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Pour un développement des legaltechs d’avocat dans le respect des principes essentiels de la profession d’avocats.
Parution : lundi 10 juillet 2023
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L’avocat peut, depuis les décrets dits Macron [1], exercer une activité commerciale pour peu qu’elle soit connexe et accessoire. Même si le terme est discuté mais néanmoins consacré [2], l’on assiste depuis plusieurs années au développement de legaltechs d’avocats.

Les avocats doivent informer, par écrit, le barreau dont ils relèvent dans un délai de trente jours suivant le début de l’activité concernée. Il n’existe pas de contrôle a priori en la matière. Dès lors qu’aucune procédure d’approbation préalable n’a été prévue, il n’appartient pas au conseil de l’Ordre ou au bâtonnier de se prononcer sur la compatibilité ou non de l’activité.

Le barreau peut, en application de l’article 111 du décret du 27 novembre 1991,

« demander tous renseignements ou documents utiles pour lui permettre d’apprécier si une telle activité est compatible avec les règles de déontologie de la profession ».

Il ne peut qu’en prendre acte et devra procéder, ultérieurement, à des contrôles afin de déterminer si l’activité exercée est conforme aux textes. A défaut, il appartiendra au bâtonnier de mettre en œuvre soit une procédure d’omission, en application de l’article 105 1°) du décret du 27 novembre 1991, soit une procédure disciplinaire, à l’encontre de l’avocat en situation d’incompatibilité, le cumul des deux procédures étant possible.

Parallèlement, pour ses activités professionnelles, comme personnelles, il a été toujours considéré que l’avocat restait tenu aux principes déontologiques attachés à son serment [3].

Les principes essentiels de la profession d’avocats s’appliquent à l’avocat legaltecher qui devra faire preuve de probité, dignité, indépendance, humanité et conscience...

A l’occasion de son assemblée générale du 1er juillet 2022, l’assemblée générale du CNB a voté que les règles déontologiques de la profession d’avocat s’appliquent à l’avocat qui, dans le cadre d’une société commerciale distincte de son cabinet, procède à

« la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l’exercice de la profession d’avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d’autres membres de la profession ».

L’intention est bien d’aller vers une application beaucoup plus précise et exhaustive de l’ensemble des règles déontologiques. Cette application doit être précisée ultérieurement quant aux exigences et recommandations particulières qui en découlent.

Si l’on ajoute aux principes essentiels, ne serait-ce que la gestion des conflits d’intérêt ou du secret professionnel dans des activités commerciales, on mesure la difficulté pratique comme la lourdeur administrative pour la legaltech d’avocats. En effet, la legaltech ne connaît pas nominativement ses clients, lesquels peuvent être des centaines voire des milliers chaque mois ou trimestre, tout en n’intervenant pas elle directement comme conseil envers ses clients…

Alors qu’il apparaît que le cadre dans lequel l’avocat legaltecher peut évoluer est déjà beaucoup plus strict et contrôlé que pour une legaltech portée par non-avocats, il faut craindre qu’un niveau d’exigence trop élevé en termes de standards déontologiques ne freine l’innovation et n’introduise une distorsion de concurrence au profit des autres legaltechs sans avocats.

L’incubateur du Barreau de Paris, pionner de l’innovation des avocats par les avocats ne peut que s’alarmer de l’orientation que pourrait prendre les travaux du CNB. Le maintien ou, mieux, la clarification du statu quo actuel ne peut être que la seule voie raisonnable.

Eric Le Quellenec pour l’Incubateur du Barreau de Paris

[1Et tout particulièrement le décret n°2016-882 du 29 juin 2016 - art. 4.

[2Voir les 2 colloques consacrés à ce sujet au Sénat en 2018 et 2019.

[3Point rappelé par le CNB dans le Guide pratique participation des avocats aux plateformes détenues par des tiers, page 23. A l’occasion de l’information à l’Ordre de ces activités commerciales, il faut rappeler, en application de l’article 111 du décret de 1991, le contrôle qu’« une telle activité est compatible avec les règles de déontologie de la profession », point rappelé par la Commission du statut professionnel de l’avocat, avis technique n° 2017/008b. Voir dans le même sens, l’avis déontologique n° 2011/054 pour la présence d’avocat sur Facebook.

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