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Analyse de la jurisprudence marquante de fin 2023 en droit du travail et en droit civil. Par Noémie Le Bouard, Avocat.
Parution : jeudi 11 janvier 2024
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Dans cet article, nous plongeons au cœur des décisions judiciaires marquantes de novembre et décembre 2023, offrant une analyse détaillée et éclairée des arrêts les plus significatifs en droit du travail et en droit civil.

De la recevabilité des preuves obtenues de manière déloyale à la contractualisation des éléments de rémunération, en passant par les nuances du droit des travailleurs étrangers, cet article est une ressource incontournable pour comprendre les tendances actuelles et anticiper les répercussions de ces décisions sur le monde juridique et professionnel.

Voici une analyse détaillée et approfondie des décisions judiciaires marquantes de janvier 2024. Ces arrêts, sélectionnés pour leur portée significative, illustrent des évolutions notables et des points de vigilance essentiels en droit du travail et en droit civil. Ils offrent un aperçu précis des orientations récentes de notre jurisprudence, essentiel pour tout praticien et acteur du droit.

Recevabilité de la preuve et respect des droits fondamentaux.

La Cour de cassation a récemment abordé la question complexe de la recevabilité des preuves obtenues de manière déloyale, un sujet au cœur des débats juridiques contemporains. Dans un revirement jurisprudentiel notable, la cour admet désormais ces preuves sous certaines conditions strictes. Cette évolution s’inscrit dans un contexte dans lequel la balance entre le droit à la preuve et le respect des droits fondamentaux est de plus en plus précaire. La cour, en s’inspirant de la jurisprudence de la CJUE, reconnaît la nécessité d’une approche plus nuancée, permettant l’utilisation de preuves déloyales lorsque celles-ci sont indispensables à la protection des droits du justiciable, tout en veillant à ne pas porter atteinte de manière disproportionnée aux droits fondamentaux de la partie adverse. Cette évolution jurisprudentielle souligne l’importance pour les avocats de reconsidérer les stratégies de preuve dans les litiges, en tenant compte de cette nouvelle flexibilité tout en respectant les principes éthiques fondamentaux [1].

Congés payés et mise en quarantaine.

Dans un cas récent traité par la CJUE, un salarié allemand, placé en quarantaine juste avant ses congés payés, a sollicité un report de ces derniers, soulevant une question d’interprétation du droit européen. La CJUE, dans sa décision, a clarifié la distinction entre les différentes catégories de congés et leurs finalités respectives. Elle a établi que la mise en quarantaine, bien que restrictive, ne s’apparente pas à une incapacité de travail telle que la maladie et ne modifie donc pas la nature du congé payé. Cette décision est fondamentale pour comprendre la finalité du congé payé, qui est de permettre au salarié de se reposer et de profiter d’une période de détente et de loisirs, une finalité qui n’est pas nécessairement entravée par une mise en quarantaine. Cette décision a des implications importantes pour les employeurs et les salariés, en particulier dans le contexte actuel où les mises en quarantaine peuvent être fréquentes. Elle souligne la nécessité pour les employeurs de revoir leurs politiques de congés et pour les salariés de comprendre leurs droits dans des situations de santé publique exceptionnelles [2].

Inaptitude et obligation de reclassement.

Un arrêt récent de la Cour de cassation [3] a réaffirmé l’obligation de l’employeur de rechercher activement un reclassement pour un salarié inapte, même lorsque l’inaptitude est limitée à un seul site de l’entreprise. Cette décision confirme la jurisprudence constante sur la responsabilité de l’employeur en matière de reclassement, renforçant la protection des salariés inaptes. Elle souligne que l’obligation de reclassement doit être envisagée de manière globale au sein de l’entreprise, et non limitée à un cadre géographique ou organisationnel restreint. Cette décision a des conséquences directes sur la gestion des ressources humaines au sein des entreprises. Elle impose aux employeurs de faire preuve de diligence et de créativité dans la recherche de solutions de reclassement, et offre aux salariés une protection accrue en cas d’inaptitude.

Contractualisation d’éléments de rémunération.

Concernant la suppression de primes versées pendant plus de 7 ans, la Cour de cassation a confirmé [4] que le versement continu de primes, même en l’absence de droit explicite, entraîne leur intégration dans la rémunération contractuelle du salarié. Cette décision souligne l’importance de la constance dans les pratiques de rémunération et leurs effets juridiques. Elle met en lumière la notion de contractualisation implicite, où des pratiques répétées et non contestées par l’employeur peuvent créer des droits pour le salarié. Cette décision a des implications significatives pour les employeurs en termes de gestion de la paie et des avantages sociaux. Elle les incite à examiner attentivement leurs pratiques de rémunération et à clarifier les termes des contrats de travail pour éviter des interprétations non intentionnelles.

Droit de travailler des étrangers.

Dans cette affaire [5], la Cour de cassation a abordé un cas concernant le renouvellement du titre de séjour d’un salarié étranger, mettant en lumière les interactions entre le droit du travail et le droit des étrangers. Cette décision précise les conditions dans lesquelles un étranger peut conserver son droit de travailler après l’expiration de son titre de séjour. Elle met en évidence les obligations procédurales des étrangers en matière de renouvellement de titre de séjour et les conséquences sur leur emploi. Elle rappelle l’importance de la conformité aux procédures administratives pour les salariés étrangers et les employeurs. Cette décision est cruciale pour les employeurs qui emploient des travailleurs étrangers.

Conclusion.

Ces arrêts, reflétant les tendances actuelles de notre jurisprudence, sont essentiels pour tout praticien et acteur du droit. Ils illustrent l’évolution constante du droit du travail et des principes fondamentaux du droit civil, soulignant l’importance de rester à jour sur ces développements. Ces analyses démontrent la dynamique et la complexité du droit et l’importance d’une veille jurisprudentielle rigoureuse pour toute pratique juridique.

Noémie Le Bouard, Avocat Barreau de Versailles Le Bouard Avocats https://www.lebouard-avocats.fr

[1Les arrêts pertinents sont Cass.soc. 22 décembre 2023, n°20-20.648 et Cass.ass. plen, 22 décembre 2023, n°21-11.330.

[2Le cas est référencé sous CJUE, 14 décembre 2023, n° 206/22.

[3Cass. Soc. 13 décembre 2023, n° 22-19.603.

[4Affaire Cass. soc. 13-12-2023 n° 21-25.501 F-D.

[5Cass.soc 29 novembre 2023, n°22-10.004, FS-B.