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L’exosquelette au service du handicap : entre technologie et utopie. Par Marion Baudry, Clémance Colin, Albane Savary, Etudiantes.
Parution : mercredi 16 août 2023
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Cet article met en exergue le rôle émergent des exosquelettes dans le domaine de l’assistance aux personnes en situation de handicap, ainsi que la règlementation qui les entoure. Autrefois considérés comme relevant de la science-fiction, les exosquelettes sont aujourd’hui des dispositifs médicaux pouvant être utilisés dans le but d’améliorer l’indépendance et la qualité de vie des personnes en situation de handicap.
Malgré l’obtention de cette qualification, les exosquelettes interrogent quant à l’équilibre délicat entre la promesse technologique au service des personnes en situation de handicap et les réalités éthiques et sociales soulevées par leur utilisation.

« C’est un message d’espoir pour les personnes dans le même état que moi : il y a des choses possibles, même si on a un gros handicap ». Ces mots sont ceux de Thibault, tétraplégique depuis une chute en 2015 et qui parvient maintenant à diriger par la pensée l’exosquelette lui permettant de faire des mouvements. Il était le premier patient à participer à l’essai clinique de Clinatec, un centre de recherche biomédicale rattaché au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), au CHU de Grenoble-Alpes, à l’INSERM et à l’université Grenoble-Alpes [1].

Un nouveau-né placé en position verticale fait déjà des mouvements de marche. Il s’agit du réflexe de la marche automatique qui permet d’évaluer la motricité du bébé. Le bon déroulement de cet examen par le pédiatre est important, car l’Homme se déplace grâce à ses deux jambes et a organisé toutes les activités de la vie autour de ce mode de déplacement [2]. Nombreuses sont les causes qui empêchent un individu d’utiliser membres inférieurs et supérieurs, tel peut être le cas des accidents ou maladies qui portent atteinte à la moelle épinière ou encore à la suite de problèmes neurologiques qui peuvent rendre les mouvements du corps trop douloureux voire impossibles. Mais il est bien évident qu’on ne peut pas se limiter à ces considérations, la notion de handicap étant bien plus élargie que cela et prenant en compte un nombre important d’autres causes rendant les mouvements du corps difficiles et/ou impossibles : les maladies incurables, les maladies génétiques, les handicaps invisibles...

Face à ce handicap, l’Homme a tout d’abord mis en place un système de rééducation afin de réapprendre à marcher, grâce à de la kinésithérapie, mais dans certains cas l’atteinte est tellement importante que la rééducation n’est qu’un confort pour éviter que les muscles se raidissent.
À partir des années 1960 une assistance robotisée a apporté un nouvel espoir pour les personnes n’ayant plus la possibilité de marcher, même si elle était tout d’abord conçue à des fins industrielles.
Le précurseur dans ce domaine est Ralph Mosher, un ingénieur américain qui travaillait pour General Eletric [3]. Il a développé un exosquelette qui s’attachait aux bras et jambes. Cet appareil multipliait sa force, il pouvait lever jusqu’à 680kg. Cet exosquelette était destiné à soulever des charges lourdes, comme des bombes sur les porte-avions de la marine américaine. Ce prototype n’a jamais vu le jour, car son poids, de près d’une tonne, était un inconvénient considérable et le mouvement des jambes était trop difficile.

Ce n’est que beaucoup plus tard que le progrès technique et les recherches scientifiques ont permis de pallier les problèmes qui avaient été rencontrés par Ralph Mosher.
L’entreprise française Wandercraft [4], spécialisée dans l’élaboration d’exosquelettes dans le but d’aider les personnes en situation de handicap, a ainsi commercialisé son exosquelette Atalante X pour la première fois en 2019 et il est désormais utilisé dans les hôpitaux européens et américains pour la rééducation.

Actuellement, l’exosquelette est un dispositif mécanique ayant pour but de reproduire le mouvement des principaux groupes musculaires qui dysfonctionnent. L’exosquelette améliore également la force et la mobilité des personnes qui l’utilisent.
D’un point de vue pratique l’exosquelette fonctionne soit grâce à des implants positionnés dans le cerveau qui permettent d’envoyer une information qui sera transformée en mouvement [5], soit en raison de capteurs externes au niveau du tronc. Ils vont détecter le mouvement puis le transformer en données pour être restituées à un ordinateur qui enverra des commandes électriques afin de faire bouger l’exosquelette. Les exosquelettes sont alimentés par une batterie, ce qui permet plus de mobilité et d’autonomie. Les exosquelettes sont de plus en plus utilisés dans le domaine de la santé, ils permettent d’aider les patients à retrouver de la mobilité et réapprendre les mouvements des bras et des jambes afin d’exécuter les tâches du quotidien.

L’exosquelette n’est plus au stade du prototype, il est actuellement vu comme l’avenir pour améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap, mais qu’en est-il de sa réglementation, de son statut ? Quels sont les avantages et les limites liés à son utilisation ? Au-delà de l’aide certaine que pourrait apporter l’exosquelette aux personnes en situation de handicap (I), il faudra appréhender certaines limites bloquant l’accessibilité de l’appareil, tels que le coût de fabrication ou la sécurité des individus face à ces machines (II).

I. L’exosquelette comme soutien aux personnes en situation de handicap.

L’exosquelette représente un véritable espoir pour les personnes en situation de handicap. En obtenant le statut de dispositif médical (A), il pourrait accompagner au quotidien les personnes atteintes d’un handicap moteur en leur permettant de reprendre le contrôle des mouvements de leur corps (B).

A. L’encadrement juridique de l’exosquelette en tant que dispositif médical.

L’exosquelette n’échappe pas à la réglementation stricte qui encadre la commercialisation des dispositifs conçus à des fins médicales. Il répond à la définition du dispositif médical donnée par le règlement européen 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux en application depuis le 26 mai 2021 [6], qui remplace les directives 93/42/CEE et 90/385/CEE. En effet, l’exosquelette est un appareil qui permet d’améliorer l’autonomie d’une personne atteinte de handicap.

Le règlement européen 2017/745 précise également que les logiciels et implants intervenant pour le fonctionnement de l’appareil font partie du dispositif. Ainsi les capteurs et l’ordinateur permettant de traduire les mouvements sont également reconnus dans le dispositif médical. Pour que l’appareil soit reconnu comme dispositif médical, il doit aussi avoir une « finalité médicale ».
L’article R. 5211-1 du Code de la santé publique [7] précise que cela peut être pour établir un diagnostic, permettre la prévention de maladies, ou un traitement compensant une blessure ou un handicap. L’exosquelette a pour finalité première de compenser un handicap, comme celui lié à la tétraplégie pour les personnes qui n’ont plus l’usage de leurs bras et de leurs jambes. L’exosquelette permet à ces personnes de se déplacer, il vient compenser la perte d’autonomie quotidienne.

Une fois cette qualification de dispositif médical obtenue, l’exosquelette doit répondre à la réglementation permettant de commercialiser le dispositif, c’est-à-dire le marquage CE. Ce marquage permet de montrer aux utilisateurs et aux autorités que le dispositif médical est conforme aux exigences de sécurité, de performance et de qualité imposées par le règlement 2017/745. Il atteste donc que la sécurité des patients est assurée aussi bien d’un point de vue médical que technique. Le processus de certification dépend de la classe de risque dans laquelle se situe le dispositif. Il existe 4 catégories prévues par l’annexe A du règlement 2017/745 qui vont du risque le plus faible au risque le plus élevé. La Classe I est un dispositif qui présente un faible degré de risque, la classe IIa est relative à un degré moyen de risque, la classe IIb à un risque potentiellement élevé et la classe III réunit les dispositifs ayant un risque potentiellement très sérieux. Pour déterminer la classe du dispositif, il faut prendre en compte la durée de l’utilisation, si le dispositif est invasif ou non, s’il est réutilisable et si sa visée est thérapeutique ou de diagnostic, ainsi que les parties du corps sur lesquelles il peut agir [8].

Par exemple, l’exosquelette avec un implant présente un risque très élevé, car un implant cérébral est implanté dans le corps du patient pour qu’il commande l’exosquelette. On ne peut donc pas le retirer facilement. De plus, l’exosquelette se place sur l’ensemble du corps, on pourrait donc placer l’exosquelette en tant que dispositif médical de classe III. Pour ce faire, c’est au fabricant d’établir la certification si son dispositif est de classe I, ou de choisir un organisme notifié si c’est un dispositif d’une autre classe.
En France c’est l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) qui effectue la surveillance du marché des dispositifs médicaux, elle contrôle les organismes notifiés. Une fois que la conformité du dispositif est approuvée par l’organisme notifié, le fabricant établit la déclaration en conformité pour apposer le marquage de conformité CE. Le marquage permet au dispositif médical d’être mis sur le marché. Nonobstant cette procédure, le fabricant reste le responsable de son dispositif et cela durant tout le cycle de vie du dispositif. De son côté, l’ANSM pourra faire retirer du marché un dispositif médical qui ne lui semble plus conforme aux exigences européennes.

Wandercraft, « leader mondial de la robotique dynamique appliquée aux exosquelettes de marche » [9], est à ce jour l’une des seules entreprises à pouvoir réaliser cette technologie.
En effet, cette entreprise spécialement créée pour développer des exosquelettes pour les personnes à mobilité réduite ou handicapées, a mis sur le marché en 2019 son premier exosquelette de marche auto-équilibré, nommé Atalante. L’exosquelette en tant que dispositif médical peut ainsi permettre à une personne atteinte de handicap de refaire des mouvements de la vie courante, facilitant ainsi son quotidien.

B. L’aide apportée dans le domaine de la réadaptation physique, véritable assistance dans des tâches spécifiquement déterminées.

En robotique, un exosquelette est un équipement articulé et motorisé fixé sur le corps au niveau des jambes et du bassin, voire également sur les épaules et les bras. Il facilite les mouvements en ajoutant la force de moteurs électriques.

Cette innovation technique se couple à l’incroyable organe qu’est le cerveau qui, grâce à sa plasticité, lui permet de recevoir les informations pour se déplacer et ainsi aider, à l’instar d’une rééducation intensive, longue et douloureuse, les membres qui étaient paralysés à fonctionner à nouveau. Cette plasticité cérébrale est bien le point d’orgue de cette révolution technique.

L’exosquelette va donner une information au cerveau, qui va mettre en mouvement les membres concernés. Cette ingénierie est un travail sur des décennies et ayant un résultat acceptable seulement ces dernières années. C’est pour cette raison qu’Emmanuel Macron, Président de la République, a accordé, le 26 janvier 2023, 10 millions d’euros du budget alloué à la sécurité sociale, pour le déploiement de 200 exosquelettes en France, soit près de 2 par département [10].

Ce déploiement massif des exosquelettes pour les années à venir permettra sans conteste d’améliorer la vie de milliers de personnes touchées par des maladies paralysantes ou des accidents les ayant rendus paralysées, telles que la sclérose en plaque, les victimes d’accident de la route ou les accidents du travail. Prenons l’exemple de Kévin Piette [11], dont la paraplégie résulte d’un accident, qui est équipé pendant ses séances de rééducation d’un exosquelette de la marque Wandercraft.
Par ailleurs, la Directrice clinique de Wandercraft, le Docteur Rebecca Sovignac, estime qu’ « à la phase très aiguë après un accident, on espère vraiment pouvoir potentialiser la récupération, et potentialiser tous les bienfaits de la rééducation ». Et c’est là le point éminemment important de l’exosquelette, le soutien structurel et mécanique des articulations qui permet de faciliter ou de remettre en impulsion des mouvements tels que la marche ou la montée des escaliers.

Cette prouesse technique est certes une avancée majeure pour améliorer la vie pratique des personnes concernées, mais elle l’est d’autant plus que cela a un réel impact sur la psychologie et la santé mentale. En effet, comme le disait très justement Sulayman, le parachutiste blessé de guerre qui a fait la démonstration de l’exosquelette devant le Président de la République, « Avoir tout le monde à même hauteur, c’est top pour le moral » [12]. On ne peut que comprendre ce sentiment de faire face au monde « comme tout le monde », retrouver cette liberté de mouvement et d’esprit.

Ainsi, les exosquelettes ont émergé comme une technologie prometteuse pour aider les personnes en situation de handicap à regagner leur mobilité et leur indépendance. Cependant, bien que les exosquelettes aient le potentiel d’être une aide précieuse pour ces personnes, leur utilisation est actuellement limitée par certains facteurs.

II. Une utilisation de l’exosquelette limitée dans le cadre du handicap.

Nonobstant les nombreux progrès promis par l’utilisation des exosquelettes par les personnes en situation de handicap, celles-ci restent confrontées à des difficultés notables. En effet, si le développement des exosquelettes pour pallier un handicap semble être une idée révolutionnaire, leur manque d’accessibilité se fait ressentir à bien des égards (A). Qui plus est, si cette technologie permet d’apporter un véritable soutien aux personnes en situation de handicap, elle peut aussi remettre en cause leur condition de personne, compte tenu de ses similitudes avec les attraits d’un robot (B).

A. Un progrès technique encore trop peu accessible.

La question de l’accessibilité est un axe majeur lorsqu’on évoque un handicap, quel qu’il soit. La loi « handicap » du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées [13] constituait une avancée formidable en garantissant l’accessibilité des personnes en situation de handicap à de nombreux domaines tels que les transports, l’éducation, le logement, les soins et les différentes offres médico-sociales. Malheureusement, cette loi a cruellement manqué – et manque toujours – d’effectivité.

Néanmoins, cette loi a institué une conférence nationale du handicap, dont la troisième réunion a eu lieu le 11 décembre 2014.
À cette occasion, la conférence nationale du handicap a fixé trois objectifs principaux :

Si les exosquelettes pouvaient permettre de remplir ces trois objectifs, ils restent encore trop peu accessibles à de nombreux points de vue pour les personnes en situation de handicap. « Marcher » ou « marché », quel est le véritable objectif ?
La première difficulté qui peut venir à l’esprit est évidemment celle du coût. Si le prix varie en fonction des technologies utilisées lors de sa conception, un exosquelette peut atteindre un coût exorbitant. À titre d’exemple, l’exosquelette de l’entreprise française Wandercraft coûte environ 200 000 €, mais les développeurs de ces technologies espèrent pouvoir fabriquer des appareils dont le coût équivaut à l’achat d’une voiture moyenne, pour démocratiser les exosquelettes.

En plus du manque de structures équipées (cette prouesse technologique est n’est mise à disposition des patients que dans une vingtaine d’hôpitaux en France et en Europe), un autre manque se fait cruellement sentir : celui des professionnels de santé formés à l’utilisation des exosquelettes. En effet, dans un contexte de désertification médicale où l’accès aux soins devient un véritable parcours du combattant, il faut, en plus de l’équipement, avoir le personnel adapté pour utiliser efficacement l’exosquelette, mais surtout en toute sécurité. Ces professionnels de santé, qui doivent être formés à ces technologies innovantes, doivent également l’être pour former à leur tour la personne en situation de handicap qui va devoir utiliser l’exosquelette. Ces qualités très recherchées devraient être développées à l’avenir, notamment par le processus de formation continue des professionnels de santé. C’était d’ailleurs le sujet de la conférence donnée par la Chaire Gestion des Services de Santé du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) et le Cercle Entreprises et Santé, le 25 mars 2021, intitulée « Les exosquelettes dans le secteur de la santé » [15].

S’agissant de la sécurité de ces exosquelettes, une fois l’acquisition de l’exosquelette effectuée et la formation par un professionnel de santé assurée, se posent des limites plus techniques. Car en plus d’un coût très important à l’achat, qu’en est-il de son renouvellement ? Ainsi, une durée et une fréquence d’utilisation quotidienne, voire permanente pour les personnes en situation de handicap, risquent fort de détériorer la qualité des éléments qui composent les exosquelettes, même si ces derniers n’ont pas une durée de vie particulière. Il faudrait en plus prévoir un budget pour renouveler cet équipement. Il y a également des appréhensions en termes de maintenance. Si des équipements motorisés et/ou robotisés nécessitent une batterie pour fonctionner correctement, il s’agit d’un aspect crucial à prendre en compte pour assurer une utilisation permanente sans discontinuité. Il convient de s’assurer avec certitude que l’assistance et le soutien offerts par les exosquelettes aux personnes en situation de handicap ne leur fait courir aucun danger. On peut sans mal imaginer une perte d’équilibre, suivie d’une chute, si l’exosquelette annonce « batterie faible ». Si une chute lors de l’apprentissage de la marche peut paraître quelque chose de naturel – un enfant ne tombe-t-il pas lors du même processus ? – cet événement peut s’avérer désastreux pour une personne dont la santé est déjà fragile et dont la chute est accentuée par le port d’une technologie avoisinant les 80 kg.

En outre, cela implique qu’il faut tout de même avoir une certaine armature osseuse et/ou musculaire pour pouvoir les utiliser. En effet, on imagine mal un jeune enfant pouvoir marcher avec une technologie pesant le triple de son poids. Alors, à l’instar du premier ordinateur, l’Electronic Numerical Integrator And Computer (ENIAC), qui pesait près de 30 tonnes, face à nos ordinateurs portables d’aujourd’hui, il ne reste plus qu’à espérer que le progrès technique permette d’améliorer les exosquelettes afin de les adapter au plus grand nombre.

B. Vers un développement de la machine, mais un déclin de l’humain ?

Les exosquelettes sont une aide et un soutien incontestables qui pourraient donner autonomie et indépendance dans la vie quotidienne des personnes en situation de handicap.
Cependant, les exosquelettes peuvent apparaître comme un « report » du problème, car ils ne traitent pas directement la cause du handicap. Avec les exosquelettes robotisés et motorisés, on tend à un développement de la machine, mais qu’en est-il des soins destinés à l’humain en tant que tel ? Les exosquelettes sont un réel progrès qui va permettre de faciliter le quotidien de nombreuses personnes, mais les douleurs, la fatigue et la plupart des troubles ne peuvent être compensés par la technologie. Cela doit être vu comme une aide, mais ne pas devenir l’unique source d’innovation. En effet, pourquoi ne pas plutôt concentrer le progrès dans la recherche ?

L’expansion de la machine peut connaître des proportions considérables. Les exosquelettes robotisés sont régis par la directive « Machine » n°2006/42/CE. Cette dernière ne concerne pas les exosquelettes plus simples qui seraient seulement composés d’éléments mécaniques tels que des ressorts.

Les personnes en situation de handicap, ainsi équipées de technologies robotiques, pourraient-elles s’apparenter par la suite à des cyborgs ? Un cyborg peut se définir comme « un être humain qui a bénéficié de greffes d’éléments artificiels » [16]. C’est pourquoi il paraît essentiel de bien déterminer si l’utilisation d’un exosquelette est appropriée pour une personne en situation de handicap. Un exosquelette répond avant tout à un besoin spécifique et bien déterminé en amont. Il ne pourrait être associé à un robot qui saurait « tout faire ». Il aura pour fonction l’apprentissage de la marche ou l’utilisation d’un bras mécanique par exemple. L’exosquelette ne pourra permettre, à titre d’illustration, un usage détourné comme le fait de pouvoir voler, à l’instar des technologies développées par les défenseurs de la théorie du transhumanisme [17].

En outre, l’utilisation d’un exosquelette ne doit pas négliger les considérations individuelles des personnes en situation de handicap. Il semble primordial de prendre en compte le ressenti lié à chaque utilisation. Par exemple, Clémentine, une jeune personne dépourvue de handicap qui a testé un exosquelette a expliqué que son « ressenti n’était pas celui d’une marche naturelle et [qu’elle a] surtout pensé à ce que peuvent éprouver des personnes qui marchent à nouveau pour la première fois grâce à cet équipement innovant » [18]. On peut alors imaginer que le côté dominant de la machine puisse perturber la personne en situation de handicap qui doit l’utiliser. Ainsi, il convient d’évaluer si l’utilisation d’un exosquelette est véritablement la solution la plus adaptée à l’individu, pour ne pas donner naissance à d’autres troubles, notamment des troubles de la personnalité ou des problèmes d’identification.

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a pris acte de ces évolutions techniques concernant le handicap en organisant notamment, le 27 janvier 2022, une audition publique sur la thématique suivante : « Quels progrès techniques pour une meilleure prise en charge du handicap ? » [19]. Si les pouvoirs publics prennent conscience de l’enjeu qu’est l’exosquelette dans la vie quotidienne des personnes atteintes de handicap, on peut ainsi penser que la société évoluera dans un sens favorable également et qu’une place de choix sera faite à cette évolution sans précédent.
Le vrai débat, finalement, ne reposerait-il pas sur l’acceptation des personnes atteintes de handicap dans notre société ?

Par Marion Baudry, Clémance Colin, Albane Savary étudiantes de la Clinique juridique One Health-Une seule santé, promotion 2022-2023 Sous la direction de Aloïse Quesne, Maître de conférences en droit privé à l'Université Paris-Saclay, Directrice de la Clinique juridique One Health-Une seule santé https://cjonehealth.hypotheses.org/

[1Le Monde avec AFP, « Un patient tétraplégique a réussi à marcher grâce à un exosquelette connecté à son cerveau », Le Monde, 4 oct. 2019, en ligne.

[2Fiche technique « Les réflexes du nouveau-né », Naître et grandir, oct. 2020, en ligne.

[3F. Hdqt « La Biomécanique c’est quoi ? », L’Homme augmenté, 28 févr. 2016, en ligne.

[4Atalante X, exosquelette de marche mains libres, est présenté sur le site Wandercraft.eu.

[5V. la vidéo « Un exosquelette contrôlé par le cerveau : comment ça marche ? », CEA, 27 févr. 2019, en ligne.

[6Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatifs aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE,le règlement (CE) n°178/2002 et le règlement (CE) n°1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE. Ce règlement renforce et harmonise les règles applicables aux dispositifs médicaux au sein de l’Union européenne.

[7Article R. 5211-1, Régime juridique des dispositifs médicaux, Code de la santé publique.

[8Annexe VIII du règlement 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux.

[9BPI France entreprise, « Accélérer le lancement du 1er exosquelette personnel auto-équilibré de Wandercraft », Caisses des dépôts, 24 janv. 2022, en ligne.

[10E. Dal’Secco, « Macron promet de déployer 2 exosquelettes par département », Handicap.fr, 26 janv. 2023.

[11France info, « Handicap : l’exosquelette, un espoir pour les personnes en fauteuil roulant », Franceinfo.fr, 11 mai 2022.

[12E. Dal’Secco, « Macron promet de déployer 2 exosquelettes par département », ibid.

[13Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, Journal Officiel de la République Française, n°36 du 12 février 2005.

[14« L’accessibilité », Gouvernement.fr, 10 déc. 2021.

[15Disponible sur toute-la.veille-acteurs-sante.fr

[16C. Kurek, « Le transhumanisme en droit pénal », Les Cahiers de la Justice, 2018, n°, Éditions Dalloz, p. 542.

[17Sur ces questions : L. Alexandre, La mort de la mort, Paris, J.C. Lattès, 2011 ; R. Gori, « L’inquiétante étrangeté de l’homme augmenté », Journal international de bioéthique et d’éthique des sciences, 2018, vol. 29, p. 15 à 30 ; J. de Rosnay, « Transhumanisme ou hyper-humaniste ? L’avenir de l’humanité », Journal international de bioéthique et d’éthique des sciences, 2018, vol. 29, p. 233 à 240.

[18Fondation Malakoff Humanis Handicap, « On a testé pour vous… une séance de marche en exosquelette ! », 28 févr. 2023, en ligne.

[19V. également : OPECST, Rapport sur les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap, juill. 2008, disponible en ligne.