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Baux commerciaux et liquidation judiciaire : règles applicables en cas de cession du droit au bail. Par Guillaume Lasmoles, Avocat.
Parution : mercredi 27 décembre 2023
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Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une liquidation judiciaire, son patrimoine est vendu pour payer ses créanciers. Parmi les actifs de l’entreprise, il peut y avoir un bail commercial, c’est-à-dire un contrat de location de locaux destinés à l’exercice d’une activité commerciale.

Le bail commercial peut être cédé seul ou avec le fonds de commerce, c’est-à-dire l’ensemble des éléments nécessaires à l’exploitation de l’activité (clientèle, matériel, stocks, etc.). Mais quelles sont les règles applicables en cas de cession du droit au bail en liquidation judiciaire ? Quels sont les droits et les obligations du bailleur et du cessionnaire ? Quelle est la différence entre une cession d’actif isolé autorisée par le juge-commissaire et un plan de cession ordonné par le tribunal ?

Le bailleur peut-il s’opposer à la cession du droit au bail en liquidation judiciaire ?

Tout dépend de ce que prévoit le contrat de bail. En effet, le bail commercial peut comporter une clause d’agrément, qui subordonne la cession du droit au bail à l’accord préalable du bailleur. Cette clause vise à protéger le bailleur contre l’arrivée d’un locataire qui ne lui conviendrait pas, par exemple parce qu’il n’aurait pas les capacités financières ou professionnelles requises. Si le bail comporte une telle clause, le bailleur peut s’opposer à la cession du droit au bail en liquidation judiciaire, que le bail soit cédé seul ou avec le fonds de commerce. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 19 avril 2023 [1]. La cour a considéré que la cession du droit au bail en liquidation judiciaire se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire. En conséquence, le bailleur est fondé à se prévaloir de la clause du bail prévoyant l’agrément du cessionnaire par le bailleur.

Quelles sont les conséquences de la cession du droit au bail en liquidation judiciaire pour le cessionnaire ?

Le cessionnaire du droit au bail en liquidation judiciaire devient le nouveau locataire des locaux commerciaux. Il doit donc respecter les obligations du bail, notamment le paiement du loyer et des charges, l’entretien des locaux, l’exploitation de l’activité prévue au bail, etc. Il bénéficie également des droits du bail, notamment le droit au renouvellement du bail, le droit à une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement, le droit de sous-louer ou de céder le bail sous certaines conditions, etc. Le cessionnaire du droit au bail en liquidation judiciaire n’est pas tenu des dettes du cédant envers le bailleur, sauf si le bail prévoit une clause de solidarité inversée, qui oblige le cessionnaire à garantir le paiement des loyers dus par le cédant. Cette clause est valable en cas de cession du droit au bail en liquidation judiciaire, sauf si la cession intervient dans le cadre d’un plan de cession ordonné par le tribunal [2].

Quelle est la différence entre une cession d’actif isolé autorisée par le juge-commissaire et un plan de cession ordonné par le tribunal ?

En cas de liquidation judiciaire, le liquidateur peut céder le droit au bail, seul ou avec le fonds de commerce, avec l’autorisation du juge-commissaire. Le juge-commissaire est le magistrat chargé de surveiller le déroulement de la procédure collective et de trancher les difficultés qui peuvent survenir. La cession autorisée par le juge-commissaire se fait dans le respect des clauses du contrat de bail, comme nous l’avons vu précédemment. Le bailleur peut donc faire valoir son droit d’agrément ou son droit de préemption, s’il en dispose. Le cessionnaire doit également respecter les exigences de forme prévues par le bail, par exemple la signature d’un acte authentique en présence du bailleur [3].

En revanche, le tribunal peut ordonner la cession du droit au bail, avec le fonds de commerce ou une partie de celui-ci, dans le cadre d’un plan de cession. Le plan de cession est une mesure qui vise à assurer la pérennité de l’activité et des emplois, en désignant un ou plusieurs repreneurs. La cession ordonnée par le tribunal se fait sans tenir compte des clauses du contrat de bail, sauf disposition contraire du jugement.

Le bailleur ne peut donc pas s’opposer à la cession du droit au bail, ni exiger son consentement ou son agrément. Le cessionnaire n’est pas non plus tenu de respecter les exigences de forme du bail, comme la signature d’un acte notarié [4].

Guillaume Lasmoles Avocat en droit des affaires Barreau de Montpellier https://lasmoles-avocat.com/

[1Com., 19 avril 2023, n° 21-20.655.

[2Com., 14 novembre 2019, n° 18-18.833.

[3Civ. 3, 17 juin 2014, n° 13-15.119.

[4Com., 1er mars 2016, n° 14-14.716.

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