridiction, contre récépissé, ou adressés par lettre recommandée.

Ils doivent être accompagnés de quatre copies conformes, destinées aux autres parties à la procédure.

Le recours doit contenir l’exposé des faits et des moyens de droit sur lesquels il se fonde, ainsi que les conclusions récapitulant les demandes formulées devant la juridiction.

En outre, le recours doit être accompagné de la décision ou du jugement attaqué.

Concrètement, peuvent être soulevés des moyens de légalité externe, tirés de vices de procédures, ou de légalité interne contestant, au fond, la manière dont l’autorité tarificatrice a fixé un tarif.

S’il conteste la tarification appliquée, le requérant doit exposer, au soutien de sa requête, les raisons pour lesquelles il n’était pas possible, selon lui, d’adapter ses propositions budgétaires aux montants approuvés par l’autorité de tarification.

L’instruction des recours devant les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale.

Immédiatement après son enregistrement par le greffe du TITSS, le recours est communiqué, par le greffe, à l’auteur de la décision litigieuse, ainsi qu’à l’organisme gestionnaire de l’établissement ou du service dont la tarification est contestée (si cet établissement ou service n’est pas l’auteur du recours).

Les défendeurs doivent alors produire leur défense dans un délai très court de quarante-cinq jours suivant la communication de la requête, renouvelable une fois sur demande expresse.

A l’issue de ce délai, si, après une mise en demeure du président de la juridiction, la partie défenderesse n’a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans le recours.

La défense et les observations en réponse sont immédiatement communiquées par le greffe et par lettre recommandée au requérant, qui peut répliquer dans un nouveau délai strict d’un mois suivant cette communication.

Afin de préparer cette défense, le requérant peut prendre connaissance des pièces produites par l’administration, sans déplacement du dossier, au greffe du tribunal. Il pourra, alors, solliciter la communication de copies de ces pièces.

Sauf décision contraire du président de la juridiction, l’instruction est close par l’enregistrement de la réplique ou, à défaut, par l’expiration du délai d’un mois imparti pour sa production et il n’est pas tenu compte de la réplique éventuellement enregistrée après l’expiration de ce délai.

Après la clôture de l’instruction, le dossier est transmis au rapporteur qui prépare, sur chaque affaire, un rapport et un projet de décision ou de jugement, qui sont ensuite transmis, avec le dossier, au commissaire du gouvernement.

Le commissaire du gouvernement, après examen du recours, l’inscrit au rôle d’une audience, ce dont sont informés les parties, par lettre recommandée, au moins dix jours avant la tenue de l’audience.

L’audience devant les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale.

Le président du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale peut choisir, ab initio, de régler par ordonnance, les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention d’une formation collégiale.

Le président du TITSS peut, ainsi, décider, par ordonnance, de :
- donner acte des désistements ;
- rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction tarifaire ;
- constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur une requête ;
- rejeter les requêtes irrecevables ;
- statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la charge des dépens ou la condamnation aux frais non compris dans les dépens ;
- statuer sur les requêtes relevant d’une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification des faits, présentent à juger en droit des questions identiques à celles qu’elle a déjà tranchées par une même décision passée en force de chose jugée.

Pour les autres affaires, qui font l’objet d’une audience, le dossier est présenté, à l’audience, par son rapporteur.

A l’issue de cette présentation, les parties à la procédure ou leurs avocats peuvent formuler de brèves observations orales, à l’appui de leurs conclusions écrites.

Le commissaire du gouvernement donne, ensuite, ses conclusions sur l’affaire.

Par ses conclusions, le commissaire du gouvernement éclaire le tribunal sur les questions de droit applicables au litige et rend un avis sur le sens à donner au litige, sans que cet avis ne lie la juridiction qui peut, ainsi, statuer dans un sens différent à celui proposé par le commissaire du gouvernement.

Les conclusions du commissaire du gouvernement n’étant pas communiquées aux parties préalablement à l’audience, il apparaît important d’assister aux audiences devant les TITSS, notamment pour prendre connaissance de ces conclusions et, ainsi, comprendre le raisonnement suivi par le juge.

A l’issue de l’audience, l’affaire est mise en délibéré et le jugement est rendu à une date ultérieure, chaque partie recevant, par lettre recommandée, une copie du jugement.

L’exécution des décisions rendues par les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale.

Le contentieux de la tarification sanitaire et sociale étant un contentieux de pleine juridiction, le TITSS, lorsqu’il annule la décision contestée, peut également fixer lui-même le montant de la dotation globale, du forfait de soins, du prix de journée ou de tout autre élément de tarification qui était en litige. Le TITSS peut, également, renvoyer à l’auteur de la décision annulée le soin d’en fixer le montant, sur les bases qu’il indique.

Les décisions du juge du tarif sont mises en œuvre lors de l’exercice au cours duquel elles sont notifiées à l’autorité de tarification.

Le tribunal peut, à cet égard, prononcer des injonctions, le cas échéant sous astreinte, afin de contraindre l’autorité de tarification d’exécuter sa décision dans un sens donné.

Concrètement, l’administration doit adopter une décision budgétaire modificative, prenant en compte la décision rendue par le TITSS.

Cela étant, le Code de l’action sociale et des familles précise que tout paiement de sommes supplémentaires tient compte, le cas échéant, des sommes déjà versées au même titre par l’autorité de tarification.

La Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale.

Les décisions rendues par les TITSS peuvent faire l’objet d’appels interjetés, dans le mois suivant la notification du jugement rendu par le TITSS, devant la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS).

La CNTSS, juridiction unique située à Paris est, ainsi, compétente pour statuer en appel sur les décisions rendues par l’ensemble des TITSS.

Elle est composée d’un président, conseiller d’Etat, et comprend, de manière paritaire, six membres nommés au sein d’une liste proposée par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l’action sociale et six membres nommés au sein d’une liste proposée par le collège formé des membres du comité national de l’organisation sanitaire et sociale (comprenant, pour chaque liste, trois titulaires et trois suppléants). Les commissaires du gouvernement sont, pour leur part, des conseillers d’Etat.

La CNTSS peut se réunir en formation plénière de sept membres, ou en formation restreinte de trois membres. Le président de la cour peut, également, régler par ordonnance les affaires ne justifiant pas l’intervention d’une formation collégiale.

La procédure devant la CNTSS est, globalement, comparable à celle qui prévaut devant les TITSS.

Les arrêts rendus par la CNTSS peuvent, quant à eux, faire l’objet d’un éventuel pourvoi en cassation, devant le Conseil d’Etat, dans un délai de deux mois.

Tom Riou, Avocat au Barreau de Paris [->tomriou.avocat@gmail.com] [->https://www.tomriou-avocat.com/]