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La rupture du CDI pour cas de force majeure. Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : lundi 31 juillet 2023
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La force majeure peut être définie comme l’événement répondant aux trois caractéristiques suivantes : imprévisibilité, irrésistibilité et extériorité. Il peut s’agir, par exemple, de la destruction totale de l’entreprise à la suite d’un incendie compromettant la reprise de l’activité. La poursuite du contrat de travail en raison de cet événement est rendue impossible.

1. Champ d’application de la force majeure.

Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur [1].

Pour la Cour de cassation, la force majeure permettant à l’employeur de s’exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d’un contrat de travail s’entend de la survenance d’un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution [2].

A titre d’exemple, la jurisprudence a pu admettre l’existence d’un cas de force majeure en présence d’un incendie d’origine criminelle ayant rendu l’entreprise inexploitable [3].

A l’inverse, la force majeure ne peut pas être invoquée dans l’hypothèse d’une gelée tardive, même classée « calamité agricole », qui n’est pas un événement imprévisible [4].

De même, l’interdiction administrative d’exploiter une plage n’est pas imprévisible si les lieux ont été déclarés pollués à plusieurs reprises au cours des saisons précédentes [5].

2. Exclusion des règles relatives au licenciement.

La rupture d’un contrat de travail résultant d’un cas de force majeure ne s’analyse pas en un licenciement et n’en a donc pas les effets [6].

Le contrat de travail est rompu immédiatement, par l’effet de la force majeure et non par la décision de l’employeur.

Il suffit en effet, pour l’employeur, de constater la rupture du contrat de travail pour force majeure [7].

Dès lors que l’existence d’un cas de force majeure ayant entraîné la cessation des relations contractuelles est constatée, l’employeur ne peut pas être condamné à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour défaut d’entretien préalable [8].

L’employeur n’est donc pas tenu de respecter une procédure particulière pour rompre le contrat de travail.

Il doit cependant informer formellement le salarié de la rupture.

Enfin, le salarié doit, classiquement, recevoir ses documents de fin de contrat.

3. Indemnités de rupture.

Les indemnités de rupture dues au salarié diffèrent selon que la rupture résulte d’un sinistre (ex. incendie) ou non.

3.1. En l’absence de sinistre.

La cessation de l’entreprise pour cas de force majeure libère l’employeur de l’obligation de respecter le préavis et de verser l’indemnité de licenciement prévue à l’article L1234-9 [9].

Dès lors que du fait d’un cas de force majeure, l’employeur se trouve dans l’impossibilité absolue de continuer à exécuter le contrat de travail le liant à un salarié, il ne peut pas être condamné à verser à l’intéressé l’indemnité de préavis [10] et de licenciement [11].

Dans une telle hypothèse, le salarié est uniquement éligible à son indemnité de congés payés et aux éléments de salaire lui restant dus à la date de la rupture.

Il convient toutefois de vérifier si la convention collective prévoit des dispositions plus favorables au salarié.

Par ailleurs, un arrêt ancien a pu juger qu’une clause du contrat de travail prévoyant le versement d’une indemnité de préavis et d’une indemnité de licenciement « quelle que soit la cause de la rupture » doit s’appliquer même dans l’hypothèse d’une rupture consécutive à un cas de force majeure [12].

3.2. En présence d’un sinistre.

Lorsque la rupture du contrat de travail à durée indéterminée résulte d’un sinistre relevant d’un cas de force majeure, le salarié a droit à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui qui aurait résulté de l’application des articles L1234-5, relatif à l’indemnité compensatrice de préavis, et L1234-9, relatif à l’indemnité de licenciement [13].

Le texte précise que cette indemnité est à la charge de l’employeur.

Le Code du travail ne donne aucune précision sur le régime social et fiscal de cette indemnité et la jurisprudence n’a pas statué sur la question.

Enfin, le salarié est également éligible à son indemnité de congés payés et aux éléments de salaire lui restant dus à la date de la rupture.

Xavier Berjot Avocat Associé au barreau de Paris Sancy Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

[1C. civ. art. 1218.

[2Cass. soc. 16-5-2012, n° 10-17.726.

[3Cass. soc. 20-12-1989, n° 86-45.181 ; Cass. soc. 2-12-1992, n° 89-44.620.

[4Cass. soc. 25-10-1995, n° 93-40.866.

[5CA Aix-en-Provence 1-2-1982, n° 80-5761.

[6Cass. soc. 24-4-1986, n° 83-43.220.

[7Cass. soc. 19-11-1980 n° 78-41.574.

[8Cass. soc. 27-4-1989, n° 86-41.217.

[9C. trav. art. L1234-12.

[10Cass. soc. 2-5-1978, n° 77-40.406.

[11Cass. soc. 3-12-1975, n° 74-40.354.

[12Cass. soc. 23-5-1962, n° 60-40.762.

[13C. trav. art. L1234-13.

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