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Juin 2023 : que nous dit pour le moment le projet de loi immigration ? Par Yssam Saidi, Avocat.
Parution : jeudi 8 juin 2023
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« La loi sur l’immigration est morte, vive les lois sur l’immigration ». C’est de cette manière que s’ouvre l’article de La Matinale du Monde [1] ; « Emmanuel Macron annonce que le projet de loi immigration sera ajourné et découpé », le 23 mars 2023.

Le texte du projet de loi « Immigration et intégration », porté notamment par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, a été présenté en Conseil des ministres le 1er février 2023.

Il comportait au départ 27 articles, mais va être remanié. Il prendrait la forme d’un projet de loi plus restreint, avec moins d’articles, mais auxquels s’ajouteraient plusieurs propositions de loi portées par des parlementaires.

Ce projet de loi, s’il est adopté, amènera de nombreux changements.

Un projet de loi bouleversant l’ordre établi par la législation actuelle : la promesse du gouvernement.

Le projet de loi contient des changements ambitieux, ce qui constituerait un bouleversement de ce qui a été établi auparavant en droit d’asile et en droit des étrangers.

Le texte a pour ambition de renforcer, par la langue et le travail, l’intégration des étrangers. Cela passerait notamment par l’instauration du conditionnement de l’obtention d’une première carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d’un niveau minimal de français, attestée par un examen.

Il a aussi pour objectif de lutter contre l’immigration clandestine et de faciliter les expulsions, notamment celles des étrangers déjà condamnés « pour des crimes et délits punis de dix ans ou plus d’emprisonnement ». Le projet de loi se veut également sévère au regard des étrangers menaçant l’ordre public, puisque les protections contre l’éloignement seraient réduites dans ce cas.

Le projet de loi se veut également un moyen de réduire considérablement les délais d’examen des demandes d’asile, en engageant une réforme structurelle du système d’asile français, et une large simplification du contentieux des étrangers. Cela serait illustré par la mise en place systématique du juge unique à la Cour nationale du droit d’asile, ou la territorialisation de la cour. La volonté d’efficacité de l’action de l’Etat peut elle se retrouver dans les mesures de généralisation de la délocalisation des audiences en matière de privation de liberté ou de la prise d’empreinte sous contrainte, sans contrôle préalable d’une juridiction.

Le gouvernement n’a cependant pas maintenu la mesure prévoyant de rendre l’obligation de quitter le territoire français automatique en cas de rejet du dossier des demandeurs d’asile, notamment défendue par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Le projet de loi présente aussi des aspects plus souples, comme la permission pour les travailleurs sans papiers présents sur le territoire depuis 3 ans et travaillant dans des secteurs qui manquent de main d’œuvre d’obtenir un titre de séjour « métiers en tension », dont la validité serait d’un an.

Le projet de loi est donc ambivalent, mais aussi controversé et largement critiqué.

Un projet de loi vivement critiqué.

Dans un communiqué intitulé « Report de l’examen du projet de loi asile et immigration. Les associations et collectifs ne sont pas dupes » et publié le 23 mars 2023, de nombreuses associations, dont Amnesty International France, l’Anafé, la Cimade ou la Ligue des Droits de l’Homme, dénoncent les dispositions du projet de loi, « qui ne feront que fragiliser et restreindre les droits des personnes exilées ».

Elles appellent le gouvernement à abandonner définitivement ce projet de loi et à faire droit à leurs propositions « pour la mise en place d’une politique migratoire fondée sur l’accueil, le respect des droits fondamentaux et la dignité humaine ».

Le Défenseur des droits n’est pas non plus avare de critiques, puisqu’elle pointe du doigt dans un avis du 23 février 2023 le risque d’atteinte aux droits fondamentaux des étrangers, renforcé par la réduction des garanties procédurales dont ils peuvent bénéficier.

Elle met notamment en lumière le fait que

« la souveraineté de l’État l’autorise à définir les "conditions d’admission des étrangers sur son territoire", de leur séjour et de leur éloignement. Toutefois, ces conditions ne peuvent restreindre arbitrairement les droits fondamentaux des étrangers. Or, le projet de loi déposé au Sénat est de nature à porter gravement atteinte à ces droits ».

L’examen du projet de loi, qui devait se tenir le 28 mars au Sénat, a été reporté.

Reste à savoir quand il sera réellement examiné et ce qu’il contiendra exactement. A priori il sera voté en juillet….

A suivre…

Yssam Saidi Avocat au Barreau de l'Essonne https://www.avocats91.com