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Les droits des salariés en cas de faillite de l’entreprise. Par Noémie Le Bouard, Avocat.
Parution : lundi 30 octobre 2023
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Dans un monde économique en perpétuel mouvement, les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites, peuvent être confrontées à des défis financiers majeurs. De la compréhension des mécanismes de faillite à l’impact direct sur les salariés en termes de salaires impayés, cet article explore les différentes facettes des procédures collectives. À travers une analyse approfondie, nous mettrons en lumière les implications juridiques, financières et humaines de ces situations, offrant ainsi un aperçu complet de ce sujet complexe et crucial.

1. Introduction.

En ces temps économiques incertains, la stabilité des entreprises est mise à rude épreuve. La conjoncture actuelle, marquée par des bouleversements économiques mondiaux et des crises sectorielles, a conduit à une augmentation notable des procédures collectives. Ces procédures, régies par le Code de commerce, ont pour objectif de traiter les difficultés des entreprises, qu’il s’agisse de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. La jurisprudence, notamment celle émanant de la Cour de Cassation [1], souligne l’importance de la prise en compte des intérêts des créanciers, mais également des salariés, dans le cadre de ces procédures.

Il est essentiel de comprendre que la faillite d’une entreprise n’est pas seulement une question de bilans, de dettes et d’actifs. Elle a des répercussions humaines profondes, touchant directement les salariés qui, bien souvent, se retrouvent dans une situation de précarité et d’incertitude quant à leur avenir professionnel. La législation française, à travers divers textes et articles de loi, a tenté de mettre en place un cadre protecteur pour ces salariés. Le droit du travail, en particulier, offre un certain nombre de garanties aux salariés en cas de défaillance de leur employeur. Ainsi, l’article L3253-14 du Code du travail prévoit la garantie des salaires par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l’entreprise.

Face à cette réalité, il est impératif pour chaque salarié de connaître ses droits. La méconnaissance de ces derniers peut entraîner des conséquences fâcheuses, tant sur le plan financier que sur le plan psychologique. En effet, être informé et préparé permet non seulement de mieux anticiper les éventuelles conséquences d’une faillite, mais aussi de prendre les mesures nécessaires pour protéger ses intérêts. La Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 20 septembre 2018 [2], a d’ailleurs rappelé l’importance de la diligence des salariés dans la défense de leurs droits, notamment en matière de déclaration de créances.

Il convient également de souligner que la faillite d’une entreprise ne signifie pas nécessairement la fin de l’activité ni le licenciement immédiat de tous les salariés. Les procédures collectives prévoient des mécanismes permettant, dans certains cas, la poursuite de l’activité et la sauvegarde des emplois. C’est dans cette optique que le législateur a introduit, par la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, des dispositions visant à faciliter la reprise des entreprises en difficulté et à préserver l’emploi.

2. Comprendre la faillite d’une entreprise.

La faillite d’une entreprise est un sujet complexe et multidimensionnel qui nécessite une analyse approfondie pour en saisir toutes les nuances. Elle est encadrée par des dispositions légales précises, dont la méconnaissance peut avoir des conséquences préjudiciables pour les parties prenantes.

a. Définition et types de faillite.

La faillite, au sens juridique du terme, désigne l’incapacité d’une entreprise à faire face à ses dettes à mesure qu’elles deviennent exigibles. Cette situation est réglementée par le Code de commerce, notamment dans ses articles L640-1 et suivants. Il convient de distinguer plusieurs procédures, adaptées à la gravité de la situation financière de l’entreprise :

La liquidation judiciaire : Elle intervient lorsque l’entreprise est en cessation des paiements et que son redressement est manifestement impossible. Cette procédure, prévue par les articles L640-1 à L643-11 du Code de commerce, vise à mettre fin à l’activité de l’entreprise et à réaliser son actif pour désintéresser les créanciers.

Le redressement judiciaire : Cette procédure, encadrée par les articles L631-1 à L631-28 du Code de commerce, est ouverte à toute entreprise en cessation des paiements mais dont le redressement est jugé possible. Elle vise à permettre la poursuite de l’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.

La procédure de sauvegarde : Introduite par la loi du 26 juillet 2005, elle est destinée aux entreprises qui, sans être en cessation des paiements, justifient de difficultés qu’elles ne sont pas en mesure de surmonter. Les articles L620-1 à L628-9 du Code de commerce en détaillent le régime.

b. Les signes avant-coureurs d’une faillite.

La détection précoce des signes annonciateurs d’une faillite est cruciale pour les dirigeants, les salariés et les créanciers. Plusieurs indicateurs peuvent alerter sur une dégradation de la situation financière de l’entreprise :

Des difficultés de trésorerie récurrentes : Si l’entreprise peine régulièrement à honorer ses échéances financières, cela peut indiquer une insuffisance de fonds de roulement. L’article L631-1 du Code de commerce évoque la cessation des paiements comme critère déclencheur du redressement judiciaire.
Une augmentation du délai de paiement des fournisseurs : Si l’entreprise repousse constamment les échéances de paiement de ses fournisseurs, cela peut traduire des difficultés financières sous-jacentes.
Des résultats financiers en baisse constante : Une diminution continue du chiffre d’affaires ou des marges peut être le signe d’une dégradation de la situation économique de l’entreprise.
Des tensions avec les établissements bancaires : Si les banques refusent d’accorder de nouveaux crédits ou réduisent les lignes de crédit existantes, cela peut indiquer une perte de confiance dans la capacité de l’entreprise à rembourser ses dettes.
Des litiges fréquents avec les salariés ou les partenaires commerciaux : Ces conflits peuvent être le reflet de difficultés financières, comme l’illustre l’arrêt de la Cour de Cassation [3], qui a souligné l’importance de la prise en compte des intérêts des salariés dans le cadre des procédures collectives.

Comprendre la faillite d’une entreprise nécessite une approche globale, tenant compte des aspects juridiques, financiers et humains. La vigilance et l’anticipation sont essentielles pour prévenir ces situations ou, à défaut, pour en limiter les conséquences.

3. Les salaires impayés.

La question des salaires impayés est une préoccupation majeure pour les salariés confrontés à la défaillance de leur employeur. La législation, consciente de l’impact dévastateur que peut avoir un tel manquement, a mis en place des mécanismes de protection pour garantir les droits des travailleurs.

a. Que faire en cas de retard de paiement ?

Lorsqu’un salarié constate un retard dans le paiement de son salaire, il est impératif d’agir rapidement. La première étape consiste à adresser une mise en demeure à l’employeur, lui enjoignant de régulariser la situation dans les plus brefs délais. Cette démarche, prévue par l’article L3241-1 du Code du travail, permet de formaliser la demande du salarié et de constituer un élément de preuve en cas de litige ultérieur.

Si cette mise en demeure reste sans effet, le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes compétent. La jurisprudence, notamment celle émanant de la Cour de Cassation [4], a régulièrement rappelé l’obligation pour l’employeur de payer le salaire dû, sauf en cas de force majeure.

b. Le rôle de l’AGS (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés).

L’AGS joue un rôle primordial en matière de garantie des salaires impayés. Créée pour protéger les salariés en cas de défaillance de leur employeur, elle intervient lorsque ce dernier est placé en redressement ou en liquidation judiciaire. L’article L3253-8 du Code du travail prévoit que l’AGS garantit le paiement des créances salariales en cas de procédure collective.

La garantie de l’AGS couvre non seulement les salaires, mais aussi les indemnités de licenciement, les primes et autres éléments de rémunération dus par l’employeur défaillant. La Cour de Cassation, dans un arrêt du 28 juin 2018 [5], a d’ailleurs souligné l’étendue de cette garantie, rappelant que l’AGS doit intervenir même en cas de contestation de la créance salariale.

c. Comment et quand les salariés peuvent-ils réclamer leurs salaires impayés ?

La réclamation des salaires impayés doit se faire dans des délais précis. Conformément à l’article L3253-14 du Code du travail, le salarié dispose d’un délai de douze mois à compter de la date d’ouverture de la procédure collective pour déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur.

Cette déclaration est essentielle, car elle conditionne l’intervention de l’AGS. En l’absence de déclaration dans les délais, le salarié risque de voir sa créance éteinte. Il est donc crucial de respecter cette formalité et de se faire assister, si nécessaire, par un conseil juridique.

Face à la problématique des salaires impayés, les salariés disposent de recours et de garanties solides. Toutefois, la connaissance de ces droits et la rapidité d’action sont déterminantes pour assurer une protection efficace. La législation, appuyée par une jurisprudence constante, vise à garantir la primauté des droits des salariés en cas de défaillance de leur employeur.

4. Les indemnités de licenciement.

Lorsqu’un salarié est confronté à une rupture de son contrat de travail, la question des indemnités de licenciement revêt une importance capitale. Ces indemnités, prévues par le Code du travail, visent à compenser la perte d’emploi et à garantir une certaine sécurité financière au salarié. Leur calcul et les conditions de leur octroi sont strictement encadrés par la loi et la jurisprudence.

a. Calcul et conditions d’obtention des indemnités.

L’indemnité légale de licenciement est prévue par l’article L1234-9 du Code du travail. Son montant est fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Pour les salariés ayant au moins un an d’ancienneté, l’indemnité est égale à 1/4 de mois de salaire par année de présence pour les dix premières années, puis 1/3 de mois de salaire pour les années suivantes.

Il convient de noter que certaines conventions collectives prévoient des indemnités supérieures à celles prévues par la loi. Dans ce cas, c’est l’indemnité la plus favorable au salarié qui s’applique, conformément à l’article L2254-1 du Code du travail.

b. Différence entre licenciement pour motif économique et licenciement suite à une faillite.

Le licenciement pour motif économique est défini par l’article L1233-3 du Code du travail comme étant la conséquence d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification refusée du contrat de travail, pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant notamment d’une difficulté économique ou d’une mutation technologique.

Le licenciement suite à une faillite, quant à lui, intervient lorsque l’entreprise est placée en liquidation judiciaire et que la poursuite de l’activité n’est pas envisageable. Dans ce contexte, le licenciement est inévitable, et les salariés se retrouvent dans une situation particulièrement précaire.

La principale différence entre ces deux types de licenciement réside dans la cause de la rupture. Dans le premier cas, il s’agit d’une décision de l’employeur liée à des difficultés économiques, tandis que dans le second, la rupture est la conséquence directe de la cessation d’activité de l’entreprise.

c. Le rôle de l’AGS (ou équivalent) dans le paiement des indemnités.

L’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) joue un rôle fondamental en matière d’indemnités de licenciement. En effet, lorsque l’entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire et qu’elle est dans l’incapacité de payer les indemnités dues, c’est l’AGS qui intervient.

L’article L3253-8 du Code du travail prévoit que l’AGS garantit le paiement des créances salariales en cas de procédure collective. Cela inclut non seulement les salaires impayés, mais aussi les indemnités de licenciement.

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 14 novembre 2018 [6], a rappelé l’étendue de cette garantie, précisant que l’AGS doit intervenir même lorsque l’entreprise a été placée en liquidation judiciaire sans poursuite d’activité.

Les indemnités de licenciement constituent un élément essentiel de la protection des salariés en cas de rupture de leur contrat de travail. Qu’il s’agisse d’un licenciement pour motif économique ou d’une faillite, le législateur a veillé à mettre en place des mécanismes garantissant les droits des travailleurs. L’intervention de l’AGS, en particulier, offre une sécurité supplémentaire aux salariés confrontés à la défaillance de leur employeur.

5. Les droits liés au contrat de travail.

Le contrat de travail, pierre angulaire de la relation employeur-salarié, est soumis à des règles spécifiques en cas de faillite de l’entreprise. La défaillance économique d’une société peut avoir des conséquences directes sur le sort des contrats de travail en cours, et il est essentiel pour les salariés de connaître leurs droits dans un tel contexte.

a. Que devient le contrat de travail en cas de faillite ?

Lorsqu’une entreprise est placée en redressement ou en liquidation judiciaire, les contrats de travail ne sont pas automatiquement rompus. Ils subsistent, sauf décision contraire de l’administrateur judiciaire ou du liquidateur. L’article L631-14 du Code de commerce stipule que l’administrateur a le pouvoir de décider de la poursuite des contrats de travail pendant une période d’observation.

Si l’entreprise est placée en liquidation judiciaire sans poursuite d’activité, les contrats de travail sont alors rompus. Cette rupture est assimilée à un licenciement pour motif économique, conformément à l’article L1233-3 du Code du travail.

b. Possibilité de transfert du contrat à une autre entreprise.

Dans le cadre d’un plan de cession ou d’une reprise de l’activité de l’entreprise défaillante, les contrats de travail peuvent être transférés à l’entreprise reprenante. L’article L642-9 du Code de commerce prévoit que le repreneur est tenu de reprendre les contrats de travail en cours, sauf exceptions.

Il est à noter que le salarié ne peut pas s’opposer à ce transfert. Toutefois, si les conditions de travail proposées par le repreneur sont substantiellement différentes, le salarié peut refuser la modification de son contrat et bénéficier alors d’un licenciement pour motif économique.

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 3 mai 2018 [7], a rappelé que le repreneur est tenu de respecter les droits acquis des salariés et ne peut pas imposer unilatéralement des modifications substantielles du contrat de travail.

c. Rupture du contrat et ses conséquences.

La rupture du contrat de travail en raison de la faillite de l’entreprise est assimilée à un licenciement pour motif économique. Les salariés concernés bénéficient donc des droits afférents à ce type de licenciement, notamment en matière d’indemnités.

L’article L1234-9 du Code du travail prévoit une indemnité légale de licenciement, dont le montant varie en fonction de l’ancienneté du salarié. De plus, selon l’article L1235-4 du même code, le salarié licencié pour motif économique a droit à une indemnité compensatrice de préavis et, le cas échéant, à une indemnité compensatrice de congés payés.

En outre, le salarié peut bénéficier d’un congé de reclassement, d’une priorité de réembauche ou encore d’un contrat de sécurisation professionnelle, conformément aux articles L1233-65 et suivants du Code du travail.

La faillite d’une entreprise a des conséquences directes sur les contrats de travail en cours. Toutefois, le législateur a veillé à protéger les droits des salariés dans ce contexte délicat. Qu’il s’agisse de la poursuite du contrat, de son transfert à un repreneur ou de sa rupture, les salariés disposent de garanties solides pour préserver leurs droits et leur sécurité financière.

6. La priorité de réembauche.

La priorité de réembauche est un mécanisme juridique conçu pour protéger les salariés licenciés pour motif économique. Elle offre à ces derniers une chance de retrouver un emploi au sein de leur ancienne entreprise si celle-ci se trouve dans une situation économique plus favorable. Ce droit, bien que méconnu de certains salariés, est pourtant essentiel et est encadré par des dispositions légales précises.

a. Dans quelles conditions les salariés licenciés peuvent-ils bénéficier d’une priorité de réembauche ?

La priorité de réembauche est prévue par l’article L1233-45 du Code du travail. Elle concerne les salariés licenciés pour motif économique. Pour en bénéficier, plusieurs conditions doivent être remplies :

Le licenciement pour motif économique : Seuls les salariés licenciés pour des raisons économiques peuvent prétendre à la priorité de réembauche. Il ne s’agit donc pas d’un droit général ouvert à tous les salariés licenciés.
La création ou la disponibilité d’un poste similaire : La priorité de réembauche ne s’applique que si l’entreprise crée un poste similaire ou si un poste similaire devient vacant dans les deux années suivant le licenciement.
L’absence de refus du salarié : Si le salarié a refusé un contrat de sécurisation professionnelle ou s’il a démissionné pendant la période de sauvegarde de l’emploi, il ne peut prétendre à la priorité de réembauche.

b. Comment exercer ce droit ?

L’exercice du droit à la priorité de réembauche nécessite une démarche proactive de la part du salarié.

Voici les étapes à suivre :

Information de l’employeur : Lors du licenciement pour motif économique, l’employeur doit informer le salarié de son droit à la priorité de réembauche, conformément à l’article L1233-45 du Code du travail.

Expression de la volonté du salarié : Pour bénéficier de ce droit, le salarié doit en faire la demande expresse auprès de son ancien employeur. Il est conseillé de le faire par écrit, par lettre recommandée avec accusé de réception, afin de disposer d’une preuve de cette démarche.

Offre de l’employeur : Si un poste similaire est créé ou devient vacant, l’employeur doit en informer par écrit le salarié licencié qui a exprimé sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche. Cette offre doit préciser la nature du poste, la rémunération et le lieu de travail.

Réponse du salarié : Le salarié dispose d’un délai de dix jours à compter de la réception de l’offre pour y répondre. S’il accepte, il est réembauché dans les conditions stipulées par l’offre.

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 7 avril 2016 [8], a rappelé l’importance de ce droit et les obligations qui en découlent pour l’employeur. Elle a notamment souligné que l’absence d’information du salarié sur un poste vacant ou créé pouvait engager la responsabilité de l’employeur.

En conclusion, la priorité de réembauche est un droit essentiel pour les salariés licenciés pour motif économique. Elle leur offre une chance de retrouver un emploi au sein de leur ancienne entreprise, à condition toutefois de respecter les modalités prévues par la loi. Connaître et exercer ce droit est donc crucial pour tout salarié confronté à un licenciement économique.

7. La formation et la reconversion professionnelle.

Face à la mutation constante du monde du travail et aux aléas économiques, la formation et la reconversion professionnelle sont devenues des enjeux majeurs pour les salariés, en particulier pour ceux qui sont confrontés à un licenciement suite à une faillite d’entreprise. Ces dispositifs, encadrés par des textes législatifs et réglementaires, visent à offrir aux salariés les moyens de rebondir et de s’adapter à un nouveau contexte professionnel.

a. Les droits à la formation en cas de licenciement suite à une faillite.

Lorsqu’un salarié est licencié pour motif économique, notamment à la suite d’une faillite, il bénéficie de droits spécifiques en matière de formation. Ces droits sont prévus par le Code du travail et visent à faciliter la réinsertion professionnelle du salarié.

Le Compte Personnel de Formation (CPF) : Selon l’article L6323-1 du Code du travail, chaque salarié dispose d’un CPF qui lui permet d’acquérir des droits à la formation. Ces droits sont mobilisables à tout moment, en particulier en cas de licenciement économique. Le CPF permet au salarié de suivre une formation qualifiante ou de préparer une certification.

Le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) : Pour les salariés licenciés pour motif économique dans une entreprise de moins de 1 000 salariés, le CSP, prévu par l’article L1233-65 du Code du travail, offre un parcours de formation renforcé. Ce dispositif vise à faciliter le retour à l’emploi grâce à des actions de formation adaptées.

b. Les dispositifs d’accompagnement à la reconversion.

La reconversion professionnelle est un processus qui permet au salarié de changer de métier ou de secteur d’activité. Plusieurs dispositifs d’accompagnement sont mis en place pour soutenir les salariés dans cette démarche.

Le Conseil en Évolution Professionnelle (CEP) : Prévu par l’article L6111-6 du Code du travail, le CEP est un service gratuit qui accompagne les salariés dans leur projet de reconversion. Il offre un conseil personnalisé et permet d’identifier les compétences à acquérir ou à valoriser.

La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) : Selon l’article L6411-1 du Code du travail, la VAE permet de faire reconnaître officiellement les compétences acquises en dehors du système de formation. Elle est un levier essentiel pour les salariés souhaitant se reconvertir.

Les aides financières : Plusieurs dispositifs peuvent être mobilisés pour financer une formation ou une reconversion, tels que le CPF, le Plan de développement des compétences ou encore les aides de Pôle emploi.

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 12 janvier 2017 [9], a souligné l’importance de l’accompagnement des salariés licenciés pour motif économique dans leur démarche de reconversion. Elle a rappelé que l’employeur a une obligation de reclassement et doit proposer des actions de formation adaptées.

La formation et la reconversion professionnelle sont des outils essentiels pour les salariés confrontés à un licenciement suite à une faillite. Ils offrent des perspectives de rebond et permettent de s’adapter à un marché du travail en constante évolution. Les dispositifs légaux et réglementaires, renforcés par la jurisprudence, garantissent aux salariés un accompagnement de qualité dans cette démarche.

8. Les démarches à suivre en cas de faillite de l’employeur.

La faillite d’un employeur est une situation complexe qui peut engendrer de nombreuses incertitudes pour les salariés. Face à cette situation, il est impératif de connaître les démarches à entreprendre pour garantir ses droits.

a. Comment déclarer sa créance ?

La déclaration de créance est une étape cruciale pour tout salarié qui souhaite recouvrer les sommes qui lui sont dues par son employeur en faillite. Selon l’article L622-24 du Code de commerce, tout créancier, y compris le salarié, doit déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire dans les deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective.

La déclaration doit être effectuée par écrit et doit préciser le montant et la nature de la créance. Elle doit être accompagnée des pièces justificatives, telles que les bulletins de salaire, les contrats ou tout autre document pertinent.

b. Les étapes à suivre pour garantir ses droits.

Se tenir informé : Dès l’annonce de la faillite, il est essentiel de se tenir informé des décisions prises par le tribunal de commerce et de suivre l’évolution de la procédure.
Déclarer sa créance : Comme mentionné précédemment, cette étape est fondamentale pour garantir ses droits.
Consulter les représentants du personnel : Ils peuvent fournir des informations précieuses sur la situation de l’entreprise et les démarches à suivre.
Se rapprocher des syndicats : Ils peuvent offrir un soutien juridique et conseiller les salariés sur leurs droits.

c. Les organismes à contacter.

Le tribunal de commerce : C’est l’entité en charge de la procédure de faillite. Il est possible de s’y rendre pour consulter le dossier de l’entreprise et obtenir des informations sur la procédure en cours.
Le mandataire judiciaire : Il est chargé de représenter les intérêts des créanciers et de recueillir les déclarations de créance.
L’AGS (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés) : En cas de défaillance de l’employeur, l’AGS intervient pour garantir le paiement des salaires, indemnités et autres sommes dues aux salariés.
Les syndicats : Ils peuvent offrir un soutien juridique et conseiller les salariés sur leurs droits.

9. Exemples et cas concrets de faillites d’entreprises et de la mobilisation des salariés.

a. L’histoire de l’entreprise Molex.

En 2009, l’industrie automobile mondiale a été secouée par une crise économique majeure. Parmi les nombreuses entreprises touchées, Molex, un fabricant de connecteurs pour l’automobile, a pris la décision drastique de fermer son usine en France. Cette décision a laissé des centaines de salariés sans emploi, créant une onde de choc dans la communauté locale.

Face à cette situation, les salariés n’ont pas baissé les bras. Ils ont organisé des manifestations, des grèves et d’autres formes de protestation pour revendiquer leurs droits, en particulier en ce qui concerne les indemnités de licenciement. Après plusieurs mois de négociations tendues et de manifestations médiatisées, les salariés ont finalement obtenu gain de cause. L’entreprise a accepté de verser des indemnités de licenciement supérieures à ce qui avait été initialement proposé. Cette victoire a été le fruit de la solidarité, de la détermination et de l’unité des salariés face à une situation difficile.

b. L’affaire Samsonite.

L’usine Samsonite de Hénin-Beaumont, connue pour la fabrication de bagages de qualité, a fermé ses portes en 2007. Cette fermeture a été le résultat d’une série d’événements controversés impliquant un fonds d’investissement qui avait racheté l’entreprise. Les salariés, se sentant trahis et laissés pour compte, ont intenté une action en justice contre ce fonds, l’accusant de les avoir trompés sur ses véritables intentions lors de l’achat. Ils ont soutenu que le fonds avait planifié la faillite de l’entreprise dès le départ pour réaliser des profits rapides.

Après plusieurs années de bataille judiciaire, en 2014, la justice française a rendu un verdict historique en faveur des salariés. Elle a reconnu la responsabilité du fonds d’investissement dans la faillite de l’entreprise, validant ainsi les revendications des salariés. Cette affaire est devenue emblématique de la lutte des travailleurs contre les pratiques prédatrices de certains fonds d’investissement.

c. La liquidation de l’entreprise Arjowiggins.

Arjowiggins, une entreprise renommée spécialisée dans la fabrication de papiers spéciaux, a été placée en liquidation judiciaire en 2019. Cette nouvelle a été un coup dur pour les salariés qui ont vu leur avenir professionnel s’assombrir du jour au lendemain. Cependant, au lieu de se résigner, ils ont choisi de se mobiliser. Des manifestations ont été organisées pour défendre leurs emplois et leurs droits. Leur combat a attiré l’attention des médias et du public, générant un soutien massif.

Suite à cette mobilisation, plusieurs repreneurs potentiels se sont manifestés, offrant une lueur d’espoir aux salariés. Bien que la route ait été semée d’embûches, la détermination des salariés a montré que même dans les moments les plus sombres, la solidarité et l’unité peuvent ouvrir de nouvelles possibilités.

10. Conclusion : Ce qu’il faut retenir.

La faillite d’une entreprise, bien qu’elle soit une réalité économique parfois inévitable, entraîne des conséquences lourdes pour ses salariés. Ces derniers se retrouvent souvent dans une situation d’incertitude, confrontés à des questions complexes sur leur avenir professionnel. Dans ce contexte, plusieurs points clés méritent d’être soulignés :

L’importance de l’information : Dans le tumulte d’une faillite, l’information est une arme. Chaque salarié doit s’informer activement sur la situation de l’entreprise, les décisions judiciaires en cours et les implications pour son contrat de travail. La connaissance des faits permet de mieux anticiper et de prendre des décisions éclairées.
La conscience des droits : La législation offre un cadre protecteur pour les salariés en cas de faillite de leur employeur. Que ce soit en matière de salaires impayés, d’indemnités de licenciement ou de formation, des droits spécifiques sont prévus. Il est donc primordial de les connaître et de les faire valoir.
La solidarité et le soutien : Face à la faillite, l’isolement est le pire ennemi. Se rapprocher des représentants du personnel, des syndicats ou d’autres salariés permet de partager des informations, de bénéficier de conseils et de construire une stratégie commune. La solidarité entre salariés est souvent une force dans ces moments difficiles.
L’accompagnement juridique : La complexité des situations de faillite rend souvent nécessaire l’intervention d’un professionnel du droit. Que ce soit pour déclarer une créance, comprendre un jugement ou négocier avec un repreneur, l’assistance d’un avocat ou d’un conseiller juridique est souvent indispensable. Ces professionnels peuvent éclairer le salarié sur ses droits, l’orienter dans ses démarches et le défendre en cas de litige.
La proactivité : Dans un contexte de faillite, l’attentisme peut être préjudiciable. Il est essentiel d’être proactif, que ce soit pour rechercher un nouvel emploi, se former ou envisager une reconversion. La capacité à anticiper et à agir rapidement est souvent la clé pour rebondir.

Face à la faillite d’une entreprise, les salariés disposent de nombreux outils et droits pour protéger leurs intérêts. Il est essentiel de les connaître, de les mobiliser et de s’entourer des bonnes personnes pour traverser cette épreuve dans les meilleures conditions possibles.

Noémie Le Bouard, Avocat Barreau de Versailles Le Bouard Avocats https://www.lebouard-avocats.fr

[1Cass. Com., 18 janv. 2017, n°15-22345.

[2Cass. Soc., 20 sept. 2018, n°17-21045.

[3Cass. Com., 12 sept. 2018, n°17-18045.

[4Cass. Soc., 23 mars 2017, n°15-24859.

[5Cass. Soc., 28 juin 2018, n°17-18789.

[6Cass. Soc., 14 nov. 2018, n°17-24418.

[7Cass. Soc., 3 mai 2018, n°16-24503.

[8Cass. Soc., 7 avril 2016, n°14-28398.

[9Cass. Soc., 12 janv. 2017, n°15-28838.

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